Le Sydney FC déjà vainqueur de l’Australia Cup, des finalistes de A-League Men 2022/23 complètement remaniés et des départs importants aux quatre coins du pays. À l’aube du retour du championnat, la place de numéro un est plus qu’ouverte que jamais et le contingent de français n’a jamais été aussi important.

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C’est l’heure de la rentrée en Australie. Après une saison 2022/23 au surprenant dénouement, les douze franchises de A-League Men reprennent le chemin des terrains pour ce qui sera la dernière saison avant expansion, la ligue passant à quatorze en 2024/25 avec une franchise à Canberra et la seconde en Nouvelle-Zélande, à Auckland, visée par les intérêts de Black Knight Sports & Entertainment appartenant à l’américain Bill Foley, l’homme qui détient 40% du FC Lorient et l’AFC Bournemouth. Comme une illustration de cette transition, plusieurs franchises semblent initier un nouveau cycle. Présentation de la saison.

Remue-ménage chez les finalistes

Que ce soit chez les jaunes de Central Coast ou les bleu-ciel de Melbourne City, 2023/24 signifie nouvelle ère. L’un comme l’autre a bousculé son effectif à l’intersaison et font se poser plus de questions que de certitudes à l’heure de donner le coup d’envoi de la saison.

Nous avions laissé les pelouses australiennes sous les confettis jaune et bleus. Plus petit budget de la ligue, Central Coast Mariners atomisait Melbourne City (6-1) en conclusion d’une saison incroyable pour l’équipe du Gosford emmené par Jason Cummings, Sam Silvera, Matheus Moreshe ou le Français Béni Nkololo, le tout sous la direction de Nick Montgomery. Problème pour le champion, tous sont partis. Le technicien australien a succombé aux sirènes écossaises, tremplin numéro un des Australiens à la conquête du Vieux Continent. Comme il est impossible de refuser la moindre offre en provenance de l’étranger dans un championnat aux capitaux faibles : Cummings a signé en Inde, James McGarry en Écosse, Nkololo en deuxième division saoudienne et Sam Silvera à Middlesbrough, en Angleterre. Néanmoins, les Mariners ont réussi à attirer quelque peu : Alou Kuol, de retour en Australie après un passage non-concluant à Stuttgart, arrive compléter un effectif dans lequel on trouve Joshua Nisbet, le Franco-australien Max Balard, ou Marco Tulio resté à bord. Nathan Paull, fureur des pelouses du championnat d’État a posé ses valises au club dans l’espoir de percer sur les pelouses professionnelles. Pour remplacer Montgomery, Central Coast a fait venir d’Angleterre Mark Jackson, ex-coach des U23 de Leeds et récemment licencié de Milton Keynes Dons à la suite d’une relégation du club en quatrième division. Tombés contre Sydney FC en Coupe d’Australie (aux tirs au but), les Mariners ont quelque peu aiguisé leur coordination collective en AFC Cup avec la large victoire 9-1 contre Stallion Laguna FC.

Éliminé en demi-finale de la coupe nationale – Jamie Maclaren, nouveau capitaine avait alors exprimé « un manque de complémentarité » avec ses nouveaux partenaires – et finaliste du dernier championnat, Melbourne City a donc lui aussi vécu une intersaison agitée. L’habituelle continuité d’une saison à l’autre a été très largement perturbée : il y a eu les blessures, comme celle de Mathew Leckie, mais aussi les départs qui marquent définitivement la fin de l’ère Patrick Kisnorbo pour l’entrée dans celle de Rado Vidošić. Marco Tilio s’est installé dans l’avion surbooké d’Australiens vers l’Écosse, le jeune ailier rejoignant le Celtic ; Tom Glover et Aiden O’Neill ont suivi le chemin de l’Europe, l’un en Championship, à Middlesbrough, le second en Belgique, au Standard de Liège ; Jordan Bos est parti au KVC Westerlo ; d’autres sont allés chercher du temps de jeu ailleurs au pays, à l’image de Florin Bérenguer qui a signé à Brisbane dans l’indifférence la plus totale. Ces départs – treize au total – ont occasionné des arrivées. L’antenne du City Football Group a puisé en France avec deux profils, Hamza Sakhi, en prêt de l’AJ Auxerre, et Marin Jakoliš d’Angers SCO, lui aussi en prêt. L’international espoir croate, qui possède un passeport australien, espère taper dans l'œil de Graham Arnold en vue de disputer la Coupe d’Asie en 2024. À noter aussi les arrivées de Samuel Souprayen, ancien de Ligue 1 et Ligue 2, et de Jamie Young, le gardien aux près de deux cent matchs de A-League. Reste à savoir comment la mayonnaise prendra pour savoir s’il faudra compter sur City comme un favori de l’édition 2023/24.

Photo : Matt King/Getty Images

Un triplé à Sydney ?

À peine le trophée de la Coupe d’Australie rangé dans l’énorme armoire du club, une question s’est posée : les Sky Blues seront-ils de retour à l’une des places de champion en 2024 voire aux deux comme en 2010, 2017 et 2020 ? Avec ce premier trophée de la saison, le premier au pays depuis trois ans, Sydney FC dispose d’un effectif est taillé dans l’unique objectif tout emporter. Les départs de James Donachie ou d’Adam Le Fondre, importants, sont compensés par deux recrues brésiliennes : Gabriel Lacerba et Fábio Gomez, déjà auteur d’un doublé en finale de coupe. Steve Corica peut aussi s’appuyer sur ses cadres (Redmayne, Grant, Cáceres, Brattan, etc.), les jeunes offrant de belles opportunités en rotation. Manquer le coche semble impensable pour la plus grosse équipe du pays et le triplé semble une réelle opportunité.

Du côté des autres clubs de la ville, 2023/24 s’annonce bien différent. Aux Wanderers, le club a tout perdu et nous ne savons pas à quoi nous attendre. Certes Marcelo continue l’aventure en défense centrale, mais l’effectif a sévèrement affaibli la puissance globale de la franchise. Morgan Schneiderlin, dont le prêt à pris fin, Terry Antonis, Tomislav Mrčela, Calem Nieuwenhof voire Kusini Yengi – mal utilisé la saison précédente – ont tous quitté le navire après une saison pourtant convaincante marquée par une qualification pour les play-offs, tout comme Romain Amalfitano, Yeni Ngbakoto, ou encore Adama Traoré. Pour compenser ces départs, quelques recrues, comme Josh Brillante, habitué des pelouses de A-League Men, l’ancien de Western United, Dylan Pierias, attire un ancien multiple champion des Pays-Bas, Jorrit Hendrix. Si l’espoir de viser les premières places demeurent, le parcours en Coupe d’Australie reste mitigé avec une victoire époustouflante contre Adelaide United (5-1) puis une élimination en quarts de finale face à Brisbane (4-2). Le tournoi d’avant-saison a cependant laissé le temps à Marcus Antonsson, l’avant-centre suédois fraîchement arrivé au WSW de claquer trois buts en trois matchs. De quoi faire espérer des performances dignes d’un autre Suédois, Ola Toivonen, trente-huit buts en vingt-trois matchs de championnat avec Melbourne Victory.

La recrue de la saison est française et il s’agit de l’ancien montpelliérain, Valère Germain. Arrivé sous les couleurs de Macarthur, l’attaquant français a déjà disputé l’AFC Cup, mais a été trop juste pour aider ses coéquipiers à sortir du piège de Campbelltown en seizièmes de finale de la coupe nationale. Difficile de juger où pourrait finir cette formation, mais avec Germain, un Ulises Dávila éloigné des blessures et l’arrivée de Daniel De Silva, de Raphael Borges Rodrigues, en recherche de temps de jeu, les Bulls disposent d’un potentiel offensif intéressant qui s’est manifesté en AFC Cup avec de larges victoires face au Birmans de Shan United (3-0), face aux Philippins de Cebu FC, avec un record de but sur le continent pour une équipe australienne (8-2). Reste à confirmer ce bel espoir en championnat.

Le grand flou

Pour bon nombre de membres de la A-League Men 2023/24, l’incertitude demeure. C’est le cas à Melbourne chez les deux autres pensionnaires de la ville. Western United a remporté une première victoire sans jouer, celle de pouvoir évoluer dans son propre stade, au Regional Football Facilities (nom provisoire) comme l’a annoncé la municipalité, une enceinte de quelques milliers de places qui offre au club enfin une vraie maison. Sur le terrain, l’équipe du sud-ouest de la ville nous offre la recrue inattendue, Nikita Rukavytsya, de retour en A-League huit ans après son départ des Wanderers, attire James Donachie, qui poursuit sa tournée des clubs de A-League Men, et rappatrie Daniel Penha, magnifique sous les Jets, après une pige sud-coréenne ponctuée d’une rupture des ligaments croisés. Le champion 2022 est passé à trois points des play-offs en 2022/23 après un début de saison catastrophique. Passer de nouveau à côté cette année, serait une faute.

Enfin, du côté du troisième club de la ville, l’objectif de redorer un blason historique semble encore bien lointain. Melbourne Victory ne donne aucun signe avant-coureur sur sa forme après un parcours inexistant en coupe d’Australie, éliminé en barrages aux tirs au but par Newcastle, après avoir évité la dernière place l’an passé en championnat pour deux petits points. Tony Popovic a accueilli neuf nouvelles têtes dont Zinédine Machach, qui rejoint l’autre Français resté au club, Damien Da Silva, Daniel Arzani, en quête d’un retour en force et, à moindre mesure, Ryan Teague qui n’a pas réussi à s’inscrire dans la durée au Portugal. Reste que tenter de placer le Victory au classement général est un travail de voyant.

Photo : Sarah Reed/Getty Images

Du côté de Newcastle Jets, Wellington Phoenix et Adelaide United, la course au titre, en tout cas, le statut de favori, est bien loin. Newcastle en a terminé avec Arthur Papas (où l’inverse !) et part avec un nouvel homme, Robert Stanton dont la seule expérience au très haut niveau a été un rôle d’assistant de Steve Corica au Sydney FC. Les idées de Stanton perpétuent cependant celles de Papas avec une volonté d’avoir le ballon et de jouer de l’avant. À voir si cela pourra enfin fonctionner alors qu’une qualification en play-offs serait déjà signe d’une excellente saison. À noter la signature du milieu de terrain français, Jason Berthomier, en provenance de Valenciennes. Wellington Phoenix est dans le même cycle : une fin de cycle avec le départ d’Ufuk Talay, un effectif faible sur le papier avec des départs qui n’ont été comblés que par des promotions de l’académie vers le groupe pro, et l’arrivée d’un néophyte au poste d’entraîneur, Giancarlo Italiano, l’ancien adjoint de Talay.

Les choses sont plus calmes à Adelaide United car Carl Veart est toujours très bien installé au poste de manager et personne n’a envie de le voir partir tant son travail permet au club de rester toujours dans la course au top six de saison en saison. Mais cette année Craig Goodwin s’en est allé dans les derniers jours du mercato. Personne n’avait pensé voir l’international australien partir (à commencer par le club qui avait imprimé son visage sur les cartes d’abonnés), Goodwin retournant en Arabie saoudire alors qu’il avait expliqué sa difficile expérience d’avoir déjà joué et vécu dans ce pays. Reste que l’offre que ni le club ni lui ne pouvait refuser, n’a pas permis de trouver un remplaçant de taille et les Reds n’aligneront qu’ne seule recrue, Ryan Tunnicliffe, au milieu de terrain. On y suivra donc avec attention Nestory Irankunda, avant son départ au Bayern, qui, à dix-sept ans, cristallise toutes les attentions.

Enfin, le flou est de rigueur aussi à Perth. Personne n’avait en effet imaginé Ruben Zadkovich quitter le Glory. Son remplaçant, Alen Stajcic, arrive avec un formidable cycle à la tête de la sélection féminine des Philippines avec laquelle il a réalisé des miracles, les qualifiant pour leur première phase finale de Coupe du Monde le monde et décrochant la première victoire de l’histoire de la sélection face à l’un des deux pays hôte, la Nouvelle-Zélande. Toute la question est donc de savoir s’il pourra réaliser de tels miracle avec Perth Glory. Cela passera par une défense à solidifier après une saison où la ligne défensive a terminé avec quarante-six buts encaissés soit un de moins que le plus mauvais élève, Western United. Comme pour les autres, après trois ans sans participation aux phases finales du championnat, finir sixième serait déjà un bon résultat pour le nouveau propriétaire du club, Primeland, groupe d'investissement et de développement immobilier basé en Australie, à Melbourne.

La surprise de l’année dans le Queensland ?

Ross Aloisi tient-il un groupe fin prêt à quelque chose de grand dans le Queensland ? Car à Brisbane tout a bougé du sol au plafond. Grand chamboulement à la direction avec le souhait d’attirer les jeunes joueurs de football de l’État et ne plus laisser passer le moindre talent, sur le terrain avec une nouvelle méthode de travail, Aloisi ayant a poussé le groupe et le hissant en finale de Coupe. Le groupe est satisfait de cette montée en puissance athlétique et tactique même si la finale a souligné une profondeur du banc qui a fait défaut au Roar. Brisbane a cependant recruté malin : Alex Parsons est arrivé du Sydney FC, Shae Cahill, fils de Tim, au milieu de terrain et le retour de Joe Caletti. Le club a dévoilé une pièce très intéressante, de dix-huit ans d’âge, à observer : Thomas Waddingham. Buteur en finale, quatre buts en quatre matchs sur l’ensemble de la compétition de présaison, celui que l’on surnomme Haaland peut nous offrir un formidable spectacle. Le secteur offensif ne compte d’ailleurs qu’un élément de plus de vingt-quatre ans, Nikola Mileusnic et pourra désormais compter sur Florin Bérenguer, au poste de numéro dix, bien décidé à terminer sa carrière en Australie, avec ce joli projet que nous offre Brisbane. Sur le papier, ce Roar semble sur la bonne voie et pourrait ainsi venir bousculer une hiérarchie qui, derrière le Sydney FC, peine à se dessiner.

 

Antoine Blanchet-Quérin
Antoine Blanchet-Quérin
Spécialiste du football australien, néozélandais et océanien pour Lucarne Opposée.