Chaque nouveau départ est une aventure. Même si je connais déjà un petit peu la destination, la part d’inconnu est grande, surtout quand il s’agit de se frotter au continent africain et à ses multiples facettes. 

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Au fond, l’objectif reste le même. Aider la jeunesse africaine à s’exprimer autour d’une passion qu’on a en commun : le football. Cette fois-ci direction Arusha en Tanzanie. Une ville du Nord de ce pays anglophone d’Afrique de l’Est, davantage connue pour ses safaris, ou l’utilisation des os d’albinos pour des rites mystiques, mais beaucoup moins pour sa richesse culturelle symbolisée par les Massaïs et la très arabique Zanzibar.

Retour en terre connue

La Tanzanie est un pays que j’ai eu l’occasion de découvrir il y a quelques années grâce à quelques mois passés entre la capitale Dar-Es-Salam et Zanzibar. Un séjour qui m’avait profondément marqué à l’époque, c’était même devenu une référence parmi les quelques destinations que j’ai eu l’occasion de faire aux quatre coins du continent. Footballistiquement d’abord, grâce à un savoureux mélange de culte de la Premier League locale et de la Premier League anglaise. Par son équipe nationale aussi, qui ne cesse de progresser et qui dispose d’un magnifique capitaine : Mbwana Ali Samatta. Mais également par la douceur de son mode de vie symbolisé par un mot swahili rendu célèbre par Walt Disney « Hakuna Matata » (pas vraiment de traduction en français, mais une sorte de « Take it easy » en anglais).

Voir : Au cœur de l’Afrique – Bénin : Episode 1 - Episode 2 - Episode 3 - Episode 4

Signe du développement de son football, le pays accueillera pour la première fois une CAN en février prochain (celle de la catégorie U-17). L’occasion est trop belle pour aller s’impliquer dans les racines du football local. Comprendre ce qui permet à son championnat national de continuer de briller dans le cœur des gens, là où les championnats d’Afrique francophone ne passionnent plus grand monde. Neuf mois après mon retour du Bénin, et ma merveilleuse année passée auprès des jeunes d’ABI Sports, je reprends mon bâton de pèlerin pour aller prêcher l’importance du football dans l’épanouissement de la jeunesse et la cohésion sociale des sociétés africaines. Par la plus primaire des manières, en allant sur place et en montrant l’exemple. Place donc à la Future Stars Academy.

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Provoquer la réussite

Même si le profil du champ de bataille est connu à l’avance, les montagnes sont toujours plus impressionnantes une fois qu’on est à leurs pieds. Ça tombe bien, Arusha est situé au pied du mont Meru, un volcan qui culmine à plus de 4 500 mètres d’altitude, et il suffit de lever les yeux pour s’en apercevoir. La montagne est visible de partout.

Malgré ses 10 ans d’existence en octobre, Future Stars s’appuie sur un système efficace mais inadapté à la performance : la charité et le volontariat. À l’heure du football business, différents modèles ont fait leurs preuves avec une véritable stabilité, et les lecteurs assidus de LO commencent par le savoir : Ivoire Académie en périphérie d’Abidjan, l’ASEC Mimosas avec JM Guillou, la KFA du TP Mazembe, Génération Foot au Sénégal, etc.... Le football génère de l’argent si on parvient à aligner les astres. OK, ce n’est pas facile, surtout que cela ne passe que par le travail et la réussite. La même recette que pour un attaquant, un gardien, ou l’ensemble des joueurs qui parviennent à faire carrière. Elle est également valable pour les dirigeants et les administrateurs. À moi de faire le maximum, de m’armer de patience et de toujours croire en la faisabilité de ce projet un peu fou.

Sans un CV et un background d’entraineur chevronné, et malgré ce que l’on peut penser, il n’est pas évident de s’ouvrir les portes des clubs du continent africain, surtout dans des conditions d’expatriés que beaucoup d’occidentaux réclament avant de venir. Ça se finit même souvent en queue de poisson avec des salaires et des primes impayés. Pour moi, ce sera donc à nouveau une rémunération et des conditions de vie locales. Ma motivation n’est de toute façon pas d’aller jouer le riche parmi les pauvres, donc ça m’ira très bien.

Comme c’est probablement une dernière tentative avant de tourner définitivement la page de ce rêve de vouloir faire de ma passion mon métier, et d’enfin rentrer dans le rang. Ceux qui ont vu la fin du film « Into the wild » savent que les aventures ne sont belles que si elles sont partagées, et quelle que soit l’issue de celle-ci, je prends le risque d’écrire à la première personne et de vous embarquer avec moi dans une aventure à l’issue incertaine. Mais en ayant déjà pris autant de risque pour être ici, pourquoi s’arrêter là ?

stade

Twende (Allons-y en swahili)

Direction Nairobi au Kenya avec une escale au Caire pour la première étape du voyage. La plus facile, celle avec les hôtesses, les plateaux repas, les boissons illimitées et la vue depuis le hublot dont on ne pourra jamais se lasser. Pour la première fois sans visa dans mon passeport en partant en Afrique. Et s’ils me refusaient le visa ? Finalement mes doutes vont vite s’estomper, vu le nombre de personnes qui remplissent le formulaire « Form 22 » à l’arrivée. 20$ et quelques minutes plus tard me voilà officiellement au Kenya. À 4h du matin, il n’y a pas grand monde et cela me permet de pouvoir négocier tranquillement mon transport jusqu’à Arusha en Tanzanie. Voyant le Muzungu (le blanc en Swahili) se faire arnaquer, des passagers du vol volent à mon secours et proposent de me déposer au terminal de bus en partageant un taxi. Vu mon état de fatigue avancé, ma seule exigence était d’avoir un vrai bus avec un siège inclinable pour poursuivre ma nuit. Raté, ce sera un monospace à trois sur la banquette du fond. L’avantage est qu’il est 5h du matin, que le soleil est encore loin d’être levé et que du coup on évitera les embouteillages terribles qui ralentissent la capitale kenyane dès 6h du matin. Avec les premières lueurs du jour, la savane s’offre en spectacle avec les enfants en tenues d’écolier au bord de la route et au loin le Kilimandjaro caché par une épaisse brume. L’arrivée à la frontière tanzanienne est tout aussi agréable que celle à l’aéroport de Nairobi. Décidément l’Afrique de l’Est a bien un temps d’avance sur sa sœur de l ‘Ouest pour l’accueil des touristes. Le sourire des douaniers n’est qu’une cerise sur un gâteau déjà bien copieux.

Aucun regret d’avoir pris l’option Kenya/bus pour rejoindre la Tanzanie, la route qui contourne les volcans est impeccable et sûre. Deux heures plus tard, je suis déjà à Arusha. Comme un symbole, le terminus est à quelques mètres de l’entrée du stade. Une carte SIM locale dans le téléphone, direction donc le Sheikh Amri Abeid Memorial Stadium pour prendre la température et attendre le président de l’académie. L’équipe locale jouant en deuxième division, j’aurai peu de chance de pouvoir croiser ici les mythiques Simba SC et Young Africans. La piste d’athlétisme en terre battue qui entoure le terrain nous rappelle qu’on est proche du Kenya et que le fond et le demi-fond est également une institution de ce côté de la frontière.

Sans vraiment prendre le temps de s’acclimater, il faut déjà se mettre au travail. Le tournoi international organisé en décembre est sur toutes les bouches, et il reste encore énormément à faire... D’autant que l’académie compte sur moi pour permettre au tournoi de changer de dimension et de devenir un tournoi de « haut-niveau ». Ce ne sera pas évident dès cette année, ils ont privilégié la quantité par rapport à la qualité, et ça les recruteurs, scouts et agents, n’aiment pas trop...

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Le lendemain, entassé dans le minibus du centre, nous prenons la direction du terrain d’entrainement mis à disposition par un Lodge à l’académie. Je savoure : des champs de cafetiers, des singes au bord de la route, beaucoup de silence et une sérénité ambiante... idéal pour jouer au football. Par contre pour le tournoi international qui se déroule également là, mes craintes sont confirmées. On part de très très loin. Il faudra instaurer de nouvelle base adaptée au sport business. Sans ça, ma mission sera fort compromise.

On me confie l’équipe des plus jeunes, qui mélange des enfants de 11 à 13 ans. La première rencontre est comme d’habitude pleine de timidité. Mais les quelques mots que j’ai baragouinés en swahili ont permis de crever l’abcès rapidement. Je retrouve vite mes marques avec le sifflet à la bouche, même si les mots ont tendance à sortir naturellement en Français. Le football étant un langage universel, l’intensité de ma voie leur permet de comprendre ceux qui va, ou pas. C’est au moment où la séance se termine que je pense à lever la tête. Se dévoile alors le mont Meru, magnifique au crépuscule, qui laisse pendant quelques instants admirer tous les détails de son anatomie géologique. Une merveille...

Vivement la prochaine séance !

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Par Pierre-Marie Gosselin à Arusha

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.