Kaboria (« le crabe ») est un film égyptien de 1990 racontant l’histoire d’un jeune homme pauvre rêvant de devenir boxeur, qui se retrouve manipulé par un couple de millionnaires et aveuglé par l’appât du gain. Par le biais de son personnage principal, joué par le célèbre acteur Ahmed Zaki, le film popularise malgré lui une coupe de cheveux qui deviendra la mode pour plusieurs générations de jeunes égyptiens dans les 90’s. Cette coupe sera à l’origine du surnom d’Ahmed Moussa « Kaboria», meilleur passeur du championnat d’Égypte 2015/16.

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Boxeur amateur, Hasan Hodhod héros du film « Kaboria » rêve de faire carrière et de devenir un grand champion. Mais son quotidien est morose, cantonné aux tournois de boxe de quartier et à sa bien-aimée qu’il ne peut qu’admirer au loin, à sa fenêtre, son père ne voulant pas qu’elle épouse un jeune n’ayant pas une bonne situation. Sa vie bascule quand son chemin croise celui d’un couple de millionnaires, Suleiman et Houria, qui vont l’embarquer dans des matchs de boxe qu’ils organisent dans leur luxueuse villa et sur lesquels des paris sont engagés et de l’argent facile est proposé. Hodhod et ses comparses s’installent dans la villa et s’habituent rapidement à la vie de château, jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils sont manipulés et que tous ces combats et paris ne sont destinés qu’à amuser ce couple de riches oisifs et leur suite, divertis de voir ceux qu’ils paient avec leur argent se donner en spectacle. Après un dernier combat victorieux à la villa et les liasses de billets refusées, le héros retourne au point de départ et à sa vie au début du film, sur le ring de boxe de ses tournois de quartiers et les regards échangés avec la fille dont il est amoureux.

Métaphore du crabe attiré par la lumière, succès populaire inattendu de la coupe de cheveux

Pendant la préparation de son rôle, l’acteur emblématique du cinéma égyptien Ahmed Zaki, qui incarne le héros, rencontre le vrai Hasan Hodhod, ex-boxeur et employé dans une soufflerie de verre, et qui a inspiré l’histoire du film. C’est en se basant sur un échange entre Hodhod et son coach, quand ce dernier disait à son poulain « tu me la joues à la Tyson ? » lors d’un entraînement particulièrement intense que Zaki envisage, pour ajouter un détail particulier à son personnage, une coupe de cheveux se rapprochant de celle de Mike Tyson à l’époque [1]. C’est ainsi que le héros du film aura les cheveux rasés sur les côtés, comme Tyson, champion du monde unifié des poids lourds depuis 1987.

La raison pour laquelle le film s’appelle « Kaboria » est expliquée par Ahmed Zaki en 1997, quelques années après la sortie du film, explication reprise dans des émissions plus récentes parlant du film [1-2] : la situation du héros, attiré par l’argent facile et l’atteinte de ses objectifs sans travail et sans effort, et manipulé par les riches, est semblable à celle du crabe qui remonte des profondeurs, attiré par la lumière de la surface et se fait cueillir par les pêcheurs. L’image du héros va avoir un impact inattendu sur la jeunesse : la coupe de cheveux de Hasan Hodhod dans le film devient à la mode et tous les jeunes dans les 90’s veulent avoir la même coiffure, un succès (égal à celui de la chanson éponyme « Kaboria » chantée deux fois dans le film) auquel Ahmed Zaki ne s’attendait pas [1-2]. Il déclare même qu’il aurait espéré que le sens profond du film (incarné par la métaphore du crabe) ait plus d’impact que l’engouement pour la coupe de cheveux [1]. La chanson et la coupe seront des phénomènes culturels liés au cinéma du début la décennie en Égypte.

Ahmed Moussa, la notoriété de « Kaboria » transmise au football

Quel lien entre le film, les phénomènes qu’il a engendrés, et le football ? Ce lien réside dans cette pratique égyptienne dans l’attribution à certains joueurs de football de surnoms qu’ils gardent durant toute leur carrière, l’acquisition de ce surnom provient soit d’une anecdote de leur enfance, soit un trait particulier pointé par les camarades ou un coach en équipes de jeunes (style de jeu ou ressemblance physique avec un joueur célèbre). Dans certains cas, l’origine du surnom est soit incertaine car des médias se contredisent en mentionnant des raisons différentes, soit le joueur choisit de ne pas révéler d’où provient le surnom.

Dans une interview, qui vient étayer les éléments rapportés par d’autres médias [3-5], Ahmed Moussa « Kaboria » meilleur passeur du championnat d’Égypte 2015-2016 à Port-Saïd avec le club d’Al Masry, indique que c’est la coupe de cheveux d’Ahmed Zaki dans le film, qu’il a adoptée quand il était petit, qui lui a valu ce surnom. Moussa étant né en 1988, cela démontre la notoriété de la coupe de cheveux induite par le film et son impact sur la décennie des 90’s. L’éclosion de la carrière du joueur près de vingt-cinq ans après la sortie du film aura permis de remettre à la fois le nom et l’histoire de cette œuvre sur le devant de la scène. Et même si le sommet de la carrière de « Kaboria » semble être passé (prêté à plusieurs reprises par le Zamalek, où il ne s’est pas imposé) le « Master Assist » est encore actif : six buts et quatre passes décisives en trente-neuf matchs toutes compétitions confondues avec Talaa Al Jaish. Avant d’assurer le maintien au club cairote pour la fin de saison 2019/20, puis un possible ultime baroud d’honneur au Zamalek une fois son prêt terminé ?

Le film

Sources

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Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee