Vainqueur de la Ligue des champions 1998 et 1999, Oscar Fulloné est décédé ce 22 mai 2017 à l’âge de 78 ans. En hommage à ce grand entraîneur argentin méconnu dans son pays, retour sur ses deux grands faits de gloire sur le continent africain.

Très peu connu dans son pays, l’entraîneur argentin Oscar Fulloné, décédé ce lundi à Casablanca, a connu la gloire en Afrique au cours des 15 ans durant lesquels il y a exercé : 6 titres de champion, une ligue des champions Arabe, une Coupe des Coupes, et surtout deux Ligues des Champions Africaine consécutives en 1998 et 1999, remportées respectivement avec l’ASEC Abidjan et le Raja Casablanca. Retour sur les deux finales qui ont permis à ce tacticien hors pair de bâtir sa légende de fin connaisseur du continent. Une légende qui n’aura pas eu la reconnaissance qu’il méritait, que ce soit au Maroc (où, en dépit de ses titres avec le Raja et le Wydad, il avait peu à peu sombré dans l’anonymat) ou dans les autres pays où il a triomphé, qui l’ont totalement oublié.

1998 : les Dynamos submergés en 22 minutes

Fin des années 90, cette époque bénie au cours de laquelle Canal + Horizons célébrait l’Afrique et ses compétitions de clubs, notamment à travers la verve et l’enthousiasme de Mourad Zeghidi et Noureddine Mohammedi. En ce 13 décembre 1998, jour de la finale retour de la Ligue des Champions Africaine, c’est la tempête qui fait rage au stade Félix Houphouët-Boigny à Abidjan qui suscite l’enthousiasme. Cette tempête ne s’abat non pas sur la marée jaune massée dans les travées, mais sur les zimbabwéens du Dynamos, novices à ce stade de la compétition.

Pourtant, ils avaient fait jeu égal à Harare à l’aller (0-0) et ne sont pas passés loin de marquer au début du match retour le but qui aurait foudroyé les ivoiriens. Ils n’ont pas marqué, et la tempête les a frappés de plein fouet : quatre buts encaissés entre la 30ème et la 52ème, KO technique et irrémédiable sous l’impulsion de l’intenable Donald Sié (passé par Reims et le TFC par la suite) buteur, passeur décisif et casseur de reins à répétition. La réaction d’orgueil des Dynamos en fin de match ne changera rien (4-2) l’ASEC remporte la première C1 de son histoire, après avoir été souvent placé (demi-finaliste en 1993, sorti aux tirs aux buts en quarts en 1991, finaliste en 1995) mais jamais gagnant.

La désillusion la plus dure à vivre pour les Mimosas a été celle de 95, perdue alors que la finale semblait dans leurs mains après le bon résultat de l’aller (2-2 en Afrique du Sud contre les Orlando Pirates). Au retour à Abidjan, les Jaune et Noir n’ont pas fini le boulot et il a suffi d’un contre assassin et d’un rebond trop haut pour que les Sudaf leur souffle le graal chez eux (0-1 au retour). 3 ans plus tard, l’argentin n’aura pas incité ses ouailles à la prudence après le 0-0 au Zimbabwe à l’aller. Quatre joueurs offensifs devant (Zaki, Kamara, Guel et Sié) et des vagues ininterrompues dans le camp des Dynamos pour forcer le destin. Et, cette fois, finir le boulot.

Encore une histoire de boulot à finir. L’Espérance de Tunis et le Raja de Fulloné s’affrontent le 12 Décembre 1999 au stade El Menzah pour la finale retour de Ligue des Champions après un match aller (0-0) fermé à Casa. Un ticket pour le Mondial des Clubs au Brésil est également en jeu, et à Tunis la confiance de l’opinion publique et des médias était telle que tout le monde pensait que la cause était entendue, le trophée était pour les « Sang et Or ». L’ancien milieu défensif de l’EST Sirajeddine Chihi, titulaire au match retour, 1 en était conscient : « c’est dans la nature tunisienne, tout le monde pensait que c’était gagné. Mais on avait pris aucun avantage, et on a raté quatre occasions de tuer le match à Casablanca ». Malgré tout, les « Let’s go to Brazil » étaient visibles partout dans la capitale tunisienne la semaine précédant le match.

Côté marocain, derrière une forte conviction implantée dans les têtes des joueurs par Fulloné (« Oscar bossait sur le mental, comme un père, il nous répétait sans arrêt qu’on allait gagner et qu’on irait au Mondial »2 témoigna l’ancien Rajaoui Redouane El Haimeur) plane une crainte d’arbitrage maison qui allait faciliter la tâche aux locaux.

Ce serait un euphémisme de dire que le combo pénalty inexistant pour l’Espérance-deuxième carton jaune pour le défenseur central Jrindou à la 11ème minute transforma cette crainte en fureur. Le match est interrompu un bon quart d’heure alors que Fulloné et tout le banc du Raja se ruent sur l’arbitre, entouré par un cordon de policiers. Une interruption qui change tout, car les rajaouis gonflés à bloc par la rage et un sentiment d’injustice, entrent dans un état second alors que les joueurs de l’EST, qui attendent dans le rond central que les choses se calment, sortent du match, comme l’explique Chihi3 : « On est à 11 contre 10, chez nous, avec le stade plein à craquer. Cette Ligue des champions nous tend les bras. ″Qu’est-ce qu’il faut faire ? Comment on va faire ? ″ On a gambergé, et l’interruption nous a coupé les jambes ».

L’arrière gauche Sang et Or Azaiez voit le péno repoussé par le gardien du Raja Chedli. Un autre match débute, à 11 contre 10, mais l’avantage mental a choisi le camp des visiteurs. En plus d’avoir galvanisé ses joueurs et initié la révolte en pénétrant sur la pelouse, Fulloné avait appris à ses joueurs à gérer des situations inhabituelles. Chedli en avait donné un exemple, tout en évoquant le remaniement tactique original opéré après l’expulsion de Jrindou 4 : « Oscar a fait reculer Khoubach d’avant-centre à défenseur central. Il n’avait jamais joué à ce poste c’était un coup de poker, mais c’est un truc d’Oscar, qui un jour en championnat à Settat avait changé les postes de tout le monde à la dernière minute pour perturber le coach d’en face ».

Avec un attaquant en défenseur, et un feu follet devant (Moustaoudaa) pour maintenir la défense de l’EST le plus bas possible, le Raja ne lâche pas prise et l’Espérance ne trouve pas la solution. Chihi : « A la mi-temps, Zouaoui (l’entraineur espérantiste) nous demande de jouer sur toute la largeur, pour les fatiguer et trouver des positions de tir. On m’incite à monter d’un cran, mais on se méfiait de leur 10 (Moustaoudaa) qui presse haut et se jette sur chaque ballon. Le temps passait, et on n’arrivait pas à marquer ».

Les Verts tiendront le 0-0 durant les 79 minutes restantes puis les 30 supplémentaires des prolongations, avant de s’imposer aux tirs aux buts (3-4). Un triomphe qui portera éternellement la marque de Fulloné, aussi bien pour son audace tactique que pour sa contribution à l’approche psychologique de ses joueurs, qui avant et pendant le match ont fait ce qu’il fallait pour ne pas flancher.

Déclarations des joueurs (1, 2, 3, 4 et 5) extraites de la série « Légendes : Raja-EST 99 » par Reda Allali et Farouk Abdou, Magazine Telquel N°682, Septembre 2015

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee