Programmée pour remporter le tournoi de football des Jeux Méditerranéens organisé au pays en 2001, une sélection tunisienne de joueurs âgés de dix-huit à vingt-et-un ans est inscrite à une compétition professionnelle locale, la Coupe de la Ligue. Ces juniors/espoirs, dont certains disputeront des compétitions internationales avec les A, vont tellement bien s’aguerrir qu’ils en atteindront la finale, battus seulement par l’ES Jerba, qui remporte alors le premier trophée de son histoire.

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Un stade à inaugurer en fanfare, deux compétitions majeures organisées chez soi où il faut briller. Au début des années 2000, la Tunisie abrite deux évènements internationaux sur son sol : les Jeux Méditerranéens 2001 et la Coupe d’Afrique des Nations de football 2004. Dans cette optique, le Stade de Radès (banlieue sud de Tunis), écrin de 60 000 places, est construit pour être l’enceinte où se disputeront les moments-clés de ces évènements : les épreuves d’athlétisme et la finale du tournoi de football (tournoi réservé aux joueurs de vingt-et-un ans ou moins) pour les Jeux Méditerranéens, une demi-finale et la finale pour la CAN.

Objectif victoire

La sélection tunisienne, entraînée par Khemaies Laabidi (ancien international et dans le groupe tunisien au Mondial 78) se voit alors confier deux missions : glaner la médaille d’or du tournoi de football des Jeux en septembre 2001 et, pour les éléments les plus prometteurs, être suffisamment compétitifs pour servir de passerelle vers les A, dans l’optique de renforcer les Aigles de Carthage dans un premier temps pour leurs joutes les plus urgentes (qualifications à la CAN 2002 et au Mondial 2002), puis dans leur quête de triomphe à la CAN 2004 à domicile. Pour conserver l’esprit de la première mission, cette sélection mixte juniors/espoirs est nommée « Sélection 2001 ».

À l’orée de la saison 2000/01, le problème primordial se pose : comment préparer efficacement ce groupe ? Avant la compétition, un stage estival, quelques matchs amicaux incertains (disponibilité de sélections internationales U20, U23, ou d’autres adversaires solides ?) suffisent-ils à octroyer à ces jeunes le vécu nécessaire pour performer au tournoi des Jeux Méditerranéens avec la pression de pays organisateur ? La réponse vient d’une compétition locale : la Coupe de la Ligue tunisienne.

Fondée un an plus tôt et réservée aux clubs professionnels de première et seconde division, la Coupe de la Ligue trouve facilement sa place dans un calendrier allégé (championnat à douze clubs pour les deux premiers niveaux de l’élite) sans pour autant constituer un objectif pour certains gros clubs : l’Espérance de Tunis et l’Étoile ne disputent pas les deux premières éditions, le CS Sfaxien leur emboite le pas dès la seconde année. Malgré une attractivité accrue par le bonus offert au vainqueur (une place pour la C1 arabe à partir de 2003), la Coupe de la Ligue ne survivra que sept saisons, le passage à une Ligue 1 tunisienne de quatorze clubs lui faisant perdre progressivement son intérêt.selliti

Avec vingt-et-un clubs professionnels (neuf de première division, douze en seconde) en lice pour la Coupe de la Ligue 2000-2001, il est alors proposé d’inscrire la « Sélection 2001 » à la compétition, déclinée en deux phases : une phase de poules (hiver 2000) et une phase à élimination directe à partir de mai 2001 concernant seize équipes. Les U22 composant cette sélection, quasiment tous des locaux libérés par leurs clubs respectifs pour jouer les matchs de cette coupe, auront donc au minimum la phase de poules (et plus si affinités) pour affronter des équipes seniors professionnelles et ainsi s’aguerrir et trouver des automatismes tout au long de la saison qui précède les Jeux Méditerranéens. Quitte à potentiellement affronter leur propre club pour certains joueurs…

Sélection 2001 : talents potentiels et confirmés à la pelle

Dans ce groupe il y a du beau monde, promesses de futurs joueurs confirmés et pépites déjà proche de la maturité. Le plus avancé niveau statut, c’est l’attaquant Ali Zitouni, meilleur buteur du dernier championnat (saison 1999/00) et champion sortant avec l’Espérance de Tunis, où il devient indispensable à dix-huit ans à peine. Zitouni a déjà pris une option pour une place chez les A, puisqu’il dispute la CAN 2000 avec la Tunisie, en se permettant même de claquer un doublé face à l’Afrique du Sud dans le match pour la troisième place de la compétition. Un autre chasseur de buts est là : Mohamed Selliti, encore à Béja à l’automne 2000 mais sur le point d’aller faire un bail remarqué au Stade Tunisien, où il finira meilleur buteur du championnat pour la saison 2002/03. Il y a aussi l’emblématique milieu défensif du Club Africain, Lassaad Ouertani, champion de Tunisie 2007/08 et décédé dans un accident de voiture en 2013, à l’époque toujours dans le club de ses débuts, la JS Kairouanaise. Parmi les autres cadres, plusieurs noms devenus par la suite incontournables dans le championnat tunisien : un quatuor de jeunes tentant de s’imposer dans un club (le Stade Tunisien) ou la concurrence fait rage : Khanchil, Daassi, Ayari (passé tout près de jouer en Ligue 1, à Lorient) et Boussaidi (qui a joué dans cinq championnats de D1 en Europe), le milieu défensif Ahmed Hammi plaque tournante du CS Sfaxien, de l’Étoile du Sahel puis de l’Espérance de Tunis (entre 2001 et 2009), ou encore Seif Ghezal, champion d’Afrique des clubs 2007 avec l’Étoile.

L’apprentissage devient épopée

Les débuts de l’escouade de Khemaies Laabidi en Coupe de la Ligue sont difficiles face à des équipes professionnelles plus expérimentées qui même en faisant tourner leur effectif mettent à mal ces pépites en quête de repères. Les jeunes du Stade Tunisien se retrouvent dès la troisième journée de la phase de poules à affronter leur propre club, et s’inclinent lourdement (4-1) face à un ST où les joueurs confirmés ne manquent pas : le meneur de jeu Oussama Sellami, passé tout près d’être éligible (à un an près) pour jouer avec cette sélection, le buteur Tarek Ziadi, le virevoltant milieu du ST et du CA dans les 90’s Jameleddine Limam, le brésilien Ricardo Ireneu. Avec un point pris après trois rencontres, l’expérience « Sélection 2001 » qui se prépare contre des pros manque de tourner court, mais les jeunes réagissent par la suite et parviennent à sortir de la poule et se qualifier pour les huitièmes de finale.

Là, tout s’accélère et alors que les automatismes prennent forme les performances s’enchaînent : les internationaux tunisiens U22 sortent tour à tour trois clubs de première division. D’abord l’ES Zarzis (1-2), huitième cette saison-là et menée par les chevronnés Denden et Bouchhioua ; puis ils étrillent (4-0) en quarts de finale l’équipe sensation de cette saison-là, le CS Hammam-Lif, cinquième du championnat et vainqueur de la Coupe de Tunisie. Les retrouvailles en demi-finale entre le Stade Tunisien et la ‘Sélection 2001’ tourne cette fois-ci à l’avantage des seconds nommés : trois mois avant de rejoindre la baklawa (surnom du Stade Tunisien), Lassaad Ouertani inscrit l’unique but du match1 et place les jeunes talents à un match de remporter un trophée national.

L’ES Jerba, un mur infranchissable et un triomphe à domicile

La finale de Coupe de la Ligue 2000/01 oppose donc la « Sélection 2001 » à l’Espoir Sportif de Jerba. Le club, dont le fief est situé dans la ville de Midoun (au nord de l’île), promu de Ligue 3 tunisienne, finit quatrième de Ligue 2, pour la première de ses quatre saisons dans l’antichambre de l’élite au cours de la décennie. À défaut de décrocher une seconde promotion consécutive, l’ESJ est fortement inspiré par la phase d’élimination directe de la Coupe de la Ligue, en particulier pour imposer des bras de fer interminables : pour accéder à la finale, les insulaires passent trois-cent-soixante minutes sans marquer un but, ni en encaisser un seul, en se qualifiant à chaque fois aux tirs au but. 0-0 (5-4) face à l’AS Ariana, 0-0 (5-4) face à l’Olympique Béja, 0-0 (4-3) face à l’AS Marsa.

Une défense de fer, adresse et lucidité à onze mètres de la ligne de but, et voilà l’ES Jerba à une encablure du premier trophée de son histoire. Finale que l’ESJ dispute à domicile le 31 mai 2001 face à la sélection juniors/espoirs, les deux stades principaux de la capitale n’étant pas disponibles : le stade de Radès est fin prêt pour son inauguration prévue le 6 Juillet pour la finale de la Coupe de Tunisie, répétition générale avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Méditerranéens ; le stade d’El Menzah, qui doit abriter trois matchs du tournoi des Jeux, est également réquisitionné. En dépit des efforts de Daassi2 et ses coéquipiers, le mur de l’ESJ reste infranchissable. Un but, le premier et seul but qu’ils marquent dans la phase finale de la compétition, suffit aux Jerbiens pour remporter la deuxième édition de la Coupe de la Ligue (1-0).

Rodée et avec des renforts, la Tunisie médaillée d’or aux Jeux Méditerranéens

Pas de coupe au palmarès, mais qu’à cela ne tienne, cette dizaine de matchs à haute intensité contre des équipes seniors a permis à la Tunisie de peaufiner son organisation, commencer à dessiner son onze-type, bref de préparer les Jeux Méditerranéens comme il se doit, ce qui était le but de départ. Conforté par une saison efficace avec l’Espérance de Tunis (titre de champion, huit buts en championnat) et sa moisson de buts avec les A (six buts en qualifs CAN et Coupe du Monde confondus en 2001) Ali Zitouni débarque gonflé à bloc. La « Sélection 2001 » est renforcée par trois joueurs évoluant en France : Selim Benachour, auréolé quelques mois plus tôt de sa première apparition en pro avec le PSG face à Galatasaray en C1 européenne ; Alaeddine Yahia, qui commence à avoir du temps de jeu en National avec Louhans-Cuiseaux ; et Karim Hamida, passé du Sporting Toulon (où il a été formé) au Stade Rennais au début des années 2000.

Dans une poule de trois équipes avec la France et Saint-Marin, la Tunisie s’incline (0-1) face aux espoirs français qui comptent notamment dans leurs rangs Ludovic Delporte (RC Lens) et Gregory Pujol (FC Nantes), mais le carton face à Saint-Marin (5-0) suffit pour se qualifier pour le dernier carré. Une demi-finale nerveuse et serrée face aux espoirs turcs est débloquée sur un exploit individuel de Benachour en prolongation (1-0). Enfin à Radès, face à une Italie dans laquelle évoluent quelques futurs noms connus de la Serie A tels que Zaccardo, Maggio, Palombo et Balzaretti, les Tunisiens s’imposent en fin de match sur un pénalty de Zitouni (1-0) et glanent la médaille d’or.

Le groupe qui s’est frotté à des clubs pro a donc finalement accompli ses missions : une finale de coupe, la médaille d’or aux Jeux, et des opportunités internationales pour les locaux composant la « Sélection 2001 » : Daassi sera dans le groupe de la Tunisie à la CAN 2002, Zitouni dans les vingt-trois du Mondial 2002, et Ayari parmi les champions d’Afrique en 2004. Encore éligibles d’un point de vue catégorie d’âge, les plus jeunes (Zitouni, Ayari, Boussaidi) seront également de la fête au tournoi de football des Jeux Olympiques 2004. Venus renforcer le groupe des locaux pour les Jeux Méditerranéens, Benachour et Yahia gagnent leur place avec les A, Benachour étant inamovible pour tous les tournois internationaux de la Tunisie entre les CAN 2002 et 2006 et Yahia également champion d’Afrique 2004.

Jamais une sélection nationale n’aura été aussi près de triompher sur son sol dans une compétition locale, occurrence ayant vraisemblablement peu de précédents dans le monde du football. Si l’ES Jerba et son arrière-garde de fer ont eu le dernier mot, l’essentiel a été ailleurs : la « Sélection 2001 » a pu progresser collectivement dans un contexte de compétition officielle, face à des adversaires plus expérimentés, et à terme atteindre la consécration dans la compétition pour laquelle elle était le plus attendue.

  1. Il n’existe pas d’archive accessible en ligne à l’écrit (hormis les scores des rencontres) ou vidéo de la Coupe de la Ligue Tunisienne 2000-2001. Nous remercions donc la rédaction du site Tunisie-Foot qui a retrouvé dans ses archives de brèves qui ne sont plus en ligne (antérieures à 2003) la brève de la demi-finale Sélection 2001-Stade Tunisien (1-0) mentionnant que Lassaad Ouertani est le seul buteur de la rencontre, et nous l’a transmis.
  2. Absence d’archive oblige, il n’existe pas de compte-rendu de match accessible de la Coupe de la Ligue Tunisienne 2000-2001 ni de résumé ou de composition d’équipe. Nous remercions notre confrère, le journaliste sportif Ahmed Adala (@scoulino sur twitter) qui a obtenu directement confirmation auprès de Bassam Daassi que ce dernier a disputé la finale de la compétition avec la Sélection 2001.
Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee