La dernière du Pharaon ?

Encore une finale de Champion’s League Africaine, et sa carrière sera terminée. La double confrontation entre Orlando Pirates et El-Ahly constitue le dernier défi (ou l’avant-dernier en cas de qualification en Coupe du Monde des Clubs) de l’attaquant Egyptien Mohamed Aboutrika,  légende qui a marqué de son empreinte le football Africain des années 2000, certainement l’un des joueurs les plus sous-cotés de la décennie, mais qui ne participera malheureusement jamais à une Coupe du Monde.

Il existe différentes manières d’évaluer l’aura que possède Mohamed Aboutrika en Afrique. Au-delà de l’hommage solennel de Didier Drogba, ou de la campagne promotionnelle de la CAN 2008 d’Al Jazira Sports, un spot ou un sorcier lui prédit qu’il marquera le but décisif en finale (prédiction prémonitoire qui devient réalité contre le Cameroun) l’Egyptien présente la particularité d’être l’un des rares footballeurs étrangers à avoir un chant à sa gloire en Tunisie.

Au départ chanson détournée pour taquiner le CS Sfaxien, victime cruelle de l’attaquant en finale de Champion’s League –Nous y reviendrons- cette chanson a par la suite servi à d’autres chambrages mutuels entre les différents perdants contre Mohamed le chasseur de buts et le club Cairote d’El Ahly dans cette même compétition. A savoir l’Etoile du Sahel (époque Bazdarevic, summum de l’horreur) et L’Esperance de Tunis. Comme un aveu d’impuissance du type «  vous aussi il vous a fumé ».

L’ogre de la Champion’s League

Et sur l’ensemble du continent, nombreuses sont les victimes. 4 Ligue des Champions remportées entre 2005 et 2012. Un record. 29 buts (mieux que l’éternel Hossam Hassan) et 3 buts dans les finales.

Avec pour chef d’œuvre absolula finale 2006 contre Sfax. Tenus en échec à l’aller 1-1 au Caire, les Ahlaouis d’Aboutrika sont obligés de gagner au match retour pour remporter le trophée. La rencontre est délocalisée au stade de Radès plein à craquer, et après 92 minutes d’une rencontre âpre et fermée, les Tunisiens tiennent le 0-0 et les supporters attendent le coup de sifflet libérateur pour exulter.

Puis c’est le coup d’assommoir. Au moment où les mains Sfaxiennes allaient se renfermer sur le graal, l’implacable Numéro 22 leur sort la frappe qui tue. Long ballon dans le camp adverse détourné deux fois de la tête par Motaeb puis par le défenseur Haj Massoud, et la volée à l’entrée de la surface part comme un coup de fusil. La Coupe bascule en Egypte, le stade est KO debout. De ces buts qui forgent les héros et créent des monstres sacrés.

Deux CAN remportées, le rêve de Coupe du Monde envolé

Mais Aboutrika ce n’est pas que le talisman d’El-Ahly. C’est le symbole de la sélection Egyptienne qui a régné sur l’Afrique. L’équipe d’Hassan Shehata, qui compense, à l’aide de sa voracité Continentale, la reconnaissance qu’elle n’a pas vis-à-vis du reste du monde.

Ce qui donne : Remporter les deux CAN auxquelles il participe, émerveiller les observateurs par sa finesse technique et son sens inné du but, mais zéro phase finale de Coupe du Monde.

De fait, une seule occasion, inestimable, se présenta à lui. Le Mondial 2010 disputé sur ce sol Africain où il a tant brillé. Mais il ne sut la saisir. La faute à ces deux matches qu’il ne fallait pas rater en novembre 2009, et qu’il loupa dans les grandes largeurs. Contre l’Algérie en phase de poules (alors qu’une victoire par trois buts d’écart envoyait l’Egypte en Afsud) puis contre l’Algérie en barrage trois jours plus tard.

Malheureusement, tout porte à croire que le baroud d’honneur pour voir le Brésil en Juin 2014 sera vain, après le naufrage (6-1) en terre Ghanéenne quasi-impossible à remonter. Encore un maudit barrage. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’annonce de sa retraite est tombée quelques jours plus tard. C’est injuste, mais sa chance est passée.

La tragédie de Port-Saïd sous ses yeux, instigateur de l’arrêt du championnat

Quoi qu’il en soit, cet échec est au final dérisoire au regard de l’épisode le plus horrible de l’histoire du foot Egyptien, dont il fut témoin. Car Aboutrika était sur le terrain le jour de ce funeste match El Masry-El Ahly de Port-Saïd qui tourne au massacre,  au cours duquel 74 personnes trouvent la mort. L’attaquant sera le premier à réclamer l’arrêt du championnat et la mise en sommeil du foot dans le pays «  Ce n’est plus du sport, c’est la guerre, j’ai vu des personnes périr devant moi, le foot ne peut plus continuer  ». La tragédie le bouleverse, le pousse à quitter l’Egypte momentanément, à arrêter le foot, avant de se raviser.

Six mois plus tard, En compagnie des historiques d’El Ahly Motaeb et Fathi, il encadre la jeune sélection engagée aux JO 2012, et l’emmène en quarts. « La peine des familles des victimes de Port-Saïd est immense, je n’oublierai jamais ces supporters de mon club qui sont décédées dans notre propre vestiaire. C’est pour honorer leur mémoire qu’on a tenté de représenter le pays du mieux qu’on peut, tout ce qu’on peut faire c’est leur apporter une distraction aussi dérisoire soit-elle » déclarera-t’il en marge des Olympiades de Londres. Ces mêmes familles avec lesquelles il se sera longuement entretenu après le drame, leur assurant son soutien, à l’image de l’homme au grand cœur tout en engagements bénévoles qu’il est, que ce soit pour la Palestine ou pour combattre la famine en Afrique.

Un record à améliorer, et un autre en ligne de mire

Que reste-t-il alors à Aboutrika pour enrichir son palmarès et partir en beauté ? Si El-Ahly bat Orlando Pirates en finale de Ligue des Champions (match aller samedi soir) ca fera 8 titres pour le club, 5 pour son attaquant emblématique. Et qui dit champion d’Afrique, dit Coupe du Monde des Clubs à Casablanca dans un mois. Compétition dont Momo est meilleur buteur de l’histoire, ex aequo avec Messi et Denilson. Un petit but et il prendra les commandes tout seul de ce classement, et il sera bien temps d’aller goûter un repos bien mérité. Comme consultant, ou dans le jardin pour montrer à ses enfants la recette d’un exter du gauche réussi.

Farouk Abdou (Twitter)

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee