Au pays des Pharaons, il n’y a pas que Mido dans le domaine des pseudonymes footballistiques. Le fait de donner à de nombreux joueurs des surnoms que le public connait mieux que leur vrai nom est une spécificité égyptienne. Derrière chacun de ces surnoms passés à la postérité se cache une histoire liée au style de jeu, à une ressemblance physique avec une personnalité, ou à une anecdote vécue dans la jeunesse du joueur. Voici une sélection des surnoms les plus fameux, et les histoires qui en sont à l’origine.

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Mahmoud Al Khatib « Bibo »

65 ans, international (54 sélections), vainqueur de la CAN 1986 et ballon d’or africain 1983. Avec Al Ahly, il est dix fois champion d’Égypte, a remporté deux Ligues des Champions (1981, 1987) et trois Coupes des Coupes (1984, 1985, 1986)

La légende d’Al Ahly avait tout pour lui : popularité, élégance et un talent de buteur hors pair. Le ballon d’or africain 1983 a régné sur le continent dans les années quatre-vingts (cinq coupes africaines des clubs en sept ans, le sacre à la CAN 86) après avoir tout gagné en Égypte la décennie précédente. Il a hérité de ce surnom en deux temps : un camarade de classe à l’école l’appellera d’abord « Bib » à la place de « Khatib », qui deviendra par la suite « Bibo » à son arrivée chez Les Rouges d’Al Ahly [1] pour que ça sonne comme le surnom de son glorieux prédécesseur en haut de l’affiche du foot égyptien et cairote (Abdelaziz Abdelshafi dit « Zizo », sept fois champion d’Égypte en tant que joueur et trois fois en tant qu’entraîneur). Sa passion pour le ballon rond s’est transmise au travers de l’académie de foot pour jeunes qu’il a fondée avec son club en 2001. Il a été élu président d’Al Ahly en 2017.

Mahmoud Abderrazek Hassan « Chikabala »

34 ans, international (32 sélections), vainqueur de la CAN 2010. Champion d’Égypte 2003 et 2004 et finaliste de la Ligue des Champions 2016 avec le Zamalek

Le surnom de l’icône du Zamalek fait référence à l’ancien international zambien Webster Chikabala, coéquipier de Kalusha Bwalya au début des années quatre-vingt-dix, qui est décédé en 1998. Dans un premier temps, c’est son grand frère Abdelbasset Hassan, formé comme lui au club de sa ville natale Assouan, qui porte ce surnom relié à Webster Chikabala, avant que ce surnom ne lui soit attribué [2]. « Chikabala » (l’Égyptien), passé par le PAOK Salonique, n’a pas laissé un souvenir impérissable au Sporting CP. Mais il a effectué un retour gagnant au pays puisqu’il a contribué au bon parcours des Zamalkaouis en Ligue des Champions Africaine 2016, dont ils ont disputé la finale. Vainqueur de la CAN 2010 avec l’Égypte, Chikabala sera très peu sélectionné au cours de la décennie qui suit mais sa très bonne saison avec Al Raed (Arabie saoudite) lui permet d’être dans les vingt-trois Pharaons au Mondial 2018 en Russie.

Wael Riad « Cheetos »

37 ans, International U20, cinq fois champion d’Égypte et deux Ligue des Champions (2004, 2005) avec Al Ahly

Titulaire dans la sélection égyptienne médaillée de bronze aux Mondiaux U20 de 2001, le milieu offensif vif et technique Wael Riad fait partie du groupe de la génération hégémonique d’Al Ahly dans les années 2000, mais a eu fort à faire avec la rude concurrence dans le secteur offensif Ahlaoui. Il entre en jeu en seconde mi-temps dans les matchs aller et retour de la finale de C1 2006 contre le CS Sfaxien. En 2015, il débute une carrière d’entraîneur au club de la Production Militaire (Al Entag Al Harby), mais il est principalement connu pour son activité à la TV (fréquemment invité sur les plateaux) et sur les réseaux sociaux pour exprimer son avis sur tout ce qui concerne l’actualité foot en Égypte. Pourquoi est-il surnommé ainsi ? Tout simplement parce qu’à l’âge de dix ans il y avait deux Wael dans sa bande d’amis et que pour les différencier ses amis ont illustré la forte consommation par Wael Riad des chips « Cheetos » [3].

Ahmed Moussa « Kaboria » (le crabe)

32 ans, meilleur passeur du championnat d’Égypte 2015-2016 avec Al Masry

Entraîné par les frères Hassan, le club d’Al Masry a réussi une excellente saison 2015/16, en terminant à la quatrième place du championnat. « Kaboria » est l’un des joueurs-clés dans cette épopée, puisqu’il a fini meilleur passeur avec treize offrandes. Une autre saison pleine dans le club de Port-Saïd a permis à « Kaboria » d’être recruté au Zamalek, où il ne réussira pas à s’imposer (une seule rencontre disputée), avant de rebondir dans un club du milieu de tableau, Talaa Al Jaish. Concernant l’origine du surnom de crabe ? Aucun rapport avec le crustacé, en Égypte « Kaboria » désigne également une coupe de cheveux popularisée par l’acteur égyptien Ahmed Zaki dans le film du même nom (Kaboria, 1990) dont l’histoire vous est contée ici. La coupe de cheveux du personnage principal du film joué par Ahmed Zaki, très populaire dans les années 90, a valu au footballeur Ahmed Moussa le surnom de « Kaboria » en référence au film [4].

Mahmoud Abdelmoneim « Kahraba » (électricité)

26 ans, international (27 sélections), vainqueur de la Coupe de la Confédération Africaine (2019) avec le Zamalek

La trajectoire de la carrière de Mahmoud Kahraba est à l’image du surnom que lui a donné Badr Rajab, entraîneur en équipe de jeunes d’Al Ahly. Kahraba, électricité, à cause de son hyperactivité sur le terrain, sa combativité et sa fougue [5]. Une description d’un style qui peut s’éteindre par moments mais les éclairs ne sont jamais bien loin. Son expérience en Suisse a tout de l’étoile filante : deux clubs en deux ans, sept buts en quatre mois au FC Lucerne, contrat résilié pour indiscipline. De retour à la case départ à ENPPI, le virevoltant ailier se remet à claquer des buts et file rapidement au Zamalek, où il remporte le championnat en 2015. Avant d’être suspendu par le club et envoyé en prêt en Arabie saoudite suite à une altercation avec son coach. Avec Al-Ittihad Jeddah, deux saisons dont une impressionnante lui redonnent de la visibilité et lui offrent un voyage au Gabon avec la sélection égyptienne pour la CAN 2017. L’embellie se prolonge à son retour au Zamalek, une saison 2018-2019 pleine et la C3 Africaine à la clé. Puis une rechute avec un passage oublié au Portugal au Desportivo Aves. Avant un retour au bercail, dans la rotation d’Al Ahly ou il commençait à se faire une place début 2020. A 26 ans, électricité est toujours en courant alternatif, mais il est encore temps pour basculer en continu et à haute intensité.

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Mahmoud Hassan « Trezeguet »

25 ans, international (44 sélections), vainqueur de la Ligue des Champions Africaine 2012 et champion d’Égypte 2013 avec Al Ahly

Prodige (avec son compère Kahraba) de la génération égyptienne U20 championne d’Afrique 2013, « Trezeguet » doit son surnom à une vague ressemblance (à vous de juger à ses débuts [6]) avec le Roi David. Son passage en Belgique, mitigé, est sauvé par un prêt réussi d’Anderlecht à Mouscron. Conforté par une première saison concluante en Turquie à Kasımpaşa, il a provoqué le pénalty décisif contre le Ghana (victoire 2-0 de l’Égypte) en qualifications du Mondial 2018. Le décollage à Aston Villa (où il vient de contribuer au maintien des Villans) est une étape vers la mission qui lui incombe, générant des attentes importantes en Égypte : devenir un cadre offensif de la sélection pouvant soulager Mohamed Salah, dans la quête pour renouer avec le triomphe à la CAN et disputer d’autres Coupes du Monde.

Mohamed Nagy « Geddo »

35 ans, international (37 sélections), vainqueur de la CAN 2010. Champion d’Égypte 2011 et vainqueur de la Ligue des Champions 2012 avec Al Ahly

Son grand moment de gloire, c’est la CAN 2010 ou il termine meilleur buteur avec cinq buts, dont celui de la victoire face au Ghana en finale (1-0). Dans les cinq matchs où il marque, il était sur le banc au coup d’envoi. C’est également avec Al Ahly qu’il prouve qu’il est un homme de finales, puisqu’il inscrit l’ouverture du score décisive pour Al Ahly au stade Radès face à l’Espérance de Tunis lors de la finale retour (1-2, 1-1 à l’aller) de la C1 2012. Ses débuts canon avec Hull City (cinq buts en six matchs) ont été sans lendemain, les blessures ayant freiné sa progression. Il n’a pu retrouver son niveau après une autre grave blessure, aux ligaments croisés avec Al Ahly en 2014. En arabe, « Geddo » veut dire « grand-père » et Mohamed Nagy a été surnommé ainsi parce qu’il était énormément attaché à son grand-père, avec qui il passait tout son temps lors de son enfance [7].

Hossam Salama « Paolo »

36 ans, international (1 sélection), meilleur buteur du championnat d’Égypte 2014-2015 et 2015-2016

Salama est une des plus belles preuves qu’une carrière peut se construire sur le tard si on ne renonce pas. Meilleur buteur du championnat égyptien deux saisons d’affilée (2014-2015 avec Al Dakhleya, 2015-2016 avec Smouha) à l’âge de trente-deux ans, « Paolo » a connu de longues années de galère : Refusé par Al Ahly, le Zamalek, et le club des Chemins de Fer, il met sa carrière de footballeur entre parenthèses pour jouer au volley-ball pendant deux ans. Puis il retente le coup, enchaîne les clubs de D4 et D3 égyptienne, et gravit progressivement les échelons jusqu’au club de Chems (en D2). Sa première saison dans l’élite avec Al Dakhleya est la bonne. Avec ses quarante-trois buts en deux ans et le record du but le plus rapide de l’histoire du championnat, Houssam Salama a fini par obtenir sa première (et seule sélection) en sélection égyptienne en août 2016. Son surnom vient d’un but marqué de la tête « façon Paolo », en référence à Rossi ou Maldini [8], en équipe de jeunes.

Karim Walid « Nedvêd »

22 ans, international U23, trois fois champion d’Égypte avec Al Ahly

Trezeguet et Electricité n’ont pas intérêt à chômer, car dans les promotions suivantes d’autres ambitieux aux dents longues sont aux aguets. « Nedvěd » a fait des ravages dès les équipes de jeunes puisqu’à l’âge de dix-huit ans seulement, il a été surclassé pour jouer la CAN Espoirs. Prêté deux saisons par Al Ahly, il a fait une saison 2018/19 pleine avec près de quarante matchs disputés et semblait avoir gagné sa place avant d’être récemment rattrapé par une blessure à un genou qui a mis fin à sa saison en mars dernier. Il est appelé ainsi pour une vague ressemblance à l’époque avec le vrai Nedvěd que lui avait trouvé l’entraîneur chez les jeunes d’Al Ahly Badr Rajab (le même qui est à l’origine du surnom d’électricité), surnom qui est resté dans les années qui ont suivi [9].

Youssef Ibrahim « Obama »

25 ans, vainqueur de la Coupe de la Confédération Africaine (2019), de la Supercoupe d’Afrique (2020) et champion d’Égypte 2015 avec le Zamalek

Une ressemblance avec l’ancien président des USA [10] et un caractère bien trempé. « Obama » s’est illustré en signant le ragequit le plus invraisemblable de l’année 2016. Le milieu offensif du club de Wadi Degla (en prêt du Zamalek) avait dans les pieds le pénalty de la gagne dans les arrêts de jeu face à Smouha. En rogne après avoir raté le péno, il a tout simplement décidé de quitter le terrain et de rentrer directement aux vestiaires, laissant ses coéquipiers à dix alors que le match n’était pas terminé. Les deux ans de prêt ont contribué à le faire mûrir et à l’assagir, et il semble s’être imposé dans une équipe du Zamalek dont le jeu en contres convient à ses qualités, équipe dans laquelle il complète parfaitement les feux follets marocains Bencharki et Ounajem, et avec laquelle il est bien placé pour remporter tous les trophées continentaux possibles : la C3 et la Supercoupe c’est fait, reste l’épreuve-reine, la Champions League 2019/20 à terminer et dont les Zamalkaouis ont atteint le dernier carré.

Liens et références

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Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee