Dans le dernier épisode, je vous avais laissés à la veille de la Chipkizi Cup. Ce tournoi est l’événement de l’année pour Future Stars, c’est aussi en partie pour ça que je suis venu, et son organisation était au programme de l’ensemble des journées sans entraînements.

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Chipkizi Cup, Kezako ?

À la base, c’est un tournoi qui a été créé au lancement de l’académie pour permettre aux jeunes d’avoir de la compétition. Le temps a fait son œuvre, neuf ans plus tard, le tournoi est devenu international et fait venir plus de cent équipes réparties dans neuf catégories de 7 à 20 ans.  Car oui, ce tournoi est ouvert à toutes et à tous. Chipkizi veut dire jeunesse en swahili, il ne pouvait en être autrement. Évidemment, il se passe au TGT Field qui se mue d’ailleurs pour l’occasion en un « tetris » de terrains de toutes tailles. Pour l’édition 2018, 123 équipes prendront part à plus de deux-cents matchs durant six jours de compétition. La majorité d’entre elles sont kenyanes et viennent de Nairobi. Les catégories u9 (29 équipes), u11 (32 équipes) et u13 (24 équipes) sont les plus représentées. Les genres sont mélangés pour les u7 et u9, après ça, il y a une compétition pour les filles, mais en regroupant des filles de 11 à 19 ans, que l’équipe kenyane u17 ont toutes croquées toutes crues.

Les derniers jours avant le début du tournoi, c’est le rush ! Il faut récupérer et installer les différents visuels et supports de communication, les fixer sur les supports, finaliser le programme des matchs, etc.... L’équipe est suffisamment grande pour que ça se passe dans de bonnes conditions, même si les novices du continent répétaient en boucle le fameux « this is africa » pour dédramatiser une situation qui en surprendrait plus d’un ! Le Jour J arrive enfin, le départ est prévu à 6 heures du bureau. Comme d’habitude, et probablement par expérience, j’arrive toujours au dernier moment, à savoir 6h02 (c’est en tout cas ce que je me répète pour me justifier d’être un retardataire chronique). Sur place, il y a déjà un volontaire allemand venue donner un coup de main pour le tournoi qui attend depuis un gros quart d’heure, mais aucune trace du bus et de la partie tanzanienne de l’équipe ! Petit moment de doute, mais finalement tout rentre dans l’ordre quand vingt minutes plus tard le bus arrive en trombe.

Petite surprise en arrivant au terrain qui était utilisé le week-end pour une foire de Noël : en plus de ne pas être tondu, il est recouvert de déchets et parsemé de trous profond provoqués par les piquets des nombreuses tentes et chapiteaux qui y étaient installés encore la veille. Il reste d’ailleurs un grand nombre d’équipements sur le terrain que les techniciens s’activent à enlever pendant que l’on rebouche les trous avec de la terre et fait le tour des terrains avec des sacs-poubelles. Le premier match est censé commencé dans deux heures !

Que le spectacle commence ! Si possible dans les règles.

Heureusement pour nous, le planning des trois premières journées est « light » avec uniquement les u17, les u19 et les filles qui entrent en compétition. Cela ne fait que deux terrains à gérer et quelques matchs. En urgence, on en fait tondre un, puis deux terrains afin de pouvoir débuter. Le jardinier passera finalement l’après-midi sur son tracteur. Au final, la première journée se passe calmement et permet de se rôder pour la suite. Ça me permet de prendre le temps d’essayer de filmer quelques joueurs de l’académie pour qu’ils aient du matériel pour se promouvoir. Mais le rendu sur un film pris depuis le bord de la pelouse n’est pas le même que depuis des tribunes. C’est l’inconvénient de ne pas faire le tournoi au stade. Mais de toute façon, cette formule n’est pas adaptée au scouting et à la découverte de talent, le choix de la quantité est fait au détriment de la qualité. Mais dans un tournoi grassroots, le plus important est de créer un événement où les enfants s’amusent, et comme dit l’adage, « plus on est de fous plus on rit ».        

La deuxième journée se passe plus ou moins dans les mêmes conditions, à la différence que cette fois-ci notre matinée a commencé râteaux en mains pour enlever l’herbe coupée qui faisait des tas sur le terrain des filles, et qui il est vrai, n’est pas idéal pour jouer au foot. Un collectif de reggaemen, qui était arrivé hier en fin d’après-midi pour s’installer, est chargé de l’animation. En place pour ce deuxième jour, ils bercent nos oreilles de tubes locaux et de classiques de Bob Marley dès le matin, et ça rend plus agréable cette corvée de ramassage pas forcément agréable. En tout cas, ça commence vraiment à ressembler à quelque chose, et c’est une super atmosphère pour regarder du foot au pied du volcan. La journée sera encore plus calme que la première, et je me retrouve à prendre le soleil au milieu du terrain pour profiter de tout ça.

Le troisième jour est celui de la transition, l’ouverture du tournoi à l’ensemble des catégories d’âges. Les équipes sont censées arriver jeudi après-midi pour le protocole de photos et l’inscription des joueurs. En effet, comme partout sur le continent, la triche sur l’âge est un éternel problème. Surtout que pleins d’équipes ont plusieurs catégories, et il est facile pour eux de faire descendre un joueur de catégorie si le besoin s’en fait sentir pendant le tournoi. Pour l’instant, la parade de Future Stars passe par la prise de photo pour que les effectifs ne changent pas, avec un bon contrôle au faciès à l’ancienne. Encore une fois et en écho à mon article sur le sujet, c’est triste d’en arriver là. Ce n’est même pas un tournoi de détection et les entraîneurs trichent et se plaignent ! Mais les plaignants sont parfois (souvent) aussi les coupables. Un double jeu caché derrière le sacro-saint document administratif (passeport, carte d’identité), dont il faut être naïf pour croire qu’il ne peut pas être créé très facilement à partir d’un acte de naissance officiel, mais dont la date affichée n’a aucun lien avec le jour et l’année où la maman a accouché. Même les IRM peuvent avoir une lecture différente en fonction de qui les faits et les analyse. Seul un travail d’éducation des entraîneurs et des dirigeants africains permettra de sortir de cet état d’enfer. La CAF et la FIFA doivent agir, sinon on se retrouvera encore dans dix ans, avec des tournois « grassroots » gangrénés par ce phénomène. Et les enfants ce qui sont précoces physiquement continueront d’en payer les frais, alors qu’ils ont hérité d’un don pour la pratique sportive.

Entrée en lice de mes leones

Finalement, seules quelques équipes sont venues faire leur démarche, ça veut dire que le vendredi matin, nous devrons faire ce protocole face à une vague d’équipes pressées de commencer à jouer. Je suis responsable du tournoi des u15, celui de mon équipe. Ça tombe bien, il n’y a que onze équipes, enfin au départ. Car Singida United, une équipe tanzanienne réserve d’une première division n’a pas réglé ses frais d’inscription pour la catégorie malgré son voyage depuis l’intérieur du pays. Un bricolage de calendrier permanent, qui est parfaitement gérable en utilisant la diplomatie et en étant ouvert et à l’écoute. Heureusement, car à côté de ça, je dois m’occuper de mon équipe qui ouvrira le tournoi face à JKU, une académie venue de Zanzibar administrée par l’armée. Un premier match difficile face aux favoris du tournoi, tant le club de Zanzibar progresse depuis quelques années. Les résultats des u17 et u19 les trois jours précédents en sont l’ultime avertissement, s’il était vraiment nécessaire...

Au moment de choisir le jeu de maillot parmi tous ceux que compte l’académie (ça a du bon parfois la charité), mon choix ne s’est pas porté vers le jeu de maillot traditionnel de Future Stars, l’Ajax saison 2012/2013 domicile ou extérieur, mais plutôt vers un carton DHL qui était à peine ouvert. À l’intérieur, un jeu de maillot Zuri-Gorriak (blanc et rouge en basque) de l’Athletic Bilbao ! Une énorme surprise et une grande joie pour moi qui suis du sud-ouest. En plus j’ai toujours eu un attachement et une affection toute particulière pour ce club et sa politique unique. Puis San Mames, San Mames Barria, Lizarazu, Joseba Etxeberria, Iker Muniain, Bielsa, Iñaki Williams, Lezama... Pas besoin de trouver de justification tant ce club est mythique. J’essaie de leur expliquer le choix du jeu de maillot, et de faire un bref historique de l’institution qu’ils auront la chance de porter sur leurs épaules. Bien sûr, le numéro 7 (Beñat) est réservé pour Robbie et le 9 (Iñaki Williams) à Matiku !

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La vie sans gardien

Après la photo d’équipe, direction le terrain pour le premier coup d’envoi. Alors que des nuages plus que menaçant se fixent au-dessus de nos têtes, JKU prend possession du ballon et nous fait courir. On parvient quand même à se créer quelques occasions, et même à obtenir un pénalty. Ouvrir le score serait le scénario parfait, surtout vu la physionomie du match. Malheureusement, il sera manqué, et on encaisse un but quelques minutes plus tard. Comme un symbole, c’est le moment choisit pour qu’un torrent d’eau se déverse sur nous. On en encaissera même un deuxième avant que la pluie s’arrête. Il faut dire que notre gardien n’est pas notre point fort (ce n’est pas le point fort de la Tanzanie en général d’ailleurs) et c’est frustrant de donner des buts largement évitables, sur des demi-occasions. Au fond du trou, il veut même sortir à la mi-temps portant tout le poids de cette défaite qui se dessine sur ses épaules. Il restera sur le terrain, de toute façon le deuxième gardien est encore moins rassurant...

De toute façon, d’autres joueurs passent complètement à côté de leur match, la déroute est collective. À l’image de Matiku qui manque tout ce qu’il l’entreprend. Je ne le reconnais pas. Lui qui est d’habitude si surprenant, il n’arrive pas à éliminer ses adversaires. Ses premiers appuis ne sont pas aussi tranchants que d’habitude. Je le laisse quand même sur le terrain pour qu’il ait des occasions de se reprendre. Mais rien... On ne peut pas lui reprocher d’essayer pourtant. Il ne se cache pas et demande la balle, de toute façon, c’est lui que ses coéquipiers cherchent naturellement en priorité. Alors qu’on fait le forcing et que l’on se crée plusieurs occasions franches, les Zanzibaris marqueront un troisième but qui nous met définitivement à terre. On sauvera quand même l’honneur sur penalty, mais ce fut une grande surprise pour moi de voir l’équipe afficher un tel visage. Jusque-là, on avait dominé tous nos matchs amicaux avec notre équipe « type » sur le terrain.

Heureusement pour nous, on rejoue en fin d’après-midi contre une équipe kényane, qui elle aussi a mordue la poussière dans le premier match. Malheureusement pour nous, le scénario sera en partie le même. De nouveau, notre gardien n’est pas en réussite et on encaisse deux buts. Dont un sur un centre anodin qu’il propulse dans ses filets. Il est en pleurs à la mi-temps et ne veut plus jouer. J’essaie de le réconforter au maximum et de le motiver pour rester sur le terrain. Même s’il a un peu mal à un doigt, il ne peut pas sortir sur une telle déconvenue. Initialement, il devait voyager avec sa mère à Dar-Es-Salaam pour les vacances. Avant qu’on ne réussisse à le convaincre de rester chez son oncle et de rejoindre sa mère après le tournoi. Ce n’a pas été facile...Je voulais donc à tout prix qu’il ait une occasion de se reprendre. La consigne est passée aux joueurs qu’il va falloir être solidaire et défendre beaucoup plus proche de nos adversaires pour les empêcher de tirer ou centrer. Ils le feront plutôt bien et on revient au score logiquement. Les joueurs continuent à mettre la pression et, alors qu’on est sauvé à plusieurs reprises par notre défense centrale, on parvient à égaliser. Les joueurs veulent gagner, et continuent se projeter en nombre vers l’avant. L’adversaire est à notre portée. On aura deux dernières occasions à bout portant dans des cafouillages en toute fin de match, mais ça passera au-dessus et à côté, dommage. Je me console en appréciant les superbes couleurs du volcan qui nous sont offertes par la luminosité de fin de journée. Ça sera un beau point final alors qu’on avait commencé sous un déluge. Puis il faut rester positif, on est encore en vie dans notre groupe, et on aura probablement notre destin en main, puisqu’avec une victoire dans le dernier match, on devrait se qualifier pour les barrages.

Le lendemain, ce sera la journée galère en terme d’organisation. En plus de Siginda United qui n’a pas payé son inscription, les Ougandais de Ball Line ont décidé de ne pas revenir après la défaite cuisante du premier jour. À la base, le premier de chaque poule et le meilleur deuxième se qualifient pour les demies. Mais avec cet abandon, on a une poule de quatre, une de trois et une de deux. Pas très équitable pour trouver un meilleur deuxième. Il faut rapidement une nouvelle formule. Après une petite table ronde avec les entraîneurs présents, on convient de rajouter des matchs de barrages pour les seconds. Côté Future Stars, notre match est programmé en début d’après-midi. On doit affronter une autre équipe d’Arusha, CTIDO, qui n’a pas démérité face à JKU, mais qui a elle aussi subit la loi de l’équipe de Zanzibar en début de matinée. Pour ce match, Olaice souhaite faire tourner pour que tout le monde puisse avoir un peu de temps de jeu. Vu les prestations de la veille, je ne m’y oppose pas. Contre le cours du jeu, on ouvre le score, mais malheureusement l’espoir ne sera que de courte durée, quelques minutes plus tard, on encaisse l’égalisation, puis un deuxième but avant la mi-temps.

Une satisfaction et beaucoup de questions

Les remplaçants n’ont pas démérité, mais ils n’ont malheureusement pas le niveau pour espérer davantage. On remet l’équipe type très rapidement en deuxième mi-temps après avoir encaissé un troisième but, avec le retour de Matiku sur l’aile. Malheureusement, la nuit n’aura pas suffi à lui remettre les idées en place. Il continue de jouer en travers. En bon capitaine, Robbie ne lâche rien, il essaie de motiver tout le monde en prenant la balle et en cassant les lignes. Ça ne sera malheureusement pas suffisant. Robbie restera ma seule satisfaction du tournoi. Alors oui, certains joueurs, notamment en défense, ont tenu leurs rôles, mais je ne suis pas dupe et je sais qu’ils sont un peu plus vieux. Robbie lui a vraiment 14 ans, et il a souffert comme ses coéquipiers. Mais il m’a confirmé que son mental était différent des autres. Jamais la tête basse, jamais la démonstration du moindre doute. Il assumé ses responsabilités, même si j’aurais aimé le voir parler davantage à ses coéquipiers. En tout cas c’est sûr, on est éliminé, et lui est sur la bonne voie !

À la recherche de réponse, le tournoi m’aura permis de mettre le doigt sur un problème que j’avais déjà observé chez les plus grands, qui jouaient toujours très bien en amical, mais qui n’arrive pas à assumer lorsque le match à de l’enjeu et que la défaite est interdite. La question à se poser, est qu’elle peut être l’origine de cette faiblesse mentale, qui n’est peut-être pas non plus étrangère aux résultats en dents de scie du pays que ce soit au travers des clubs ou de la sélection nationale. Un manque de confiance ? J’en doute. Un excès de pression ? Peut-être, même si je n’ai pas ressenti de stress au moment de débuter la compétition. Une inexpérience de la compétition ? Définitivement, mais nos adversaires ne sont-ils pas dans les mêmes conditions que nous ? Un manque d’entraînement ? Là, c’est sûr ! Les coaches des équipes d’Arusha qui nous ont battue m’ont confirmé qu’ils s’entraînent tous les jours, ils m’avoueront même que Future Stars Academy a cette réputation de ne pas s’entraîner suffisamment, et de ne pas produire de joueurs malgré des moyens plus important que les autres (matériel, conditions d’entrainements, bus, etc..). Pourtant l’équipe première est intéressante, mais la relève qui peut prétendre à les rejoindre n’arrive qu’au compte goutes.

Du temps pour les autres

Comme on est éliminé, et avec seulement trois matchs au programme (demi-finale/finale), ça me laisse le temps de pouvoir jeter un œil sur les autres équipes, et notamment les u13 dans laquelle jouent plusieurs joueurs que j’entraine en semaine, dont le fameux Razaki. Ce petit bonhomme de 12 ans, est d’une gentillesse incroyable. Il parle très peu anglais, mais son sourire est communicatif et je me suis pris d’affection pour lui. D’ailleurs il est venu donner un coup de main dès le premier jour du tournoi, il était avec moi râteau à la main pour ramasser l’herbe, ou avec un sac poubelle pour ramasser les déchets le premier jour. Il me présentera son père, qui semble tout aussi bienveillant que son fils. Comme beaucoup d’enfant gaucher africain, pour des raisons culturelles, on l’a forcé à utiliser sa main droite dès son plus jeune âge. Il est donc parfaitement ambidextre, et peut s’appuyer sur une puissance de frappe incroyable pour son âge et surprenante compte tenu de sa taille. Nouveau, il n’était pas vraiment titulaire au profit de ceux qui jouent ensemble depuis longtemps, il ne l’était toujours pas lors du premier match. À ma grande surprise, car son jeu est naturellement simple et il peut jouer à toutes les positions sur le terrain, même dans les buts ! Il sera finalement titulaire dès le deuxième jour et ne quittera plus le « sept » de départ.

Dimanche, son équipe attaque par un quart de finale, qu’il domine sans trop de problèmes, puis enchaîne sur la demi-finale contre une équipe kényane. Le public s’est réuni autour du terrain qui ressemble à une arène, avec beaucoup de parents des enfants kényans présents. Le match est tendu, Future Stars Academy dans leurs maillots « cacamiseta » bleu/fluo de l’Ajax multiplie les occasions sans parvenir à tromper l’imposant gardien kenyan qui remplit son but grâce à sa corpulence. Razaki illumine le match par la simplicité de son jeu, là où tous ses coéquipiers cherchent à faire la différence individuellement. Pied droit, pied gauche, à une touche de balle, il oriente et accélère le jeu alors qu’il est latéral d’une défense à trois ! Malgré tous ces efforts, Les deux équipes n’arrivent pas à se départager, il faudra donc aller aux tirs aux buts. Alors que tout le monde a marqué, Razaki se présente en troisième tireur. Je suis confiant, il est ultra-performant dans l’exercice. Il prend son temps, mais sa frappe de mule passe au-dessus.

Derrière lui, son coéquipier la manquera aussi et FSA est éliminé. Il est inconsolable. Un crève-cœur, même si je sais que ça lui servira pour l’avenir. Les finales se joueront en début d’après-midi, et sans surprises, c’est JKU qui remporte la compétition dans ma catégorie, de même qu’ils le feront en u17 et u20. Impressionnant. Alors que la cérémonie se met en place, on a droit à un concert de reggae du groupe local des Warriors of the East, avec en cadeau du Reggae Massai ! Idéal pour lancer l’interminable cérémonie protocolaire. C’en est trop pour moi, à la première occasion, je rentre à la maison, il est temps de dormir. Et tant pis pour la fête !

Voir du pays avant la deuxième lame

Future Stars est officiellement en vacances la semaine suivant le tournoi jusqu’à début janvier. Alors que mon visa arrive à expiration, j’en profite pour me rendre au Kenya, et passer le premier Noël loin de ma famille avec des athlètes béninoises et leur coach français. Et oui, il n’y a pas que le football dans la vie ! Ils sont en plein préparation en altitude dans les hauteurs de la vallée du Rift, dans un groupe super cosmopolite, avec une jeune française, un jeune algérien, la championne Noélie Yarigo et son acolyte Souliath et plein de marathoniens kenyans que j’ai eu l’occasion d’emmener sur les routes des marathons de France. Une super expérience qui me rappelle ce qu’est l’exigence du haut niveau et qui me permet de me confronter au quotidien des plus grands coureurs de la planète. Car s’ils le sont, ce n’est pas un hasard, ou une prédisposition physique. Leur rythme de vie et leur hygiène sont des modèles du genre.

À mon retour à la frontière tanzanienne dix jours plus tard, le « issue » de l’agent de l’immigration laisse présager le pire. Je sens que ça va tourner au vinaigre... À la base, il était convenu que l’on renouvelle mon visa de travail à mon retour, je demande donc un visa touristique pour faire la transition. En insistant, ils me donnent un mois alors qu’ils ne voulaient pas me donner plus de quinze jours. Dans le pire des cas, ça me laissera le temps de préparer mon départ. Et bien m’en a pris. Deux semaines plus tard, alors que mon passeport est dans les mains de l’académie, il rentre bredouille de l’immigration, en me disant que je dois aller en France pour refaire une demande ! Bien sûr, c’est une option inenvisageable...Il semblerait que ce soit une des conséquences des réformes qui s’appliquent dès le 1er janvier ! Avec mes contacts, j’essaie de voir si c’est jouable en glissant un bakchich. Ça l’est, mais ça a un coût. Un coût que ne souhaite pas prendre en charge l’académie qui se positionne contre la corruption. Sur ce point-là, je ne peux pas le contester ; au contraire, c’est moi qui devrais avoir honte de leur apporter cette solution. Finalement, on convient que le mieux pour tout le monde est d’en rester là. Il faut dire aussi qu’avec la reprise des cours, les plus jeunes ne sont plus là semaine, et ils ne reviendront pas avant juin... Une éternité pour me contenter de préparer la prochaine Chipkizi Cup en étant persuadé que de toute façon, faute de moyens et de sponsors, l’aventure ne se poursuivrait pas au-delà de ces trois mois supplémentaires.

Il me reste une séance pour l’annoncer aux joueurs... Habitués à voir défiler les volontaires, certains s’en moque, alors que d’autres le vivent beaucoup moins bien. Une fois de plus Robbie me montre toute sa maturité en me glissant quelques mots à l’oreille. Finalement, c’est peut-être moi qui souffre le plus. Je récupère des numéros Whatsapp de proches de Robbie, Matiku et Razaki. Il est de toute façon hors de question que je ne garde pas un œil sur eux. Parfois quelques mots suffissent à faire la différence, et ça je peux le faire même à distance.

Merci Paris, et bye bye la Tanzanie

Il me reste une chose à faire avant de rentrer : récupérer les maillots que le fond de dotation du PSG nous avait généreusement offerts pour offrir aux vainqueurs de la Chipkizi Cup. Malheureusement, ils sont restés un peu trop longtemps à la douane en France et en Tanzanie, et on ne les a pas reçus à temps. J’active le plan B qui consiste à en remettre une partie à l’académie, et un autre à des enfants handicapés mentaux d’un institut d’Arusha. Mission accomplie, même si malheureusement, je ne pourrais pas faire une photo avec l’ensemble des enfants de l’académie, vu qu’on est mercredi... Je ferai avec ! En bonus, j’ai droit à une dernière séance, en mode coach particulier avec deux filles, un gardien des u13 et un u11. Des moments sympas pour en finir avec Future Stars Academy.

Le lendemain, je récupère ma « plaque souvenir » autour d’un medley de viande grillée, d’ugali (patte à base de farine de maïs et d’eau) arrosé de l’alcool local, le Konyagi. Rassasié et un peu bourré, je peux aller préparer mes bagages. La suite ? Je dois quitter le pays, direction Nairobi. Il y a quelques matchs intéressants au programme des deux prochaines semaines (Gor Mahia - Zamalek et le bouillantissime derby kenyan entre Gor Mahia et AFC Leopards). Mon cadeau à moi-même avant de retrouver le froid de l’hiver français. Puis qui sait, ce sera peut-être un cadeau que je partagerai avec les lecteurs de LO.

 

Par Pierre-Marie Gosselin à Arusha

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.