Ce mercredi, l’Étoile Sportive du Sahel croise le fer avec les Soudanais d’Al Merrikh pour une place en finale de la Ligue des Champions Arabe 2018-2019. L’enjeu de cette confrontation aller-retour, une manne financière conséquente et une finale prestigieuse contre le gagnant du duel entre deux superpuissances du football saoudien, Al Ahli et Al Hilal. Au vu des forces en présence, le représentant de l’Afrique du Nord ne partira pas avec la faveur des pronostics.

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Disputée sans interruption entre 1984 et 2009 sous différents formats et différentes appellations, la C1 Arabe a disparu à l’orée des années 2010, connaissant par la suite une brève résurrection d’un an sous l’appellation « coupe de l’UAFA (Union of Arab Football Associations) » l’USM Alger de Rolland Courbis remportant en 2013 une édition un cran moins compétitive (sur les 19 pays participants, seuls quatre avaient envoyé un représentant ayant fini champion ou vice-champion la saison précédente). Il a fallu attendre 2017 pour voir le tournoi ressusciter, sous l’impulsion du ministre des sports saoudien et président de l’UAFA de l’époque, Turki Al Sheikh : d’abord une édition 2017 estivale à 12 clubs remportée par l’Espérance de Tunis ; puis une nouvelle mouture 2018-2019 plus attractive, dans le format de la Coupe d’Europe des Clubs Champions « à l’ancienne » (pas de phase de poules, élimination directe en aller-retour jusqu’à la finale, disputée elle sur un match) réunissant sur invitation l’élite du football arabe, dans la majeure partie des cas des clubs abonnés au podium en championnat dans chaque pays : les rivaux du Caire, Al Ahly et Zamalek, Al Ittihad et Al Ahli Jeddah, le Raja, le Wydad, l’Espérance de Tunis, l’ES Sahel, le CS Sfaxien, Al Hilal Riyad, l’ES Sétif, les deux rivaux algérois du MCA et de l’USMA, et tutti quanti.

Avec à la clé un jackpot pour ceux qui atteignent l’apothéose (7,5 millions de dollars pour le gagnant, 4,5 pour le finaliste) et des particularités de planning spécifiques : calendrier de la compétition étalé sur neuf mois et extensible afin de s’adapter aux échéances africaines et asiatiques des clubs concernés, dates des matchs aller et retour d’une confrontation fixées suite des négociations entre les clubs, au cas par cas. Insolite, avec parfois un tour qui s’étend sur un mois et demi, mais adaptatif. Cela n’a pas empêché certains mastodontes, sujets à des trous d’air fréquents sur une période à cheval sur deux saisons, de connaitre des déconvenues, comme l’Espérance de Tunis, éliminée (1-1, 2-2) à un stade précoce de la compétition au cœur de sa crise de septembre 2018 par l’Ittihad Alexandrie, ou encore Al Ahly, qui a dû jouer ses deux matchs du deuxième tour contre les Émiratis d’Al Wasl respectivement avant et après sa finale de C1 Africaine, et s’est fait surprendre (1-1, 2-2).

Dans ce long marathon comportant deux jalons (tirage au sort des huitièmes, tirage au sort intégral quarts jusqu’à finale) l’Étoile du Sahel s’est frayée un chemin sans fracas, sans être déstabilisée ni par ses deux changements d’entraîneur ni par son échec en C1 Africaine 2018 en éliminant tour à tour les deux géants de Casablanca : d’abord le Wydad en huitième, dans un bras de fer fermé (0-0 puis un 1-0 au forceps par un froid et anonyme jeudi soir de novembre) ; puis le Raja en quart, avec un match aller tactiquement géré de main de maître à Rabat (0-2) à peine assombri par une défaite non dommageable (0-1) à Sousse au retour. Encore dans le coup en C3 Africaine et en championnat, les hommes de Roger Lemerre manquent clairement de puissance de feu offensive, à l’image de la nouvelle recrue algérienne Laribi, qui connaît des débuts très difficiles. Mais avec les quelques satisfactions (le profil intéressant du vénézuélien Darwin Jesús González, l’émergence du jeune Baayou dans l’entrejeu, la belle alchimie Kechrida-Hannechi) et un vécu tactique hérité de l’histoire africaine du club transposable (surtout pour les plus expérimentés de l’effectif) à d’autres compétitions internationales telle que la coupe arabe, l’ESS se retrouve à trois matchs d’un trophée qui embellirait non seulement le bilan de sa saison mais représenterait également son succès le plus significatif depuis le dernier triomphe africain de 2015.

Mais deux montagnes séparent les Étoilés de ce graal. D’abord Al Merrikh Oum Dourman, aux abonnés absents sur la scène continentale depuis deux ans (élimination au premier tour en C1) et donc épargné des longues joutes associées aux compétitions africaines. Les Soudanais ont abordé cette Coupe arabe avec appétit et se sont montrés intraitables à domicile, étrillant tour à tour les clubs algérois, 4-1 contre l’USMA puis 3-0 contre le MCA, avec cinq buts de l’attaquant Mohamed Abdelrahman. Le plan est simple : résister à Sousse, limiter les dégâts et compter sur la furia du bouillonnant Al Merrikh Stadium le 29 mars prochain pour s’offrir une finale de luxe aux Émirats en avril prochain.

La seconde montagne, celle qui attend le vainqueur de cette double confrontation, est pour le moins escarpée : le gagnant de la demi-finale 100% saoudienne Al Hilal-Al Ahli. D’un côté, les bleus de Riyad, en mesure d’aligner un quatuor offensif Carillo-Giovinco-Carlos Eduardo-Bafétimbi Gomis effrayant ; de l’autre, Al Ahli Jeddah, en retrait en championnat et qui vient de changer d’entraîneur (l’argentin Pablo Guede remplacé par l’uruguayen Jorge Fossati) mais porté par une doublette offensive de premier plan avec le Cap-verdien Djaniny et le Syrien Omar El Somah. La clé de cette future finale afro-asiatique résidera dans la capacité de l’arrière-garde du représentant (ESS ou Al Merrikh) à résister à l’attaque de feu qui se dressera en face d’elle. Depuis les huitièmes de finale, il n’y a eu que quatre duels Afrique-Asie (avantage à l’Asie 3-1) celui qui aura lieu en finale semble déséquilibré sur le papier, mais ce sera au terrain de parler.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee