Nouveau sélectionneur du Brésil, Tite est non seulement précédé d’une réputation de bâtisseur, il est aussi connu pour sa maîtrise tactique. Après vous avoir présenté l’homme et son parcours, place donc au tacticien.
La nomination de Tite à la tête de la Seleção n’est une surprise pour personne et surtout pas pour le principal intéressé. Voilà en effet près de 15 ans que le désormais ex-entraineur de Corinthians clame à qui veut l’entendre que les auriverdes sont le but ultime de sa carrière de technicien. Seulement durant tout ce temps, beaucoup de choses ont évolué, que ce soit concernant le football brésilien ou bien les certitudes de jeu du gaucho. Mais qu’elles sont-elles justement ?
Lorsque les anciens collaborateurs de Tite décrivent Tite, certains descriptifs reviennent plus que d’autres : studieux, animé d’une grande soif d’apprendre, obsédé par les questions tactiques, mais avant tout grand passionné du football italien et de Carlo Ancelotti. C’est d’ailleurs en stage auprès de ce dernier, alors au Real Madrid, qu’il consacra une grande partie de l’année sabbatique prise pendant l’année 2014 (lire Tite, un entraîneur emblématique au chevet de la Seleção). Mais avant cela retournons en 2001 au Grêmio, là où tout a vraiment commencé.
L’influence italienne de maître Carlo
Déjà à cet époque, l’influence italienne se fait sentir : si le 3-5-2 qu’il utilise revêt un aspect clairement latino, la marque transalpine transpire dans la rigueur au marquage qu’auront les joueurs de Porto Alegre pendant toute la saison. Attaquer oui, mais toujours avec l’assise défensive la plus sérieuse possible. Outsider cet année-là, le Grêmio de Tite ira pourtant chercher une victoire en Coupe du Brésil justement grâce à ses qualités tactiques, 3 à 1 face aux Corinthians. Mauro Galvão, défenseur tricolor d’alors raconte : « Les entrainements étaient intenses et tu voyais une philosophie basée sur l’entre-aide. Avec le travail sur la partie tactique, c’est clair qu’il a compensé le manque d’options. (…) Nous n’avions par exemple pas de véritable avant-centre ». Un goût prononcé pour la solidité défensive qu’il confirmera 7 ans plus tard avec le rival, l’Internacional, qu’il mènera à la conquête de la Copa Sul-Americana 2008 avec un 4-4-2, bien verrouillé au milieu par deux récupérateurs placés devant les 4 défenseurs.
Cette paire de récupérateur sera l’un des éléments fondamentaux du succès qu’il connaît ensuite lors de son passage au Corinthians de 2010 à 2013, avec lesquels il rafle un championnat, une Libertadores et une Coupe du Monde des clubs contre Chelsea. Pas mal. Installés au cœur d’un 4-2-3-1, Paulinho et Ralf passeront de chiens de garde postés devant la défense à milieux box-to-box, proposant constamment un surnombre dans le camp adverse. Une formule efficace donc qui amènera d’ailleurs Paulinho à Tottenham et en sélection. Seulement voilà, à force de faire une fixette sur le contrôle défensif du jeu, on en délaisse l’animation offensive : au cours d’un Brasileirão 2013 médiocre, O Timão ne marquera que 27 buts en 38 matchs, le second pire total de son histoire. Les critiques pleuvent et Tite retourne humblement à ses études, conscient de devoir se perfectionner. Notamment en étudiant ce 4-1-4-1 qui l’obsède, car seule formation qu’il admet ne pas vraiment maitriser.
C’est donc lors de cette pause de 2014, que Tite part suivre les enseignements de maitre Carlo, sa grande référence. Il en reviendra manifestement repu de science tactique, menant l’année suivante le Corinthians, qui l’accueillit à bras ouvert après l’échec Menezes, sur le toit du Brésil. Et ce Timão 2015 a en effet du Ancelotti dans le sang : un style sobre mais un équilibre attaque/défense minutieux, proposant un milieu très solide, se projetant très rapidement vers l’avant. Le tout dans un 4-1-4-1 donc, que Tite maitrise désormais à la perfection.
A quoi ressemblera le Brésil de Tite ?
Auprès de Don Carlo, Tite a également travaillé un aspect managérial de prime importance : la cohésion de groupe et la relation avec les joueurs. Une qualité qui ne lui sera pas inutile aux commandes de la Seleção, minée par les problèmes de vestiaires et les mises au banc depuis le dramatique mondiale 2014. La recette corinthienne devrait donc être appliquée.
Le poste de gardien, encore très instable et sans vrai titulaire indéboulonnable devrait échoir à Alisson, étant le plus synonyme d’avenir. La défense devrait être pilotée par deux centraux habiles techniquement dans le but d’initier des offensives rapidement et par le chemin le plus rapide : Logiquement Thiago Silva devrait donc faire son retour (allez, on arrête les bêtises maintenant, soyons sérieux), aux côté de ses compères parisiens David Luiz et Marquinhos. N’oublions pas la possibilité du jeune Felipe, que Tite connaît déjà et qui rejoindra Porto cet été, et éventuellement ce vieux Gil, homme de confiance du technicien. Les couloirs devraient être gardés par des latéraux dont le marquage est l’une des grandes qualités : Marcelo pourrait en faire les frais au profit de Filipe Luis à gauche, quand Dani Alves devrait tenir le coup à droite, Danilo étant encore un brin tendre.
Dans l’optique d’affirmer ses convictions concernant le 4-1-4-1, nous devrions normalement retrouver un seul récupérateur devant la défense. En l’occurrence Tite aura le choix entre l’expérience de Luiz Gustavo et le talent de Casemiro. Il est fort probable que, par sécurité, son choix se porte sur le premier cité, dans un premier temps tout du moins. Occupant l’axe de la ligne des 4 milieux, l’on pourrait bien retrouver deux « gars sûrs » de Tite : Elias et Renato Augusto. L’importance du repli défensif en ce qui concerne les joueurs latéraux dans les principes de Tite, fait que Willian et Douglas Costa devraient y trouver leur compte. Vous l’aurez remarquez, il manque quelqu’un… Neymar, à l’image de Vagner Love au Corinthians, toute proportion gardée, pourrait être placé en pointe, avec une complète liberté de mouvement à l’image d’un faux 9. Pas d’énorme révolution donc concernant les joueurs mais un rééquilibrage tactique et une cohérence collective à prévoir.
Rendez-vous après les JO, le 1er Septembre à Quito en Equateur, pour un match de qualification pour la Coupe du Monde 2018 qui sera forcément observé par des millions de personnes. Nous sommes sûrs que le studieux Tite aura d’ici là tout bien révisé.
Photo une: MIGUEL SCHINCARIOL/AFP/Getty Images