En 1983, un banal match du championnat paulista entre Santos et Palmeiras se termine de manière insolite, avec un but marqué par… l’arbitre du match, José de Assis Aragão.

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Le 9 octobre 1983, Santos reçoit Palmeiras au Morumbi pour une nouvelle journée du championnat paulista. Les deux clubs sont déjà qualifiés pour la prochaine phase d’un tournoi qui leur échappe depuis 1978 pour Santos et 1976 pour Palmeiras, le Corinthians et São Paulo FC, les deux futurs finalistes du tournoi, se partageant les titres depuis. Autre tabu, celui entre Santos et Palmeiras, puisque Palmeiras n’a plus battu Santos en compétition officielle depuis plus de trois ans ! Le Verdão a certes battu le Peixe 4-0 en amical en 1982, mais reste sur dix matchs sans victoire dans le clássico da saudade concernant les matchs officiels. Palmeiras s’est notamment incliné 6-1 dans le championnat paulista 1982 avant d’être éliminé par Santos du Brasileirão 1983.

aragao2La finale aller du Brasileirão 1983 avait été arbitrée par Aragão, un arbitre expérimenté et qui s’est retrouvé au cœur de polémiques. En 1980, au cours d’une autre finale du Brasileirão impliquant Flamengo, l’arbitre Aragão expulse injustement Reinaldo, la star de l’Atlético Mineiro, coupable de gêner un coup franc rapide de Flamengo. Aragão expulse deux autres joueurs du Galo, ce qui lui vaudra le surnom de « Aramengão » de la part des supporters de l’Atlético Mineiro, mais il sera aussi surnommé « Aragalo » par les supporters du club rival, Cruzeiro ! Daniel Destro, auteur du livre Grandes árbitros do futebol brasileiro, le décrit comme : « rigoureux et strict, avec une main de fer ». En 1986, à nouveau en finale du Brasileirão, Aragão oublie un penalty évident sur João Paulo, l’attaquant de Guarani. La même année, Nelsinho refuse de reprendre le jeu après la mi-temps, avançant que Aragão l’a menacé de l’expulser sans raison. En 1987, Aragão se rend au studio de télévision pour tenter d’agresser le journaliste Milton Neves, qui l’avait critiqué dans l’émission Mesa Redonda.

En 1983, Aragão fête son quarante-quatrième anniversaire quatre jours avant le match entre Santos et Palmeiras. Au Morumbi, Santos, finaliste du Brasileirão cette année-là, prend les devants avec un but de Paulo Isidoro. À dix minutes du terme de la rencontre, Capitão égalise, mais Lino redonne l’avantage à Santos quatre minutes plus tard. On joue alors la 92e minute quand l’improbable se produit. Palmeiras obtient un corner, et l’arbitre Aragão choisit de se placer sur la ligne de sortie de but : « C’était la dernière action. Pour ne pas rater une faute, je me suis placé près de l’action. Et aussi parce qu’il y aurait pu avoir un corner direct ». Sur le corner, Vágner prend le ballon de la tête, Robson tente un dégagement, mais le ballon revient dans les pieds de Jorginho, ailier de Palmeiras. La frappe de Jorginho n’est pas cadrée, mais vient trouver la jambe d’Aragão, qui se trouvait à côté du poteau. Aragão dévie le ballon, qui termine au fond des filets de Marolla, pour le plus grand plaisir de Palmeiras et de Jorginho, finalement crédité du but : « Encore aujourd’hui, je plaisante en disant que c’était une action travaillée. Aragão était très bien placé au moment de ma frappe. Et il a même célébré le but ».

L’arbitre étant un élément neutre du jeu et Aragão se trouvant bien sur le terrain, il est obligé de valider le but et part en sprint vers le rond central, ce qui ne fait qu’accentuer la colère des Santistas, comme se souvient le gardien Marolla : « On est tous allés vers Aragão et il a couru jusqu’au milieu de terrain pour valider le but. Après, en se calmant, on a vu que ça ne servait à rien. Aux vestiaires, l’entraîneur Formiga a dit que l’arbitre était neutre, ça a été un moment marquant ». Dans sa cabine, le célèbre commentateur Osmar Santos est hilare : « But d’Aragão pour Palmeiras ! ». Aragão siffle dans la foulée la fin du match et se justifie auprès des journalistes : « Je ne suis pas fautif, qu’est-ce que je vais faire ? Je fais partie du jeu. Le ballon est allé sur moi, je l’ai touché et c’est rentré, but ».

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Dans son édition du lendemain, A Gazeta Esportiva rappelle que lors du championnat paulista 1949, une frappe de Leônidas, alors au São Paulo FC, avait été déviée par l’arbitre anglais Snape, trompant ainsi le gardien de Nacional. Aragão présente lui sa démission au président de la fédération paulista de football, José Maria Marin. « Il a pris la lettre, l’a déchirée et a dit que j’étais choisi pour le match entre le Corinthians et Santo André, trois jours plus tard » confiait Aragão à UOL. « Je n’ai pas trop souffert, parce que le match n’avait pas d’enjeu. Tout était déjà joué au classement, ça aurait été difficile si c’était un match décisif. Sur le moment, j’étais contrarié, mais cela a été une bonne chose. Personne n’oublie ça, encore aujourd’hui on s’en souvient ». Santos et Palmeiras se retrouvent eux lors de la deuxième phase du Brasileirão 1984 et si Palmeiras bat enfin Santos, c’est le Peixe qui se qualifie pour le tour suivant. Santos remporte également le championnat paulista 1984 après une victoire sur le Corinthians, un match arbitré par… Aragão, qui n’avait cependant pas marqué ce jour-là.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.