Comme à chaque fois quand approche un nouveau Superclásico, toute l’Argentine du football s’arrête et tourne ses regards vers la Bombonera ou vers le Monumental, deux stades mythiques où s'écrivent les légendes. Bien des choses ont été et seront écrites sur ce sujet. À l'heure où le plus grand match du pays se prépare à démontrer qu'il est aussi le duel le plus démesuré du monde, effectuons un retour aux sources, remontons le temps pour revenir aux origines. Là où finalement, tout a commencé.

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Tout a été dit et écrit sur le Superclásico, le plus grand rendez-vous du continent sud-américain. Alors que l’Argentine se prépare à l’embrasement, que les polémiques et autres déclarations chaudes d’avant choc se multiplient, nous vous invitons à prendre place dans la machine à remonter dans le temps et revenir aux origines de ce match, à une époque où Boca et River ne divisaient pas encore l’Argentine en deux camps irréconciliables.

Une simple querelle de quartier entre deux nouveaux arrivants

Fondés tous deux au début du XXe siècle (River en 1901, Boca en 1905), les deux clubs se rencontrent tout d’abord lors de matchs qui n’ont pas aujourd’hui de caractère officiel à partir de 1908. Il faut cependant attendre 1913 pour qu’enfin, le premier Superclásico officiel ait lieu. Des rencontres « amicales » des années précédentes a crû la rivalité entre Boca et River. Les Xeneizes viennent d’accéder à la Primera División grâce à l’expansion de l’élite argentine (qui passe de douze à quinze) et étrennent cette saison-là pour la première fois le maillot bleu à bande horizontale jaune qui fait suite au maillot bleu à diagonale jaune porté depuis alors cinq ans. Côté River, l’époque des Millonarios n’est pas encore d’actualité, le club qui évolue alors lui aussi dans le quartier de La Boca à la Dársena Sur, connait l’élite depuis seulement quatre saisons, monté en Primera División en 1909, et a cédé sa bande rouge pour un maillot rayé verticalement rouge et blanc avec quelques bandes noires sous l’impulsion de nouveaux joueurs arrivés du Nacional de Floresta, club qui venait d’être désaffilié pour des raisons de terrain non conforme.

À l’époque, Boca et River ne sont en rien des géants du football argentin. Le début du XXe siècle est dominé par d’autres équipes, principalement aux origines anglaises comme Lomas, première véritable machine à gagner issue de la Lomas Academy fondée par W.W. Hayward, et Alumni, le premier à être considéré comme un géant, fondé par Alexander Watson Hutton, le père du football en Argentine (et dont l'histoire vous est contée dans le sixième numéro de notre magazine). Les deux équipes se partagent les premiers titres, tout juste perturbées dans leur domination par le Belgrano Athletic Club ou par Quilmes. River – Boca est donc loin de dominer l’Argentine, la rivalité n’est qu’une « simple » guerre de quartier.

Aller plus loin : Histoire de Boca Juniors - Histoire de River Plate

Arbitre en retard, légende au sifflet et bagarre finale

24 août 1913, la Dársena Sur ayant été rendue impraticable à la suite de la tempête du mois de mars, Boca n’ayant pas de stade attitré, la rencontre River – Boca se déroule alors à Avellaneda sur le terrain du Racing, l’un des candidats au titre. Invaincu en championnat, River joue le titre et « se déplace » donc pour affronter un Boca alors ancré dans la deuxième partie du tableau.

Initialement prévue à 14h30, la partie est retardée par l’absence de l’arbitre ! C’est Paddy Mc Carthy, professeur d’éducation physique irlandais qui avait initié les futurs fondateurs de Boca au football et qui fut l’un des grands artisans de de l’expansion du football en Argentine, qui officie. Le match débute alors avec quarante minutes de retard et commence avec la domination de Boca. Mais River profite de la maladresse de l’attaquant xeneize Marcos Mayer pour ouvrir le score sur corner sur une tête de Cándido García. River tue le suspense en début de seconde période sur une frappe d’Antonio Ameal Pereyra et profite de la blessure de Juan Garibaldi à vingt minutes de la fin pour gérer son avance. Marcos Mayer réduit pourtant l’écart pour les dix Xeneizes cinq minutes plus tard avant que le match ne finisse dans la cohue.

Sur une offensive des joueurs de River, les attaquants des visiteurs chargent Virtú Bidone, portier xeneize qui reste au sol. S’ensuit une bagarre générale entre joueurs qui a pour conséquence de voir River terminer également à dix, Ameal Pereyra, blessé au cours de la baston devant sortir. Ainsi se conclut le premier Boca – River de l’histoire, sur une victoire des visiteurs. Boca ne pourra pas prendre sa revanche lors de la saison 1913, le championnat argentin se divisant ensuite en deux groupes à mi-saison. Longtemps invaincu, River ne perd finalement qu’une seule rencontre, le match d’appui l’opposant à Racing qui file donc en finale pour décrocher le premier de ses sept titres consécutifs d’alors. Boca termine deuxième du groupe B, il faudra attendre 1919 pour voir l’un des deux futurs géants décrocher un titre, Boca mettant fin à la domination de La Academia. Un an plus tard, River lui succède au palmarès.

Le 25 août 1913, au lendemain du premier Boca – River en compétition officielle, le quotidien La Nación fait sa une sur le conflit des Balkans qui commence déjà à susciter bien des inquiétudes. Il faut attendre la page 13 pour que la rencontre de la veille soit évoquée. Plus de cent ans plus tard, Boca – River est devenu un macrophage de l’information, paralyse tout un pays. Avant, comme ce dimanche, de paralyser le monde.

 

Le Superclásico sera à suivre sur la chaine Twitch de Lucarne Opposée 

 

 

Article initialement publié le 7/11/18, mis à jour le 07/05/23

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.