Dans le sillage d’un certain James, une nouvelle génération de footballeurs colombiens émerge tour à tour. Des tournois de Pony Fútbol aux vertes prairies européennes, ils sont l’héritage d’une période trouble venus ramener la joie au pays des Cafeteros. Juan Fernando Quintero est l’un d’eux. Portrait.

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Brasilia, 19 juin 2014. James presse Serey Die et lance Teo, la Colombie mène alors 1-0 quand l’avant-centre cafetero décale à son tour une fusée venue de droite nommée Juan Fernando Quintero. Entré un quart d’heure plus tôt, Quinterito s’en va tromper Barry et, en ouvrant son compteur but en sélection, scelle le sort du match.

Le dernier héritage d’Escobar

Medellin, janvier 1993. Alors que la fin de l’ère des cartels est proche, Juan Fernando Quintero voit le jour. Et bien que le jeune colombien n’aime pas réellement qu’on aborde systématiquement Escobar lorsqu’on évoque sa Colombie natale, il n’en reste pas moins l’un de ses plus beaux héritages. Car son enfance, celui qui va devenir Quinterito en raison de sa petite taille, la passe sur les terrains de football et, comme des James et autres Falcao, entre dans la lumière lors des fameux tournois de Pony Fútbol qu’il remporte à deux reprises, terminant meilleur joueur et meilleur buteur. Ces tournois, organisés sur les différents terrains bâtis par Don Pablo révèlent deux type de joueurs comme le décrit Santiago Aristizábal, journaliste sportif colombien : « ceux qui se distinguent par leur puissance physique, venant souvent de Chocó, de Tumaco ou de la côte, et ceux dont la qualité technique est supérieure. Ils sont souvent petits et viennent de quartiers populaires. » Quintero est de la deuxième catégorie et c’est au sein d’un club bien particulier qu’il dispute ces tournois.

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Situé au sud de Medellin, Envigado a longtemps été synonyme de terreur, La Oficina de Envigado, bras armé du Patrón, en ayant été sa première « vitrine » avant que La Catedral en devienne un lieu central. C’est sur le terrain de foot d’Envigado que Pablo Escobar se rendra aux autorités. Mais au cœur de la violence va émerger l’un des clubs de football les plus particuliers du pays. Fondé par Gustavo Upegui López, ami d’enfance d’Escobar, navigant au milieu des polémiques et des affaires en tout genre, le petit club orange va rapidement devenir la Cantera de Heroes, l’un des clubs producteur de talent les plus efficaces du pays (James, Gio Moreno, Fredy Guarín et autres Dorlan Pabón en sont issus). « Le cycle de formation débute chez nous à 12 ans. À 15, une sélection drastique est menée. À 16 ans, un joueur doit pouvoir incorporer le groupe professionnel. » Telle est la recette donnée par le président Felipe Paniagua en 2013. JuanFer entre dans ce processus et va donc tout naturellement faire ses débuts en pro à l’âge de 16 ans même si, doté d’un fort caractère, il n’hésitera pas, du haut de ses 14 ans, à venir réclamer de pouvoir s’entraîner avec le groupe pro.

Décembre 2010, alors qu’il a inscrit le seul but de la finale aller pour le maintien en première division, il entre en jeu au retour face à Pasto, après avoir été demandé par le public, et va alors croiser la route de Germán Mera. Bilan, un tibia cassé et 4 mois d’arrêt. JuanFer prend son mal en patience et revient, armé de davantage d’envie de jouer. Sa carrière s’accélère. Quelques mois plus tard, il s’engage à l’Atlético Nacional avec lequel il ne fera qu’une courte pige, le temps d’enflammer l’Atanasio Girardot. Car l’Europe l’appelle. Pescara six mois plus tard avec lequel il fait une saison. Le temps d’exploser à la face du Monde. Nous sommes en 2013. Meneur de jeu des u20 colombien, il éclabousse le Sudamericano de son talent et, aux côtés de John Córdoba, son ami de club depuis le Pony, il mène les jeunes cafeteros au titre, le 3e de son histoire (voir Sudamericano 2013). Décrochant ainsi son billet pour le Mondial de la catégorie où Porto le repère. Malheureusement, entre le manque de confiance du coach à son égard, les soucis familiaux et les blessures, JuanFer ne parvient pas à se faire une vraie place.

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L’essence du 10

Qu’il le veuille ou non, Juan Fernando Quintero est systématiquement comparé à James. Héritier de la star madrilène à Envigado puis en sélection u20, proche de sa maman comme peut l’être James, Quintero a tout du clone miniature. Comme James il possède un pied gauche incroyable, capable de fendre des défenses en deux d’une simple passe ou de briller sur coup-franc (l’une de ses spécialités – demandez à l’équipe de France).

Comme James, JuanFer voit tout deux secondes avant tout le monde. Mais Juan Fernando Quintero n’est pas James. Plus petit, plus vifs, plus rapide, il a un côté provocateur que son prédécesseur n’a pas avec pour pêché mignon de souvent abuser de gestes (Quintero raffole des petits ponts et des talonnades) qui se traduit aussi par un caractère plus affirmé que son ainé qui lui, préfère la discrétion. Ce manque de simplicité dans le jeu peut parfois lui jouer des tours même s’il a tendance à faire la joie des amoureux de beaux gestes. L’autre différence avec James, c’est qu’il pêche encore à être décisif devant le but. Moins finisseur que son illustre ainé, moins passeur, il a d’abord besoin de se sentir en confiance pour briller quand James n’a besoin que d’un ballon. Pouvant jouer sur un côté (relisez Marcelo Gallardo qui vous expliquera qu’un 10 n’a pas nécessité à être axial pour s’exprimer), depuis qu’il a vu James lors d’un Pony dans chacun de ses clubs, il n’a eu qu’une envie, porter le numéro 10. Car finalement, s’il ne faut retenir qu’une chose c’est que Juan Fernando Quintero, l’amoureux de Rivaldo et Ronaldinho, est un 10, un vrai, un pur. Ce genre de joueur qui aime être au cœur du jeu, participer à la construction, en un mot créer. Des terrains sableux d'Envigado aux rectangles verts européens, Quinterito n'aura finalement fait que ça : créer la nouvelle Colombie.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.