Drôle d’année 2020 en Uruguay qui s’est terminée bien trop tardivement, bien trop difficilement, bien trop stupidement. Quatre petits matchs de la sélection, aux scénarios tragicomiques avec le fameux « petit feu » et un championnat sans queue ni tête, dans des stades vides avec pendant un temps des vainqueurs surprises, avant qu’un vieux ne revienne l’emporter comme à l’accoutumée.
Sélection : quatre petits matchs
Il y a de cela un an, Tabárez disait en interview qu’il se préparait à une année 2020 très exigeante, avec de nombreux matchs de sélection entre les éliminatoires et la Copa América. Au final, avec le report des éliminatoires puis de la Copa América, il a fallu attendre octobre pour voir la sélection. Quatre matchs sur un mois de temps, les seuls de l’année. Mathématiquement, la Celeste a fait mieux lors des éliminatoires 2022 que lors des éliminatoires 2018, une victoire contre le Chili à domicile, une défaite contre l’Équateur à Quito et contre le Brésil à Montevideo, la différence se faisant sur une victoire historique trois à zéro en Colombie, alors que l’Uruguay n’avait pris qu’un point il y a quatre ans. Une bonne performance donc, qu’il faudra confirmer notamment lors des trois matchs après le choc en Argentine, contre la Bolivie et le Paraguay à Montevideo et contre le Venezuela au pays bolivarien. Voilà pour les mathématiques, qui sont toujours très importantes pour les éliminatoires de la zone CONMEBOL, que l’on pourrait renommer les éliminatoires calculette, mais les maths masquent l’essentiel : l’Uruguay a plutôt déçu. Tout a commencé par un match contre le Chili qui n’a pas été maitrisé et que la Celeste aurait pu perdre mais qu’elle a finalement gagné grâce à un but de Maxi Gómez que l’on a célébré comme il se doit, à la 93e minute. Cette victoire a été suivie d’un match débridé à Quito, un match bizarre où la défense, notamment les « vieux » Godín ou Cacéres, a beaucoup, vraiment beaucoup souffert, laissant augurer de mauvaises choses pour l’avenir car on parle ici de la base de la défense de Tabárez en sélection. Défaite 4-2 et un peu de peur pour la suite, car le match suivant était aussi un match aux conditions « spéciales », Barranquilla à l’heure de la sieste. Finalement, un Uruguay tout en maitrise a roulé sur une Colombie très désordonnée. Victoire historique trois à zéro et l’Uruguay retrouve alors un peu de couleurs et peut partager un petit maté au coin du feu…
Une joie de courte durée car les premiers cas de COVID-19 dans l’effectif arrivent avec tout d’abord Viña puis Suárez, avant le match contre le Brésil. Résultat : défaite logique, avec un Brésil supérieur dans le jeu face à un effectif qui aurait déjà eu beaucoup de mal s’il avait été à 100% et qui au final ne perd « que » 2-0, avec un voisin nordiste qui n’a pas trop insisté en deuxième période. L’affaire du petit feu autour duquel l’équipe a organisé son petit maté du soir entre les deux matchs fera parler pendant de longues semaines, avec une vingtaine de cas positifs dans les joueurs et l’encadrement. Heureusement, le Maestro ne sera pas touché. Début avril 2021, il vient de recevoir sa première dose de vaccin. Pas de révolution pour l’effectif, mais les reports ne sont peut-être pas une si mauvaise chose. Cavani n’a pas joué huit mois sur douze en 2020 et va arriver en pleine forme en juin 2021. Suárez était contesté, mais est encore aujourd’hui l’un des meilleurs buteurs d’Espagne. Muslera a été gravement blessé, mais a eu le temps de revenir tranquillement. La principale interrogation sera en défense, avec une génération qui joue toujours mais qui semble un peu en bout de course, à l’image du capitaine Godín. Dans les petits nouveaux qui sont apparus, il y a un certain Ronald Araújo qui s’est imposé cette année au FC Barcelone. L’avenir semble donc porteur de bonnes espérances.
Coupes continentales : Nacional comme à l’habitude
Passons rapidement sur les tours préliminaires de Copa Libertadores durant lesquels Progreso a perdu sèchement contre Barcelona et Cerro Largo a perdu tout aussi sèchement contre Palestino, les espoirs en Copa Libertadores se sont portés comme d’habitude sur les deux grands, Nacional et Peñarol. Les Carboneros ont encore échoué à se qualifier pour la phase à élimination directe, malgré un bilan positif de trois victoires, toutes à domicile, et une différence de buts positive. Peñarol est sorti sur les trois défaites à l’extérieur notamment celle contre Colo-Colo, alors en pleine crise, match durant lequel Peñarol réussit une très bonne première mi-temps avant de se saborder en deuxième mi-temps. La faute à l’équipe donc, mais aussi un peu à pas de chance, avec un bilan positif en Libertadores depuis deux saisons et toujours pas de qualification. L’équipe ne connaîtra pas la Libertadores en 2021, disputant la Sudamericana, dans un groupe duquel une seule équipe se qualifiera. Un groupe qui comprenad un Brésilien, le Corinthians.
Les espoirs de l’Uruguay étaient donc portés par Nacional avec une très bonne performance en phase de groupes. Nacional a terminé avec quinze points, cinq victoires, dont des matchs difficiles à l’extérieur au Pérou ou au Venezuela. Surtout, Nacional a terminé premier devant Racing grâce à une victoire en Argentine face à une Academia qui n’avait pas encore repris son championnat. De quoi être tête de série en huitièmes et éviter les épouvantails brésiliens, ce qui a été fait avec un match contre les Équatoriens d’Independiente del Valle. Ces derniers n’ont pas réussi à faire la différence à l’aller chez eux et ont ensuite buté sur un Rochet imparable au retour. Nacional s’est donc qualifié dans la douleur 0-0, victoire 4-2 aux tirs au but. Nacional a ensuite dû jouer River Plate en quarts, et là, la marche imposée par l’ancien bolso Marcelo Gallardo était beaucoup trop élevée. Le Bolso s’est fait balader avec notamment un 6-2 au retour, rare à ce niveau de la compétition. Il n’empêche, Nacional a réussi à devenir une vraie équipe difficile à battre en Copa Libertadores, avec une série de qualifications en huitièmes / quarts de finale sympathique à ce niveau quand on connaît les écarts de budget délirant entre les Brésiliens, un peu les Argentins, et le reste du continent.
En Sudamericana, la performance des clubs uruguayens a été moyenne, avec un sans-faute au premier tour, puis des éliminations de toutes les équipes entre le deuxième tour et les huitièmes.
Championnat : trois entraîneurs pour un titre
L’Apertura a été marqué par l’alternance d’entraîneurs du côté des deux grands, avec la sortie trop anticipée de Diego Forlán du côté de Peñarol, et le renvoi de Munúa après la défaite en finale face à Rentistas. Au final, Peñarol n’a pas eu plus de résultats sans Forlán et Nacional a remporté le titre grâce au classement annuel et donc surtout grâce aux points de l’Apertura (+2 points par rapport au Clausura). Le football est parfois très injuste. Trop. Rentistas a emporté l’Apertura après un début de saison sous forme de boulet de canon. Nacional a ensuite décroché l’Intermedio contre Wanderers aux tirs au but. L’équipe bolso a continué sur sa lancée avec un bon début de Clausura, mais s’est effondrée sur la fin permettant à Liverpool de décrocher la timbale, de gagner le Clausura et de terminer deuxième de l’annuel. Mais Liverpool s’est fracassé contre le mur Rentistas dans l’affrontement entre le vainqueur de l’Apertura et celui du Clausura. Au final, Nacional n’a eu aucun mal en finale contre Rentistas pour décrocher un nouveau titre. Un titre célébré un mercredi après-midi, sur une pelouse synthétique, dans un stade vide de banlieue, comme il se devait en 2020.
L'équipe de la saison
Pour ce qui est de l’équipe type, l’exercice est évidemment toujours délicat avec notamment de nombreux joueurs qui ont quitté le championnat en cours de saison. Comme à l’habitude, les joueurs ayant joué toute la saison (ou presque) ont été privilégié. Étrangement, ceux qui sont partis ne sont pas forcément les meilleurs et on n’aurait pas forcément eu d’autres joueurs en prenant ceux qui ont joué toute la saison, même pas Facundo Pellistri par exemple.
Dans les cages, Rochet a été un vrai élément dans le titre de Nacional mais aussi dans la qualification en quarts de finale de Libertadores. Une vraie bonne surprise, lui qui n’était pas titulaire en début d’année, qui lui ouvre déjà les portes de la sélection.
En latéral droit, Rodríguez ferait sans doute tiquer en Uruguay dans une équipe type, mais c’est un vrai bon joueur, très technique, ayant une capacité de passe plus que de débordements rare à ce poste en Uruguay, alors que les latéraux se transforment de plus en plus souvent en mobylettes. Dans l’axe, Corujo ne ferait sans doute pas l’unanimité non plus, mais il a pourtant été là toute la saison, travaillant aux côtés de jeunes « cracks » qu’il a encadrés, qu’il a aidés, tout en étant toujours aussi solide. À ses côtés, Rak a été un défenseur beaucoup plus dynamique, apportant le surnombre et marquant quelques buts importants en fin de saison. Un pilier de la bonne saison de Torque. Côté gauche, Piquerez a été l’un des meilleurs joueurs de Peñarol sur toute la saison, avec un bon travail défensif général et des débordements qui ont fait beaucoup de mal aux adversaires, surtout en fin de saison. Le poste aurait dû revenir à Camilo Candido, latéral gauche de Liverpool, auteur d’une très bonne saison, mais je ne lui pardonne pas son absence sur l’égalisation de Rentistas lors des finales.
Au milieu, Fabricio Díaz est une jeune perle d’un Liverpool qui s’est révélé sur la longueur cette saison notamment lors des gros matchs contre Nacional ou Torque, qui a offert le Clausura à son club. Il avait déjà aidé son club à battre Nacional lors de la Supercopa 2019. Très dynamique mais aussi très propre, il risque rapidement de partir malgré ses seulement dix-huit ans. Devant lui, il retrouve en « numéro dix » son collègue Hernán Figueredo, qui est aussi un joueur délicieux, dépositaire du bon jeu qu’a développé Liverpool lors des deux-trois dernières années. La différence avec Díaz : dix-huit ans, puisque Figueredo va sur ses trente-six ans. Sur les côtés, on retrouve Gonzalo Vega et David Terans. Le premier est le seul bon joueur de Rentistas à avoir fait toute la saison. Il a été excellent durant l’Apertura, puis il s’est battu dans la suite de la saison pour maintenir le niveau malgré l’absence de joueurs de talents autour de lui. Il méritait de jouer la Libertadores, même s’il la jouera finalement avec Nacional qu’il a rejoint lors du mercato. De l’autre côté, même s’il n’est pas très bon sur un côté, étant meilleur derrière un attaquant, on retrouve « le Roi » David Terans. Il n’a pas toujours été décisif dans le jeu mais sa qualité de frappe a éclairé quelques nuits sombres du côté du Campéon del Siglo.
En attaque, le choix s’est porté sur les mêmes deux attaquants que l’année dernière, Bergessio et Ramírez. Bergessio est depuis son arrivée, trois ans déjà, toujours à la tête de l’équipe type, avec ses buts du gauche, du droit, de la tête, du talon, d’une volonté sans limite associée à une technique de frappe très propre. Ramírez a de son côté pris en maturité et a emmené son club vers les sommets, beaucoup plus que d’autres jeunes pépites comme Arezo que l’on n’a vu que par intermittence.
Parmi les remplaçants, on citera Oliveros qui a souvent été bon au Nacional au point d’être appelé en sélection. On citera aussi quelques joueurs de Plaza qui ont été très bon notamment lors de la deuxième partie de saison, tel que Facundo Kidd, Leandro Suhr ou le revenant Nicolás Dibble. En attaquant, le meilleur joueur du Deportivo Maldonado Facundo Batista ou le joueur de Boston River Rúben Bentancourt mériteraient de jouer dans de meilleures équipes pour dévoiler plus de leurs qualités.
Côté entraîneur, Carrasco reste à part, mais tellement beau, stable et efficace. Trois qualités rares en tant que telles et extrêmement rares combinées. Il avait repris Fénix au bord de la descente il y a de cela trois ans et il a aujourd’hui un club qui a très bien terminé la saison, qualifié (mais malheureusement déjà éliminé) en Copa Sudamericana, qui attire quelques bons joueurs comme Mejía ou Estoyanoff. Il arrive à ces bons résultats dans ce club modeste tout en ayant un jeu toujours aussi agréable, qui transcende les joueurs et qui fait que chaque match est un spectacle. Merci JR.