Rentistas a remporté son premier titre national en battant un à zéro Nacional après prolongation. Cette victoire couronne un magnifique « semestre » des rouges, qui avaient notamment commencé la saison par une victoire deux à zéro contre ce même Nacional. Le Bolso entre en crise et se sépare de Munúa, malgré la place de leader au classement et le parcours impeccable en Libertadores.
Tout a commencé il y a très longtemps, en 1933, quand des mecs se retrouvent un dimanche pour jouer au football. Cela se passe bien et le groupe se retrouve à la fin du match organisé sur un potrero en se demandant quand ils se reverront pour jouer à nouveau. Les vagues de la crise de 1929 viennent d'arriver dans l'estuaire du Rio de La Plata et la majorité des hommes est sans-emploi. Ils proposent donc de revenir jouer le lendemain, un lundi. L'un des hommes se lève alors et explique que ce doit être un groupe de rentier, n'ayant pas besoin de travailler pour pouvoir jouer au football en semaine une après-midi. Ce trait d'humour fait rire tout le monde et ainsi né pour toujours un club au nom qui détonne, Rentistas, le club des rentiers. Quatre-vingt-sept ans plus tard, après un incalculable nombre de saisons passées en deuxième division (et quelques-unes en premières), le club remontait cette année en première division avec l'espoir de se maintenir. Pour se faire, l'entraîneur Alejandro Cappuccio compte sur quelques joueurs venant du groupe de deuxième division, de nombreuses recrues habituées à la première division uruguayenne et quelques jeunes. Parmi les recrues, quelques anciens du Nacional dont Alexis Rolín ou Santiago Romero, mais aussi le gardien ex-Cerro Yonatan Irrazábal et des joueurs formés au Defensor même s'ils ne s'y sont jamais imposés, Robert Ergas ou Ramiro Cristóbal. Le groupe que Cappuccio a composé autour d'un 1-4-3-3 s'impose rapidement, avec notamment une victoire retentissante lors de la première journée, contre Nacional déjà. Lors de la deuxième journée, Irrazabal se fait exclure à deux partout et son jeune remplaçant Rossi arrête un penalty, un arrêt qui permet à Rentistas de s'imposer dans les derniers instants. Grâce à trois victoires en trois matchs, les rouges sont leaders lorsque le football est arrêté, un arrêt qui touche le club de plein fouet car le vice-président du club, José Pino Marciano, fait partie des premières victimes en Uruguay. Jusqu'à la fin du championnat, le maillot de Rentistas gardera son portrait sur le torse.
À la reprise, Rentistas alterne les matchs nuls et les victoires, reste invaincu et leader jusqu'à la treizième journée et une défaite sur le terrain du dernier, Cerro. C'est aussi le moment où l'un des trois attaquants quitte le club, puisque le jeune Cristian Olivera part à seulement dix-huit ans en Espagne, remplacer en tant qu'Uruguayen Darwin Nùñez au sein du club d'Almería. Le club perd la première place à deux journées de la fin, mais s'impose facilement contre le Defensor pendant que Nacional n'obtient qu'un nul surprise contre Boston River. Les deux se retrouvent donc en tête et ne se quittent plus lors de la dernière journée, forçant l'organisation d'un match supplémentaire, un desempate, une finale, qui aurait pu être de feu, mais l'absence de public se fait toujours sentir et c'est sans la foule du Nacional et les quelques supporters de Rentistas que les deux clubs se retrouvent mercredi soir. Nacional a un effectif largement supérieur sur le papier à celui de Rentistas, mais le Bolso ne va pas y arriver pendant quatre-vingt-dix minutes. Pourtant Nacional se crée des occasions, à l'inverse de son adversaire qui semble chercher des solutions avec la balle. Alexis Rolín contrôle bien Gonzalo Bergessio grâce notamment à son expérience et quand Chory Castro reprend une balle de volée, c'est Irrazábal qui la sort parfaitement. Petit à petit, Rentistas se rapproche du but adverse durant la deuxième mi-temps, combinant mieux et plus près du but de Rochet, utilisant la triangulation dans les espaces laissés un peu plus libres par un Nacional fatigué. Munúa n'effectue pas de changement avant la 87e, ce qui lui sera vertement reproché après le match, et les deux équipes s'en vont donc jouer une prolongation. À ce petit jeu, c'est Rentistas qui en profite avec un but à la 92e de son meilleur joueur du moment, Gonzalo Vega, qui reprend un centre du latéral formé à Liverpool Andrés Rodales. Rentistas qui avait déjà la possession avant fait ensuite tourner la balle pendant la demi-heure suivante, jusqu'à enfin pouvoir soulever la coupe.
Le onze champion de l'Apertura
L'entraîneur, Alejandro Capuccio : Il était encore amateur il y a quelques temps, disant vouloir « garder les pieds sur terre avec une autre activité professionnelle ». Il a donné une forte identité de jeu à son équipe caractérisée par quelques choses de rare en Uruguay : la capacité à combiner, à trianguler, notamment sur le synthétique du Complejo Rentistas. Même si sa voix est insupportable notamment en ces temps de huis-clos, il semble avoir les capacités pour confirmer. C'est l'un des seuls éléments clefs à venir de l'année dernière en deuxième division.
Yonatan Irrazábal, le gardien. Il était déjà très bon avec Cerro mais dans un club souvent en difficulté. Il s'impose enfin et a été très important lors de nombreux matchs, notamment lors de la première mi-temps contre Nacional.
Andrés Rodales, latéral droit. On l'avait laissé après des échecs à Peñarol en 2016 et la suite de sa carrière n'avait pas été un franc succès, avec plus de hauts que de bas entre Maldonado ou Atenas. Finalement, il s'est imposé en tant que capitaine dans cette équipe et a été l'auteur de matchs très propres, jusqu'à délivrer une passe décisive en finale.
Alexis Rolín, pilier de la défense. Il semblait pourtant un peu cramé, aussi bien physiquement que psychologiquement après son passage à Nacional il y a deux ans. Il est finalement revenu aux choses simples et il a été impressionnant pendant toute la saison.
Gonzalo Falcón, le lièvre de la défense. Alexis Rolín est précis, grand mais un peu lent. Gonzalo Falcón est jeune, parfois un peu frêle, mais très mobile. Est-ce fait exprès ? Sans doute. Le joueur formé au Nacional a dans tous les cas un bon avenir devant lui, avec de très belles performances notamment les deux matchs contre son club formateur.
Robert Ergas, le latéral gauche. Le gaucher fou, parfois un peu trop, mais qui a su être très efficace pour apporter le surnombre lors de matchs un peu plus fermés en cours de saison. Autre joueur formé à Defensor, club au sein duquel il ne s'est pas imposé. Depuis quelques matchs, il est souvent remplacé par Matías Abero.
Ramiro Cristóbal, le Busquets uruguayen selon son entraîneur. Il n'avait pas réussi à s'imposer du côté du Defensor, mais parfois un footballeur a besoin de temps. Il a été très bon, fluidifiant le milieu, organisant le jeu. Il n'a, au final, que vingt-quatre ans.
Santiago « el colo » Romero, le bourreau de Peñarol et du Nacional. C'est un joueur marqué bolso, où il a joué de nombreuses saisons depuis 2009, c'est lui qui offre le titre à son club en 2015 sur une passe d'Álvaro Recoba lors d'une finale contre Peñarol. Il a eu du mal à se remettre d'un dernier passage qui s'est mal passé du côté de Nacional et avait poursuivi sa carrière au Brésil du côté de Fortaleza. Sans équipe à cause de la pandémie, il signe à la surprise de tous à Rentistas, club dans lequel il apporte de l'expérience et beaucoup de contrôle également au milieu.
Matías Abisab, l'un des seuls de la deuxième division. Il joue au milieu et devant les deux autres sus-mentionnés. Précis techniquement, c'est un peu le numéro dix de cette équipe. Il joue depuis longtemps dans des clubs de « seconde zone », étant passé par Bella Vista ou Sud América.
Gonzalo Vega, l'homme du finish. Il a été incroyable contre Defensor lors d'un match clef à deux journées de la fin, s'offrant un doublé, et c'est lui qui a débloqué la situation contre le Nacional, club dans lequel il a aussi été formé. Joueur de Rentistas depuis juillet 2019, il s'est imposé comme le joueur déséquilibrant, surtout après le départ du jeune Olivera en cours d'Apertura.
Renato César, l'attaquant qu'on attendait plus. C'était un bon espoir du Nacional il y a de cela une dizaine d'années. Il s'est un peu perdu entre un transfert en Suisse du côté du projet sportif de Lugano (…) avant de terminer du côté de Rentistas depuis 2018. Il a fait de très bons matchs, mais aussi honnêtement des performances assez banales dans un système ou les « stars » sont les deux ailiers à ses côtés.
Le onzième homme devrait être Cristian Olivera, qui a occupé l'autre poste d'ailier pendant la majorité des matchs. Ce dernier parti, un autre homme a permis à l'équipe de s'imposer grâce notamment à un but magnifique contre Progreso, il s'agit du jeune Salomon Rodríguez, du haut seulement de ses vingt ans, il a eu du temps de jeu en fin de saison et a su en profiter.
Parmi les remplaçants, on notera le vieux Damián Malrechauffe, venu de Racing, qui est entré à chaque fois que l'équipe menait en fin de match pour apporter de la stabilité et de la taille avec un troisième défenseur central.
C'est donc le premier titre de Rentistas, qui lui assure de figurer dans les finales de « fin d'année », avec un match à jouer contre le vainqueur du Clausura, sans doute entre fin janvier et début février 2021.
L'Intermedio est déjà lancé
Rentistas ne s'est pas très bien remis de son titre, avec une défaite dans les dernières minutes deux buts à un contre Liverpool. Rien de bien grave pour le moment, il faudra surveiller malgré tout la décompression et les envies de certains de partir, car même l'entraîneur Cappuccio a indiqué qu'il ne serait pas contre entraîner Nacional. Côté Liverpool, et même si le club ne fait pas une très bonne saison, Juan Ignacio Ramírez a encore marqué deux buts, et a montré qu'il était vraiment un très bon attaquant. Un Nacional qui a eu toutes les peines du monde à dominer Fénix, dans un match extrêmement plaisant avec beaucoup d'occasions de chaque côté. C'est finalement sur un corner que Laborda trompe un très bon Guillermo De Amores (de retour dans sa famille) et donne la victoire un à zéro au Nacional. Le Bolso prend trois points d'avance sur Rentistas et sept sur Peñarol.
Sept sur Peñarol car Saralegui a fait un peu n'importe quoi en changeant ses onze joueurs en prévision du match contre l'Atlético Paranaense de ce mardi. Le résultat a été une défaite deux buts à un logique contre River Plate, à domicile, avec une première mi-temps calamiteuse. Forlán avait déjà osé l'équipe bis contre Torque lors de l'Apertura, cela s'était soldé par un nul suivi d’une défaite au Chili en Libertadores et un gentil courrier recommandé lui indiquant qu'il n'était plus l'entraîneur de l'équipe première. On ne souhaite pas la même mésaventure à Saralagui, mais le chemin est tout tracé.