Buteur lors de l’unique défaite du Brésil face à une équipe asiatique en 1999, le « Bombardier Coréen » Kim Do-hoon s’était déjà bâti une grande réputation en tant que joueur. L’attaquant international en a bâti une autre, cette fois-ci en tant qu’entraîneur. Une réputation qui aurait pu être bien différente au terme de l’année 2020.
Début de carrière prometteur mais déjà perdante
Après plusieurs années en tant que coach assistant des sélections espoirs sud-coréennes, Kim Do-hoon a commencé sa carrière d’entraîneur avec le modeste club d’Incheon United lors de la saison 2015. Rapidement, il appose sa patte sur Incheon, réorganise l’équipe aussi bien défensivement qu’offensivement pour se concentrer sur des contre-attaques éclair. La réussite est au rendez-vous puisqu’Incheon se maintient aisément lors de cette saison 2015 et surtout, joue sa première finale de FA Cup. Comme un signe pour le futur et un arrière-goût de sa carrière de joueur (deux finales perdues), Kim Do-hoon perd le trophée face au FC Seoul. L’année suivante, les résultats sont décevants pour les Durumi et Kim Do-hoon décide de quitter le club, le laissant à la porte de la relégation. Mais sa réputation est déjà faite à Incheon, où les supporters saluent un entraîneur qui a proposé un jeu alléchant.
Malgré des performances en demi-teinte lors de la saison 2016, Kim Do-hoon ne manque pas de prétendants en K League. Notamment à Ulsan, où les Tigres ne parviennent plus à remporter le moindre titre depuis 2005 en K League et depuis 2012 en Asian Champions League. Pire, l’équipe peine à jouer les premiers rôles en championnat depuis 2014. Après le départ de Yoon Jong-hwan, le club a donc besoin de se relancer et mise sur Kim Do-hoon pour le faire. Le challenge est grand et le chantier immense. Mais pas de pression pour l’entraîneur pour les premières années, l’objectif étant clair : construire une équipe capable de remporter un trophée majeur (K League ou ACL) au moins une fois lors des trois prochaines saisons.
De la lumière à l’étiquette de perdant…
Avec une équipe reconstruite pour sa première saison, Kim Do-hoon fait alors dans le pragmatique. L’important est d’assurer le maintien du club dans le top 6, d’accrocher l’ACL et de continuer de travailler pour transformer l’équipe en machine de guerre. Cette transformation se ressent sur le marché des transferts où Ulsan ne reste pas stable. Forcément, la saison n’est pas une grande réussite sur le plan du jeu. Avec seulement quarante-deux buts inscrits en trente-huit matchs, une différence de but négative (-3), et un jeu à endormir quiconque se branche devant une rencontre des Tigres, Ulsan termine l’année 2017 à la quatrième place du classement, après avoir tout de même occupé la seconde place pendant plusieurs mois. Le contrat est rempli mais la manière loin d’être flatteuse. Néanmoins, Kim Do-hoon entame son cycle à la tête de l’équipe de la meilleure des façons en remportant la première FA Cup du club face à Busan. Après cinq ans d’attente et un échec en finale en 1998, Ulsan décroche de nouveau un trophée. De quoi se mettre la direction et les supporters dans la poche. Surtout, Kim Do-hoon peut enfin oublier son échec de 2015 et croire en ses chances de succès. Après la finale, il remercie sa direction d’avoir « laissé une chance au perdant ».
En 2018, Ulsan poursuit sa mue et son recrutement permet au club et à Kim Do-hoon d’hausser le ton. Hwang Il-su, Park Joo-ho, Junior ou encore Mix Discerud viennent renforcer l’équipe. Le visage affiché sur la pelouse change radicalement, Kim Do-hoon appliquant la méthode qui avait fait ses beaux jours à Incheon. Moins recroquevillé derrière, plus explosif à la récupération du ballon, Ulsan réalise une très bonne saison à la fois sur le plan footballistique que sur le plan comptable. Le club progresse au classement en signant une troisième place derrière l’intouchable Jeonbuk et le surprenant Gyeongnam. Toutefois, Kim Do-hoon et ses hommes s’inclinent en finale de la FA Cup. Sans le savoir, ils venaient de débuter une série de défaites dans les moments cruciaux. En 2019, Hyundai Heavy Industries passe encore la vitesse supérieure sur le marché des transferts pour se créer sa machine de guerre afin d’entamer la deuxième phase du projet à savoir remporter un titre tant attendu. Et pourquoi pas celui de champion de Corée du Sud ? Quoi qu’il en soit, Kim Bo-kyung, Dave Bulthuis, Yun Young-sun, Shin Jin-ho et Kim Seung-gyu rejoignent le navire. Eliminé précocement en FA Cup, Ulsan peut se concentrer sur ses ambitions. En championnat, un mano à mano se joue alors avec Jeonbuk tout au long de la saison. Ulsan a plusieurs fois l’occasion de tuer le championnat mais n'y parvient pas. À l'arrivée du final round, les Tigres prennent les devants sur les Green Warriors avec trois points d'avance et semble se diriger droit vers le titre. Mais lors du dernier match, alors qu'Ulsan n'a besoin que d'un nul pour remporter le titre, les Tigres se font étriller à domicile par leur ennemi juré, les Pohang Steelers (1-4). Signe de cette catastrophe, l'énorme bourde de Kim Seung-gyu, ayant décidé de jouer une touche rapidement directement sur l'attaquant adverse, laissant ainsi son but vide. Une image qui a malheureusement fait le tour du monde. Vainqueur de Gangwon, Jeonbuk rafle le trophée au nez et à la barbe d’Ulsan pour un but inscrit de plus. Cette année-là, Kim Do-hoon s’accroche lui-même l’étiquette de perdant en se manquant dans les derniers instants du championnat mais également sur la scène asiatique. Après avoir remporté son huitième de finale aller sur la pelouse d’Urawa (1-2), Ulsan joue contre nature lors du match retour en cherchant à maintenir le score et s’incline lourdement (0-3) pour se faire éliminer piteusement. Pourtant, l’équipe n’avait presque aucun défaut en 2019, et les supporters, jusque-là satisfaits, se tournent bien évidemment vers leur entraîneur qui se rend coupable de trembler dans les moments importants. Comme ayant peur de remporter de nouveau un trophée. Kim Do-hoon échappe à l’éviction, mais il sait d’ores et déjà que son contrat ne sera pas renouvelé après 2020. Il ne lui reste donc plus qu’une saison pour remplir ses objectifs et se débarrasser de l’étiquette de perdant qui vient de s’accrocher à lui.
…au retour à la lumière !
Mais l’année 2020 est finalement du même calibre sur la scène coréenne, si ce n’est pire. Ulsan connait de nombreux mouvements au mercato mais Hyundai Heavy Industries continue de voir en grand : Jo Hyeon-woo, Yoon Bit-garam, Jung Seung-hyun, Kim Kee-hee et Won Du-jae viennent remplacer les partants et pas seulement pour faire le nombre. Kim Do-hoon reprend ses habitudes de 2019 et mène l’équipe en tête du championnat pendant la majeure partie de la saison. Ses hommes proposent le plus beau jeu du pays et se dirigent droit vers le titre. Mais comme en 2019, les habitudes de Kim Do-hoon se poursuivent en fin de saison. Ulsan se remet à trembler dans les moments chauds. Son entraîneur aborde les gros matchs avec la peur et l'envie de ne pas perdre. Nous nous souviendrons que Junior a commencé sur le banc dans la nouvelle déroute face à Pohang (4-0). Dans la « finale » du championnat, à une journée du terme de la saison, face à Jeonbuk, Ulsan se transforme en chat, passe au travers du match, s’incline et laisse les commandes à son adversaire qui ne les lâchera plus. Kim Do-hoon échoue de nouveau alors qu’il avait une main sur le titre en K League. En finale de FA Cup, de nouveau face à Jeonbuk, Ulsan s’incline pour sa deuxième finale de l’année et échoue de nouveau à acquérir un trophée, certes mineur. La sanction tombe : Kim Do-hoon sera bel et bien remplacé après l’ACL qui se joue entre novembre et décembre, pandémie de la COVID-19 oblige.
En 2012, l’ACL avait été une bouffée d’air frais pour Ulsan, permettant aux Tigres de renouer avec le succès. En 2020, elle l’est de nouveau pour le club mais aussi pour Kim Do-hoon. Favoris de l’épreuve, Ulsan a néanmoins bien failli se manquer comme en témoigne le quart de finale très moyen face à Beijing et la demi-finale plus que limite face au Vissel Kobe. À jouer à se faire peur, Ulsan montre finalement une grande force mentale pour renverser les situations compliquées. En finale, face à Persepolis, les Tigres se retrouvent menés et dominés de la tête et des épaules. Mais grâce à deux pénaltys d’un Junior XXL sur l’année 2020, ils s’imposent et décrochent la deuxième ACL de leur histoire. Un soulagement pour tous. À la fois pour la direction, qui termine son cycle entamé en 2017 par un succès d’envergure, et pour Kim Do-hoon, qui ne réalise pas la passe de trois défaites en finale et peut couper l’étiquette de perdant accrochée à son costume. Une étiquette qui masquait cependant un bilan plutôt positif : en quatre ans, ses Tigres ont décroché cent-six victoires, cinquante nuls et concédé seulement quarante défaites sur les cent-quatre-vingt-seize matchs qu’ils ont disputés.