Les semaines se succèdent à grande vitesse à Arusha. Cela fait déjà plus de trois mois que je suis auprès des jeunes de la Future Stars Academy. Je commence à les connaître : leur caractère, leurs affinités et leurs motivations. La réciproque est valable pour eux aussi. Malgré mes premières observations négatives, que je vous avais partagées lors des épisodes précédents, il n’y a pas de place au fatalisme, la Chipkizi Cup arrive à grands pas.

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C’était flou les premières semaines, mais j’ai fini par comprendre le planning et l’organisation des séances d’entraînements de l’académie. Pour la fréquence, il n’y a jamais eu de problèmes, on en propose trois hebdomadaires qui sont ouvertes à toutes les catégories d’âge le lundi, le mercredi et le samedi. Seulement dans les faits, on ne retrouve l’ensemble des enfants que le samedi matin. Petit décryptage du pourquoi du comment de ce micmac qui m’a plongé en eau trouble (Pour reprendre ce terme cher à Simon dès qu’il est question des podcast Efrikya).

Melting pot

Pour commencer, il est intéressant de s’attarder sur les origines sociales des enfants. Les plus petits sont, pour la plupart, issus de la classe moyenne ou supérieure, voire carrément enfants d’expatriés. Car oui, Contrairement à ABI Sport au Bénin, mais aussi à beaucoup de centre de formations (ASEC Mimosa à Abidjan, la KFA à Lubumbashi, Right to Dream au Ghana, etc...), il y a bien des frais d’inscription pour rejoindre le centre. Pour tous, à l’exception des bénéficiaires d’un programme de développement des communautés piloté par une ONG Britannico-Kenyane (Ace Africa), qui permet à une vingtaine de jeunes Massaïs de venir s’entrainer avec nous en les acheminant au terrain le samedi. Ils sont surtout présents à partir de la catégorie u11 et deviennent majoritaire chez les u15. À partir des u11, on retrouve aussi, beaucoup d’enfants issus de familles plus modestes, mais dont les parents prennent le risque d’investir les 20€ par trimestre pour offrir de meilleures conditions d’entraînements à leurs enfants. La finalité de tout ça est quand même magnifique, car voir cohabiter tout ce petit monde ensemble relève de l’anomalie. La Magie du football.

Après avoir été baladé entre les équipes de petits les trois premiers samedis, j’insiste pour avoir à ma charge les u13 ou les u15. Avoir des enfants de cette tranche d’âge est plus facile à gérer, surtout quand on est dans un système sans compétitions ou la motivation doit venir de soi-même. Et puis, même si ce n’est pas bien de généraliser et qu’il y a souvent des exceptions, c’est souvent les plus pauvre les plus forts et les plus motivés. Et puis surtout, je ne suis pas venue en Tanzanie pour faire du baby-sitting de gamins de riches, mais plutôt pour essayer d’aider ceux pour qui ça peut réellement changer quelque chose. Le samedi suivant, je me retrouve officiellement à la tête des u15 avec Olaice. Ce jeune Massaï est un ancien joueur de Future Stars qui se lance activement dans une carrière d’entraineur. Il suit le programme « junior coaching » mis en place par l’académie qui lui permet d’assister à des sessions de formation plusieurs fois dans l’année. Plusieurs jeunes, qui évoluent toujours avec les grands, suivent aussi ce programme, ils s’occupent d’ailleurs des u13 et des u11. Automatiquement, ils ne sont pas disponibles pour entrainer les petits lors des séances en semaine qui se passent au même moment que les leurs, du coup c’est pour Olaice et moi.

Entraînement en pointillés

Les plus grands (issus des équipes u17 et u19) sont les plus réguliers. Il faut dire qu’ils disput(ai)ent le championnat de la ligue régionale et la coupe nationale. Une bonne raison de s’entrainer le plus possible avec le président/coach Alfred. Ils sont également plusieurs dans ces catégories d’âge à avoir arrêté les cours après le lycée, ce qui leur laisse du temps libre pour tout miser sur le football et se donner une chance de devenir pro. Pour les plus jeunes (issus des équipes u9, u11, u13, u15 et féminine), on est obligé de s’adapter aux nombres qui varient à chaque fois (de moins de quinze à plus de trente !). On se retrouve ainsi à travailler avec des groupes qui mélangent plusieurs catégories, mais aussi les genres. Et croyez-moi, ce n’est pas évident de faire cohabiter ces jeunes dans ces conditions, surtout quand vous mettez quelques filles au milieu alors que la puberté a déjà entamé son processus de transformation pour la plupart d’entre eux. L’avantage pour moi, c’est que ça me permet de connaître une bonne partie des enfants et d’avoir une vision globale de l’académie et de son potentiel. Mais au-delà de la difficulté évidente pour les plus petits, l’inconvénient, c’est que l’écart de niveau physique lié à l’âge demande suffisamment de maturité chez les plus grands pour pouvoir se motiver à travailler quand l’adversité n’est pas toujours à la hauteur. C’est aussi dans ces conditions que s’affirment les caractères et que peut se développer une mentalité d’athlète... Les premières séances ont été très difficiles. C’était même rare quand je rentrais satisfait de mes séances en semaine. Mais à contrario, les relations qui commencent à se créer avec certains de ces joueurs sont le moteur de ma motivation pour continuer à travailler et progresser ensemble.

Stade avec vue

Les conditions de travail par contre son parfaites. J’ai la chance d’avoir pas mal de matériel pour mettre en place toute sorte d’exercices et faire plusieurs ateliers en même temps. On a même plein de place sur une pelouse entièrement gazonné. Des conditions optimales qui sont l’atout principal de Future Stars Academy. Car l’académie a réalisé un très gros coup il y a cinq ans, en ayant conclu un partenariat avec le propriétaire de ce terrain à l’allure de country club, qui sert au rugby, au cricket, au polo et aussi au foot. Le TGT Field, est au cœur d’une sorte de complexe posé au milieu des champs de cafetiers, où se mélangent une ferme de café, des sièges de PME, une salle de gym avec piscine, un squash, un tennis, un restaurant, un bar, et même un lodge. Dans un endroit qu’ils ont pris soin d’installer aux portes de la savane et d’orienter vers l’Ouest pour être sûr de ne manquer aucun coucher de soleil. En se retournant, la vue est imprenable sur le mont Meru (un volcan posé à plus de 4 000 mètres). Esthétiquement, c’est un spectacle à chaque fois, avec ce géant posé là, devant nous, sur lequel viennent s’accrocher et se déchirer les nuages. Pour profiter du café, des pizzas et de la bière, il faut s’aligner sur des prix parisiens. La pizza est garantie d’être cuite au feu de bois par contre ! L’endroit est ultra select, cependant j’arrive facilement à ne pas me laisser tenter, puisqu’outre le prix astronomique, la nourriture locale est suffisamment riche et variée de plein de choses que j’aime pour pouvoir patienter jusqu’à mon prochain retour en France pour une calzone. Mais vous l’aurez compris, on ne vient pas ici par hasard et beaucoup de gamins de Future Stars Academy (moi y compris) contrastent avec le standing des lieux.

Pour accéder à ce concentré d’occident, il faut un gros quart d’heure de bus au milieu des champs de café, sous les allées de jacarandas en fleur pendant tout le mois d’octobre. La route a plus des allures de piste, mais ça nous laisse le temps de profiter du groupe de singe qui se promène parfois au bord de la route. Par contre, pour s’y rendre par ses propres moyens, ça demande un sacré budget en taxi-moto, ou il faut se motiver pour un long footing depuis la route principale. Pour nos footballeurs en herbe, on organise le transport avec notre minibus qui fait deux aller-retours en semaine et trois le samedi. Mais du coup, il ne vaut mieux pas le rater.

Matiku et le sorcier

En guise de « présentation » avec mon équipe des u15, nous avons joué un match amical d’entrée. Je ne connaissais ni les joueurs, ni leurs positions. Pour être vraiment honnête, j’en connaissais quand même une poignée que j’avais pu voir lors de mes premières séances d’entrainement en semaine. Olaice fait son onze et dès le début du match un jeune sort du lot. Comme il a souvent le ballon dans les pieds, j’entends des « Matiku » par-ci, « Matiku » par-là. Un prénom facile à mémoriser, c’est d’ailleurs le premier prénom d’un joueur de FSA que j’ai retenu... Comme il est un peu partout sur le terrain, j’attends la mi-temps pour le replacer sur le côté gauche (en faux pied) et essayer de canaliser ses efforts pour profiter davantage de ses qualités d’élimination et de percussion. Ça fonctionne à merveille, puisque quelques minutes après la reprise, il marque le but classique d’un ailier en rentrant dans l’axe et en enroulant une frappe dans le petit filet opposé. Cet enfant « pue le foot » comme on dit vulgairement. Il m’intrigue beaucoup par sa faculté à utiliser son corps afin d’éliminer ses adversaires. Preuve de sa confiance en son physique, il n’hésite pas une seconde à aller aux duels face aux grands. Ce n’est pas un hasard s’il peut célébrer ses buts en faisant une diagonale de gymnastique. À la fin du match, je fais plus amples connaissances avec Pius Abogarasti Matiku. Ce jeune Massaï qui vient de Monduli, une commune située à trente minutes d’Arusha. Son anglais est aussi limité que mon swahili, du coup notre conversation restera très basique.

Petit en aparté sur la culture massaï, car elle est incroyablement forte malgré la taille réduite de sa communauté. Déjà, elle rayonne ! À l’image des tenues traditionnelles, faite de tissus aux décorations géométriques simples et aux couleurs sobres nouées autour du corps, qui sont devenues un symbole aussi bien au Kenya qu’en Tanzanie. Car oui, la culture massaï résiste à la mondialisation et aux tentatives d’évangélisation avec beaucoup de succès. Et ceux, malgré une sédentarisation presque généralisée de ces tribus nomades qui migraient au grès des saisons dans les grands espaces du Nord de la Tanzanie et du Sud du Kenya. Le destin des jeunes massaïs est souvent tracé dès l’enfance où ils ont tendance à aller s’occuper des animaux dans les pâturages. Les Massaïs ne favorisent pas vraiment les pratiques sportives et artistiques et vous l’imaginez bien, il n’est pas facile de sortir des codes d’une culture aussi forte. Il y a quand même eu des exceptions, pas des moindres, comme l’athlète David Rudisha qui a pulvérisé les chronomètres de référence sur le double tour de piste (800 mètres) et fait le back to back avec l’or olympiques en 2012 et 2016. Fin de cet en aparté socio-ethnologique et retour sur le cas Matiku !

Matiku rêve de devenir une star comme Rudisha. Il est clairement le plus doué de tous les Massaïs qui profitent du programme avec Future Stars Academy. Malheureusement pour lui, ce programme à une vocation avant tout sociale, du coup c’est seulement un jour par semaine qu’il est présent aux entraînements. Ce qui est bien trop peu pour espérer polir ce diamant brut (ou plutôt cette tanzanite pour rester dans le ton de la région). Il approche de ses quinze ans et il a encore beaucoup de lacunes techniques à gommer. Pour ça, il faut s’entrainer. Lui est prêt à le faire et le montre déjà régulièrement, il faut seulement lui en donner la possibilité. Dernièrement, il a fait l’effort de venir après les cours en semaine, voire même au détriment des cours parfois. Mais je ne peux pas l’encourager à faire ça, ni l’académie dont l’un des slogans est « no school, no game ». Il faudra rapidement lui trouver une solution convenable pour qu’il s’entraîne plus, sous peine de passer à côté de ce vrai talent... Matiku n’est pas un cas isolé, bien au contraire. Et ça je vais le comprendre grâce à Elijah.

Le foot ou l’école, il faut choisir...

Comme un clin d’œil, je partage avec Elijah le même premier jour avec Future Stars Academy. Il n’habite pas très loin de chez moi, du coup on a pris l’habitude de rentrer ensemble en dalla-dalla une fois que le bus de l’académie nous a déposé à l’entrée de la ville avant de repartir pour le second trajet. Ça nous laisse le temps d’échanger, parfois longuement dans l’attente que le dalla-dalla soit plein. Du coup, du haut de ses quatorze ans et au travers de son parcours, il m’enseigne les rouages et l’organisation du système éducatif local. Il vient de passer et réussir son diplôme national de fin de second cycle en juillet, ce qui lui permettra de rentrer au lycée en janvier. Du coup il a du temps libre de septembre à décembre... C’est donc pour ça que sa tranche d’âge est la plus représentée lors des entraînements en semaine. Certains sont u15, d’autres u13. Ils sont les plus assidus avec un petit groupe de u11 qui finissent les cours à temps et ceux qui n’habitent pas loin du terrain et se pressent de venir en courant après l’école... malheureusement pour eux, la séance est déjà bien entamée quand ils arrivent, mais le terrain, même s’il est cinq étoiles, ne dispose pas d’éclairage. On est rapidement rattrapé par la nuit et on ne peut pas envisager de faire les séances plus tard... Cela soulève le problème de la compatibilité de la scolarisation des enfants avec des entraînements intensifs ou même semi-intensifs. J’y étais déjà confronté avec les jeunes d’ABI Sport au Bénin. Mais on ne peut pas déscolariser un enfant pour jouer au foot. Le sport scolaire même s’il existe n’est pas suffisamment développé pour pousser à l’éclosion d’une élite sportive. Après, c’est davantage une problématique continentale, ou chacun essaie de trouver la bonne formule. Il y a un an et demi au Bénin, le gouvernement a lancé des « classes sportives » dans chaque région avec l’idée de faire grandir une élite sportive justement. Plusieurs disciplines sont représentées. La formule est intéressante et radicale, même si ici, elle semble un peu démago avec la volonté d’ouvrir en même temps dans toutes les régions. Mais laissons quand même le temps avant de juger cette initiative innovante. En Tanzanie, on accuse plutôt les gouvernements précédents d’avoir négligé le sport depuis les années quatre-vingts. Les entraineurs d’athlétisme, une discipline ou la Tanzanie pourrait naturellement briller à l’image de ses voisins d’Afrique de l’Est, se plaignent également de ce laxisme gouvernemental pour la promotion du sport. Ils constatent que la relève n’a aucun moyen de s’exprimer. Au contraire du voisin kenyan qui envoie des délégations toujours plus importantes aux JO. Ce n’est donc pas un hasard si les plus gros centres du continent ont opté pour des infrastructures qui permettent de garder les jeunes sur place pour l’internat et l’école. Johan Curbilie nous l’expliquait très bien dans une interview donnée dans le Lucarne Opposée magazine numéro 4 (à se procurer en cliquant ici). À Future Stars Academy c’est un projet. Ça l’est aussi à ABI Sport d’ailleurs. Mais les moyens nécessaires sont colossaux. Il n’est pas évident de rassembler une telle somme d’argent sans compter sur un mécène, des aides extérieures, des subventions ou un coup de pouce du destin, comme l’éclosion d’un talent hors normes.

La barrière de la langue

Partant avec plein de bonnes intentions, je m’étais donné comme objectif d’apprendre le swahili rapidement. Apprendre une langue oralement sans prendre de cours était clairement présomptueux... Au fur et à mesure, je m’aperçois de la complexité de la tâche, surtout que le swahili est une langue très riche, avec énormément de vocabulaire. Mes notions restent beaucoup trop basiques pour pouvoir ne serait-ce que comprendre ce qu’on me dit. Les enfants qui vont dans des écoles privées étudient en anglais, alors que ceux qui sont dans le public le font en swahili. Comme les plus riches sont surtout avec les plus petits, vous en déduirez que plus la catégorie est âgée, plus le nombre d’anglophone diminue dans les équipes. En ayant hérité des u15, je suis dans la situation la plus inconfortable, avec une large majorité d’enfants avec qui la communication est compliquée et parfois même impossible sans intermédiaires ! Du coup, je rentre souvent frustré à la maison après les séances. Je n’arrive pas à obtenir ce que j’attends des joueurs et ce dans beaucoup de domaines. Le football a beau être universel, il faut un minimum de communication pour pouvoir avancer et travailler. Je commence à maitriser des mots utiles pour un coach, mais c’est bien trop maigre pour la plupart des exercices que j’essaie de mettre en place. Vous me direz qu’Olaice peut traduire ? Vrai, mais malheureusement la semaine, on doit très souvent se diviser l’effectif pour pouvoir faire des groupes plus homogènes. Je m’appuie alors sur des enfants, comme Elijah pour jouer les traducteurs. Avec le recul, ça n’a pas dû être facile pour lui, car je ne savais pas qu’il était nouveau. Je l’ai propulsé au milieu d’une équipe qui se connaît déjà depuis longtemps en lui demandant de prendre la parole. Au final, Elijah a fait preuve de beaucoup de courage et je suis sûr que ça lui a servi pour son intégration. La preuve, il s’est déjà fait des amis très rapidement dans l’équipe. Beaucoup plus vite que d’autres nouveaux. Quant à moi, il me faudra un peu plus de temps pour trouver une parade à ce problème de communication.

Ça viendra après m’être énervé et agacé contre certains joueurs avec un succès plus que mitigé. Puis ça ne sert à rien de favoriser des situations conflictuelles entre eux et moi. Il faut changer quelque chose... Du coup, j’ai radicalement simplifié les exercices que je leur propose. J’essaie aussi d’augmenter le nombre de joueurs impliqués, même si forcément pour expliquer c’est plus long. Au final, le challenge est de ne pas perdre l’attention des enfants qui se retrouvent à attendre. Car, même s’ils sont pratiquement irréprochables dans leur comportement, la concentration, l’intensité et l’application mise dans les exercices est trop aléatoire. Il me faudra du temps pour mesurer les bénéfices de cette réforme, heureusement il m’en reste encore un peu.

Captain Robbie

Après Matiku, un deuxième joueur commence à sérieusement attirer mon attention. Il m’aura fallu plusieurs séances pour le « découvrir ». Pourtant, il faisait partie de mon groupe de u15 dès le départ. Mais il était passé un peu inaperçu pendant le match inaugural où il avait commencé sur le banc. Son physique aurait dû m’attirer plus tôt sur son cas, car il est très grand et tout fin. Finalement, c’est son assiduité à l’entrainement qui m’a permis de mieux le connaître. Il jouait défenseur central, un poste idéal pour sa taille, mais auquel il devait faire face à une concurrence trop forte. Surtout, il est encore un peu léger pour aller au duel. Pour récompenser son assiduité, je le positionne milieu défensif lors du match suivant. Lors de quelques actions très bien senties, il me démontre qu’il a une très bonne lecture du jeu. Il me sort même des passes de l’extérieur du pied qui respirent la classe. On sent clairement l’influence d’un joueur comme Modrić, qui nous régale en permanence avec ce geste.

Ça me permet de faire un petit en aparté sur les influences de tous ces enfants. Encore une fois c’est Elijah qui me fait la présentation complète de l’offre disponible. Trois opérateurs se font concurrence sur le marché des bouquets satellites en Tanzanie. Azam, un nom qui ne doit plus vous être étranger, propose un medley des affiches des grands championnats européens et une grosse dose de football local. Sur Stratimes, c’est la Ligue 1, la Bundesliga et l’Europa League les têtes d’affiche. On y retrouve aussi le championnat belge ou joue Mbwana Samatta, le Championship, l’Eredivisie... DSTV, l’opérateur Sud-Africain, propose la Ligue des Champions, la Premier League, la Liga et la Serie A. Ainsi que certaines affiches des compétitions de la CAF et les matchs des sélections anglophones. Elijah a Startimes, du coup ses modèles sont le PSG et Red Bull Leipzig. Oui oui, et notamment Timo Werner. La côte du PSG est d’ailleurs très élevée, tout comme celle de la Ligue 1. La Coupe du Monde Neymar et Mbappe ont sans doute bien aidé. En fonction du bouquet que vous avez à la maison, vos influences varient, mais même si le football local est visible, c’est surtout l’Europe qui fait rêver les jeunes générations. Un contraste avec l’engouement autour des géants locaux Simba et Yanga qui remplissent les stades de tout le pays...       

Revenons à Robbie Modrić. Il s’est pleinement épanoui dans ce rôle de milieu et ça se voit. En débriefant le match, il voulait absolument continuer à ce poste. Ça deviendra même rapidement une motivation supplémentaire à l’entraînement. Sa poussé de croissance est toute fraîche et il apprend à connaître et maitriser son nouveau corps. Sa coordination est encore un peu rustre, mais il progresse et à la chance d’être encore souple malgré sa taille. Et contrairement à beaucoup, il aime courir. Au fil des semaines, son caractère se dévoile et j’ai l’impression de retrouver le même que Simon Adingra (que vous aviez pu découvrir il y a un an lors de notre voyage au Ghana avec ABI Sport). Il n’a pas la chance d’avoir le talent technique et la vitesse de Simon, mais il a cette mentalité qui fait qu’il pourra franchir tous les obstacles qui se présenteront à lui pour devenir pro. En développant une endurance digne d’un marathonien et en travaillant avec application sur ses lacunes techniques, il aura les armes pour y arriver. Il dévore des vidéos de Yaya Touré depuis quelques semaines pour essayer de comprendre le rôle qui pourrait être le sien. Je l’ai nommé capitaine de mon équipe de u15 pour récompenser son abnégation et le motiver encore plus. La Chipkizi Cup sera un bon juge de ses capacités.

La Chipkizi Cup, c’est l’événement de Future Stars Academy. Et à juste titre, car ce tournoi international en est déjà à sa neuvième édition. Pour cette année, il y aura plus de 120 équipes réparties en sept catégories de u7 à u19. Un énorme tournoi « Grassroots » qui ne doit pas avoir beaucoup d’équivalents sur tout le continent. Un programme chargé avec une semaine de compétition ouverte aux académies et écoles de toute la région. Il y aura une majorité de Kenyans, surtout dans les petites catégories de u7 à u13. Tout se passera dans notre « country club » avec pas moins de sept terrains tracés. Jusqu’à présent, je suis un peu dubitatif sur le niveau qui sera proposé, mais c’est à la fin du tournoi qu’on fera les comptes. Ce sera justement pour le prochain épisode. Et il sera savoureux ! Vous pourrez suivre notamment les progrès de Matiku et Robbie et faire la connaissance de mon « chouchou » Razaki.

Par Pierre-Marie Gosselin à Arusha

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.