Ce soir à Casablanca, l’affrontement entre le Wydad Casablanca et l’Espérance de Tunis verra l’expérimenté et impétueux entraîneur tunisien Faouzi Benzarti disputer sa huitième finale de compétition africaine (les quatre Supercoupes disputées ne sont pas prises en compte) et pour la première fois en tant qu’adversaire d’un club tunisien. Retour sur les sept premières, comportant trois succès et quatre déconvenues.

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C2 1990 : BBC Lions (Nigeria)-Club Africain 3-0, 1-1

C’est un champion de Tunisie en titre porté par la fratrie Rouissi (Adel, Lotfi, et le petit dernier, futur terreur des défenses Faouzi, 17 ans seulement) et sorti de deux tours au forceps aux tirs aux buts (en quart face aux Ghanéens de Hearts of Oak, en demi face aux Soudanais d’Al Merrikh) qui se présente à Lagos, ce 24 novembre 1990, en finale aller de la Coupe Africaine des Vainqueurs de Coupe. Jeune mais rapidement aguerri, le groupe de joueurs du CA s’attend à trouver un stade plein comme un œuf et une ambiance assourdissante. La surprise qui les attend est de taille. En effet, le club des BBC Lions est basé à Gboko (à 800 kilomètres de là) la délocalisation à Lagos aboutit à un stade vide, avec moins de 100 personnes, dans une enceinte qui peut contenir jusqu’à 55 000 supporters. Dans une ambiance de quasi huis-clos, les Clubistes déstabilisés s’inclinent lourdement (3-0) et ne pourront inverser la tendance à El Menzah au retour (1-1). Un piège sous forme de leçon que les hommes de Benzarti auront payé cher, comme le raconte l’ancien attaquant Sabri Bouhali dans le Lucarne Opposée Magazine N°4 : « Ce n’était pas le contexte qu’on attendait [Au Nigéria], on a subi une sorte de décompression qui nous a sorti du match avant même qu’on le joue. Et on a perdu 3-0, nous étions jeunes, nous n’avons pas su faire face à cette situation. Cela nous a servi de leçon, et appris qu’il fallait se préparer à tous les scénarios, tous les environnements de match, toutes les situations, et ne négliger aucun détail ». Un Benzarti amer débriefera le match retour aux micros de la TV Tunisienne, évoquant « le pire scénario possible avec l’ouverture du score adverse qui a rendu la mission impossible, et un arbitrage pas au niveau qui refuse des pénaltys alors que quand on joue à l’étranger c’est sifflé plus rapidement ». Le CA remportera la C1 l’année suivante, sans Benzarti remplacé pour le roumain Ilie Balaci.

C1 1994 Espérance de Tunis-Zamalek (Égypte) 0-0, 3-1

L’avènement d’une génération (El Ouaer, Thabet, Chihi, la doublette Hamrouni-Malitoli) et le chef d’œuvre de la carrière du regretté international Hédi Berrekhissa, décédé en 1997. À l’aller, l’EST résiste aux assauts zamalkaouis, aux entrechats du Ghanéen Oscar Laud, à l’envahissement de terrain, et ramène un 0-0 du Caire lui permettant d’aborder le match retour à El Menzah en position de force. Le 17 Décembre 1994, Berrekhissa, auteur d’une prestation mémorable, inscrit les premier et troisième buts des Sang et Or, qui mettent définitivement le Zamalek KO peu après l’heure de jeu (3-0). Un jaillissement victorieux sur corner à la 16e, et une chevauchée en trois temps à la 62e, alors que la balle part de la ligne de corner dans le camp de l’Espérance, passe par Malitoli puis Belhassen, le latéral suit la balle du côté de ses coéquipiers puis voyant l’espace dans l’axe fonce prenant de vitesse l’arrière-garde égyptienne revenue en catastrophe et gagne son face-à-face après un long sprint de plus de cent mètres. Le but de Nassar en fin de match n’y change rien. À l’évocation du souvenir de Berrekhissa, Benzarti qualifiera quelques années plus tard le troisième but de « moment historique, chef d’œuvre athlétique, tactique et footballistique difficile à rééditer dans le monde entier pas qu’en Tunisie. Ce but, je le revois souvent devant mes yeux comme si c’était un film, il restera toujours dans ma mémoire ».

C2 1999 Africa Sport (Côte d’Ivoire)-Club Africain 1-0, 1-1

Une année ou le football tunisien aurait pu rafler un jackpot inédit et unique, en remportant les trois coupes africaines (C1, C2, C3) en jeu. Las, l’Étoile du Sahel aura beau remporter la Coupe de la CAF aux dépends du Wydad Casablanca, l’Espérance chute aux tirs aux buts face au Raja en finale de la Ligue des Champions, et Benzarti rate une deuxième C2 avec les Clubistes, la faute à deux joueurs qui auront marqué le football ivoirien : le gardien Jean-Jacques Tizié et le fantasque attaquant Kader Keita, buteur au match retour au stade El Menzah, douchant les ambitions du CA défait à l’aller (0-1) et contraint à inscrire trois buts, mais seul l’Algérien Amrouche réussira à tromper la vigilance du portier des Éléphants au Mondial 2006. Ironie du sort, Tizié et Keita rejoindront le championnat tunisien un an plus tard, le premier sous les couleurs de l’EST, le second à la pointe de l’attaque de l’ESS.

C3 2006 Étoile du Sahel-AS FAR (Maroc) 1-1, 0-0

Finaliste malheureux de la C1 en 2004 et 2005, l’ESS, reversé en C3 en 2006 après son élimination en huitièmes de C1 aux tirs aux buts face à Hearts of Oak, réussit à s’extirper de la phase de poules avec un sans-faute (six victoires en six matchs, dont deux face aux rivaux de l’Espérance) et se retrouve face à un autre reversé, l’AS FAR de Rabat, tenant du titre. Orfèvre de l’équipe qui remportera (enfin) la Ligue des Champions un an plus tard, Benzarti met en place une équipe équilibrée au milieu avec le double verrou Narry-Nafkha, du danger sur les ailes avec les virevoltants Gelson Silva et Ogunbiyi (vainqueurs de la Coupe de France avec Guingamp en 2009) et un mélange de créativité et de puissance devant avec Chikhaoui et Emeka Opara. Le match nul avec but à l’extérieur (1-1) à Rabat donne un avantage à l’Étoile, qui le garde au retour à Sousse (0-0) avec des sueurs froides en toute fin de match, un but sur coup-franc étant refusé aux marocains pour un hors-jeu peu évident.

C1 TP Mazembe (RD Congo)-Espérance de Tunis 5-0, 1-1

Un naufrage controversé. Lésée par l’arbitrage sur la première mi-temps (incertitude sur le fait que le ballon franchit la ligne de but sur l’ouverture du score, le carton rouge du défenseur Ben Mansour, le pénalty litigieux), l’Espérance sombre corps et biens en seconde mi-temps dans la fournaise de Kamalondo (5-0) une déconvenue majeure si on considère le parcours des Sang et Or lors de cette édition de C1, offensif et maîtrisé, avec une belle puissance offensive (Eneramo, Msakni, Darragi). Malheureusement, les quatre-vingt-dix minutes à Lubumbashi seront rédhibitoires, et ce même collectif sachant allier équilibre et puissance de feu remportera le graal suprême en 2011, mais sans Benzarti. La troisième fois, après 91 et 2007, qu’une équipe décroche la C1 Africaine quelques mois après son départ.

C3 2011 MAS Fès (Maroc)-Club Africain 1-0 0-1

Tandis que l’Espérance entame sa marche victorieuse vers la C1, Benzarti reprend le Club Africain reversé en C3 et l’emmène en finale en s’appuyant sur une défense Iffa-Meriah-Ressaissi-Yaakoubi en fer forgé (3 buts encaissés en 10 matchs pour atteindre la finale). Seulement voilà, en face le MAS de Rachid Taoussi est tout aussi solide et le bras de fer (1-0, 0-1) que le CA pensait avoir légèrement plié avec le missile d’Alexis Mendomo à Radès se rééquilibre au retour. Après un raté chacun sur les cinq premiers tirs aux buts, Zniti, le gardien passé par la suite pas l’AS FAR et le Raja fait la différence en détournant la tentative de Ziedi avant de donner lui-même la victoire aux Fassis en transformant son péno, Rachid Taoussi avec sa cravate jaune exulte. Encore raté pour Benzarti avec les clubistes….

C3 2015 Étoile du Sahel-Orlando Pirates (Afrique du Sud) 1-1, 1-0

Le cru 2015 de l’ESS se rapproche sensiblement du cru 2006 sur certaines caractéristiques : un avant-centre surpuissant, de la vitesse dans les couloirs, un équilibre entre technique et goût du combat à chaque ligne, et un réalisme frappant en particulier sur coup de pied arrêté. Pas étonnant de constater que Benzarti a peaufiné les deux collectifs, à près d’une décennie d’intervalle. L’Étoile bat l’Espérance à deux reprises en poules comme en 2006, fait jeu égal avec Al Ahly, puis trimballe en demi-finales ses supporters entre émerveillement et désespoir face au Zamalek : victoire ébouriffante 5-1 à l’aller à Sousse, défaite effrayante 3-0 au Caire, à un cheveu de l’élimination. Mais la finale est arrachée, et les Orlando Pirates tombent sur un os nommé Ammar Jmel, défenseur central rugueux et galvanisé qui marque à l’aller et au retour, et symbolise l’acharnement d’une équipe qui aura posé les barricades sur une majeure partie des cent-quatre-vingts minutes et su frapper quand il fallait, faisant corps après la blessure de l’attaquant algérien Bounedjah.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee