Seizième édition de la compétition majeure des nations de la CONCACAF, la Gold Cup pourrait bien être celle qui verra l’hégémonie du couple USA – Mexique remise en cause. Car les outsiders et autres prétendants sont nombreux.
Initialement prévu du 2 au 25 juillet, la Gold Cup 2021 débute ce week-end dans huit villes hôtes aux États-Unis et voit le traditionnel coupe USA – Mexique se préparer à devoir défendre sa domination sur la zone – dix-sept des vingt-cinq titres en englobant le CONCACAF Championship, quinze des seize titres depuis la création de la Gold Cup en 1991. Une compétition qui a commencé par un premier coup de tonnerre en coulisse à la veille de son lancement avec le forfait de Curacao en raison de cas de positifs à la COVID-19. Conséquence, bien qu’éliminé par la Guadeloupe en phase de qualification, le Guatemala, meilleure équipe au classement de la zone parmi les non-qualifiés, est repêché et se retrouve placé dans le groupe A. Avec donc à devoir gérer une compétition pour laquelle les Chapines s’étaient résignés à ne pas participer. Reste que malgré tout, l’édition 2021 s’annonce passionnante sur le terrain par bien des aspects. Tour d’horizon des participants.
Groupe A : bataille dans l’ombre du Mexique
Il y a certes des absents, Memo Ochoa, Diego Lainez et Henry Martín qui choisissent les JO, Rodolfo Pizarro et Andrés Guardado blessés, mais le Mexique dispose d’un tel réservoir qu’il suffit de regarder la liste des vingt-trois pour se dire que le Tri ne peut être qu’un favori classique pour le titre. Pourtant, il reste quelques éléments d’inquiétude, des détails qui montrent que l’avance sur la concurrence, en particulier les États-Unis n’est plus aussi grande qu’autrefois, la défaite récente en finale de la Nations League étant pris comme un signe par le voisin du nord. Il faut donc rappeler son statut à l’ensemble de la CONCACAF pour un Mexique qui, il est vrai, semble surtout plus passionné par les Jeux Olympiques, mais qui devrait véritablement s’intéresser à la Gold Cup dans les moments cruciaux. Sur le terrain, Tata Martino a semble-t-il laissé de coté sa défense à trois, repassant au 4-3-3 sur les deux derniers amicaux (conclus par deux larges victoires) et a lancé son nouvel avant-centre, l’Argentin Funes Mori dont la naturalisation et l’appel en sélection sont évidemment au centre de bien des débats. La constitution de ce Tri a été particulière, on l’a dit, en grande partie en raison des JO à disputer, et l’on y retrouve donc plusieurs cadres très expérimentés aux côtés de quelques plus jeunes ou arrivant dans la force de l’âge et qui devraient assurer la suite dans les années à venir (on pense ici à des joueurs tels qu’Edson Álvarez, Orbelin Pineda ou Chucky Lozano. Quel sera le niveau de ce Mexique ? Il faudra sans doute attendre la phase à élimination directe pour en avoir une idée tant son groupe semble lui offrir l’occasion d’une tranquille mise en route.
Car dans celui-ci, le Mexique va croiser un Salvador emmené par ses trois représentants de la MLS, Eriq Zavaleta (Toronto), Darwin Cerén (Houston) et sa « star » Alex Roldan (Seattle) et qui aborde la compétition dans une période de transition, ponctuée tout de même par une présence en octogonal final pour Qatar 2022. Une Selecta qui a donc connu une dynamique positive en termes de résultats, même si acquis par des équipes de moindre niveau de la zone et qui va donc chercher à continuer de construire et accumuler de l’expérience lors de cette Gold Cup tout en pouvant envisager les quarts. Même son de cloc côté Trinidad y Tobago. Après une qualification arrachée d’un rien face à la Guyane, les Soca Warriors semblent aller mieux, l’opération reconstruction lancée par Angus Eve débutant véritablement alors que les rêves de Coupe du Monde se sont déjà envolés et pour laquelle l’homme clé sera évidemment Kevin Molino, l’actuel meilleur buteur de la sélection. Si Salvador et Trinidad y Tobago sont surtout présents pour commencer ou continuer à construire, que dire du Guatemala, le repêché miraculeux dans l’épreuve. Remplaçant au pied levé Curaçao, les Chapines ont souffert face à la Guadeloupe en qualification mais arrivent ainsi sans réelle pression avec un groupe assez jeune (deux trentenaires seulement) et une dynamique globale plutôt bonne, les Azul y Oro étant invaincus depuis la défaite concédée face au Mexique en septembre dernier, soit une série de onze matchs, mais qui arrive avec un nouveau sélectionneur, Rafael Loredo nommé à quelques heures de la Gold Cup et bien des questions.
Groupe B : à l’assaut des States
Si le Groupe A sera celui du Mexique, le Groupe B s’annonce comme probablement le groupe le plus relevé de la Gold Cup. D’abord par la présence de l’autre ogre de l’épreuve, les États-Unis. Des Stars and Stripes tout aussi hybride que le Tri mexicain. On ne verra ainsi pas les Européens Tyler Adams, Sergiño Dest, Weston McKennie, Christian Pulisic, Gio Reyna, Zack Steffen par exemple, mais une sélection essentiellement composée de représentants de la MLS et privée de ses jeunes pépites qui auraient pu figurer en raison de l’absence de JO pour les U23 (on pense par exemple à la révélation des Red Bulls Caden Clark). Reste que l’équipe assemblée par Gregg Berhalter est jeune, très jeune, les deux trentenaires étant des gardiens et seuls Walker Zimmerman, Sebastian Lletget et Gyasi Zardes pouvant être considérés comme des anciens, ce dernier étant le seul des trois à compter plus de cinquante sélections. L’objectif semble assez clair, donner du temps de jeu à de nouveaux joueurs pour commencer à bâtir le groupe de 2022 voire 2026 et ainsi installer une concurrence et de la profondeur à sa sélection. On suivra avec grande attention l’évolution de Daryl Dike, l’une des belles promesses au poste d’avant-centre, lieu où la concurrence semble la moins forte ou en tout cas, le chantier semble le plus important.
Le problème pour les USA est que si son grand rival du sud semble plus tranquille pour monter en puissance, les locaux vont devoir batailler dès le départ dans le groupe. Car face à eux, le Canada arrive avec une équipe prête à renouer avec un glorieux passé en même temps qu’elle suscite bien des espoirs, d’une part de qualification à Qatar 2022, d’autre part dans la construction de la Coupe du Monde 2026 que le pays coorganisera. Certes la bande à John Herdman arrive privée de ses deux stars Alphonso Davies, blessé, et Jonathan David, que le sélectionneur laisse souffler et préparer sa saison lilloise, mais la qualité est clairement à l’image du trio du milieu Mark-Anthony Kaye - Stephen Eustaquio - Jonathan Osorio et des nombreuses possibilités offensives offertes par les profils si différents qu’offrent les meilleurs buteurs de ce groupe Lucas Cavallini et Cyle Larin, ou les nouveaux arrivants Tajon Buchanan, auteur d’une belle saison avec les Revs, ou Ayo Akinola qui devrait faire ses débuts en sélection à l’occasion de la Gold Cup.
Attention tout de même car dans l’ombre des deux nord-américains, Martinique et Haïti s’annoncent plus redoutables que prévu. Déjà dans un groupe compliqué en 2019 – avec le Canada et le Mexique – les Matinino sont toujours emmenés par leur capitaine Sébastien Crétinoir et possèdent un groupe composé en grande majorité de joueurs locaux renforcés par des professionnels tels que Patrick Burner, Jean-Sylvain Babin et l’expérimenté duo Kévin Fortuné – Emmanuel Rivière. Cette équipe a un vécu, une réelle expérience de ce genre de rendez-vous et va enchainer sa troisième Gold Cup de rang, une première dans l’histoire, mais elle paye un manque de matchs de préparation, la COVID-19 ayant frappé et privé la sélection du moindre match amical. Celle-ci n’en aura donc eu que deux, cette année, face à la Guadeloupe et au Sporting Kansas il y a quelques jours. Difficile de voir dans quel état elle sera. Des matchs, Haïti en a disputé bien plus. D’une part car il y a eu les éliminatoires pour Qatar 2022, marqués par la défaite au deuxième tour face au Canada, d’autre part car il a fallu passer par les barrages pour accéder à la Gold Cup. Ce sont donc des Grenadiers déjà rodés, emmenés par un beau mélange de jeunesse et d’expérience qui se présente à cette Gold Cup. On retrouvera quelques valeurs sûres, à commencer par le Duc, Duckens Nazon, quelques joueurs évoluant en France, comme le héros des barrages, Frantzdy Pierrot. Largement de quoi jouer les empêcheurs de tourner en rond dans un groupe qui peut donc s’avérer bien plus dangereux que prévu pour les deux favoris annoncés du groupe.
Groupe C : les Ticos veulent revivre
Quelle peut-être la place du Costa Rica dans cette Gold Cup ? Après une Nations League qui a vu les Ticos accrocher le Mexique, perdant aux tirs au but, avant de perdre également aux tirs au but la petite finale, on a encore décidé de changer les plans chez la troisième force de la zone. Luis Fernando Suárez a débarqué sur le banc juste pour cette Gold Cup pour essayer d’inverser une dynamique totalement catastrophique. La dernière victoire du Costa Rica remonte en effet à novembre 2019 et un court succès face à Curaçao. Depuis, onze matchs sans victoire et un danger qui menace alors que l’octogonal pour Qatar 2022 s’annonce plus dur que jamais. Il n’y aura pas de révolution dans le groupe emmené par Suárez, sans doute par manque de temps aussi. Il n’y aura pas non plus Keylor Navas pour sauver les meubles dans les buts. On va donc retrouver les cadres/légendes au crépuscule de leur carrière, tels que Celso Borges, l’immense Bryan Ruiz et Joel Campbel, plus de trois cents sélections à eux trois, ou encore les habituels Francisco Calvo et autre Kendal Waston, David Guzmán, Johan Venegas sur les différentes lignes. Difficile de savoir comment Luis Fernando Suárez va animer un groupe donc vieillissant mais qui a la chance de pouvoir compter sur un groupe largement à sa portée pour lancer sa compétition.
Dans l’ombre des Ticos, on regardera avec attention le duo Jamaïque – Guadeloupe. Les Reggae Boyz sont devenus une valeur sûre de la Gold Cup avec deux finales et une quatrième place sur les trois dernières éditions. Si l’on regarde les résultats récents, la dynamique semble négative mais à l’exception de l’humiliante défaite face aux U23 japonais, le reste des adversaires croisés sont tous des mondialistes et le nul face à la Serbie a été porteur d’espoirs. Il faut dire aussi que les espoirs sont portés par quelques joueurs de très grande qualité, l’exemple le plus brillant étant évidemment Leon Bailey. Mais dans les pas de l’attaquant de Leverkusen, on trouve aussi Andre Blake, l’un des meilleurs portiers de la MLS, plusieurs joueurs d’expérience en défense, de Kemar Lawrence à Alvas Powell, et une nouvelle vague plus qu’intéressante de joueurs de moins de 25 ans qui offre au sélectionneur Theodore Whitmore un vaste choix. Ne vous y trompez pas, il se pourrait bien que la Jamaïque prenne la première place de ce groupe, même face au Costa Rica qu’elle rêve de faire tomber pour la première fois depuis 1997.
Attention aussi à la Guadeloupe. Les Gwada Boys sont retour en Gold Cup après dix ans d’attente et peuvent envisager jouer un joli rôle de perturbateur. On les a ainsi vu bousculer le Guatemala en barrages, pour finalement s’imposer et signer un retour en 2021 avec le sourire. Car comme la Martinique, la Guadeloupe va souffrir d’un manque de rythme, n’ayant pas disputé le moindre match entre novembre 2019 et la semaine dernière. Difficile dans ce contexte de tirer des plans sur la comète, mais l’équilibre et la discipline tactique montrés lors des deux matchs de barrage ainsi que la dynamique globale de ces dernières années incite à un certain optimisme. Il faudra pour cela bien réussir son entrée face au géant costaricain puis réussir une belle performance face à la Jamaïque pour espérer jouer un rôle dans ce groupe et pourquoi pas gratter une place au tour suivant, la phase de groupe se concluant par un duel face au Suriname.
Un Suriname de retour dans la grande épreuve continentale pour la première fois depuis 1985 quand la Gold Cup n’existait pas encore. Mais un Suriname qui pourrait être bien plus dangereux que prévu si jamais il venait à être sous-estimé. D’une part car lui aussi sort d’une Nations League totalement réussie avec deux victoires face au Nicaragua et un groupe D de la Ligue B remporté, ce qui offre à la Natio une accession à la Ligue A. D’autre part car le groupe de Dean Gorré dispose de nombreux joueurs évoluant en Europe – notamment et naturellement aux Pays-Bas – et de quelques jeunes promesses dont Gleofilo Vlijter, vingt-et-un ans et homme qui compte plus de buts que de sélections. Il y aura évidemment un manque d’expérience, une nouvelle pression à supporter pour la sélection du Suriname, mais si elle parvient à se libérer, elle peut jouer quelques mauvais tours à ses adversaires.
Groupe D : l’inconnue qatarie
On les attendait au Sud, ils seront donc au Nord. Le Qatar devait enchaîner Copa América et Gold Cup, il se contente de la deuxième pour poursuivre son apprentissage mondial et préparer sa Coupe du Monde. Un Qatar qui pourrait bien plus briller en Gold Cup qu’il ne pouvait le faire à la Copa América 2019, malgré de belles prestations et notamment un nul face au Paraguay. Un Qatar toujours dirigé par Félix Sánchez qui continue d’avancer sans trop de soucis en Asie, sort de plusieurs amicaux face à des sélections de grande qualité (match nul face à l’Irlande, victoire face à la Croatie) et qui vient donc se frotter au football de la CONCACAF. On y retrouvera toujours le magnifique trio Akram Afif – Hassan Al-Haydos – Ali Almoez au sein d’un effectif qui ne cesse d’accumuler de l’expérience et peut donc véritablement envisager de sortir de son groupe.
Car face à lui, on trouve deux ambitieux en reconstruction, Panamá et Honduras. Les Canaleros ont eu beaucoup de mal à digérer la belle parenthèse mondiale de 2018 mais semblent reprendre vie depuis l’arrivée de Thomas Christiansen à leur tête. Le technicien hispano-danois a réinitié une série positive de résultat, malgré quelques accidents face aux géants USA et Mexique notamment, mais surtout redonné un style à son équipe en douze rencontres qu’il a dirigées depuis son intronisation en 2020 (sept victoires, deux nuls, trois défaites – USA, Mexique et Japon). Panamá peut ainsi compter sur un potentiel offensif redoutable, avec Édgar Bárcenas comme maître à jouer et des buteurs type Gabriel Torres, José Fajardo ou Rolando Blackburn, des joueurs de couloir capables de perforer comme Alberto Quintero ou le jeune José Luis Rodríguez et des cadres déjà expérimentés tel Armando Cooper, Anibal Godoy, Harrold Cummings ou le portier Luis Mejía. Un vrai profil d’outsider donc.
Un profil similaire pour les Catrachos honduriens de Fabián Coito qui peuvent aussi aspirer à de plus grandes ambitions que celle de simplement sortir de leur groupe. Là encore, il y aura un mélange entre grande expérience, dont le meilleur symbole est la légende Maynor Figueroa et ses cent-soixante-huit sélections, ou encore l’autre immortel, Boniek García et le buteur Jerry Bengtson, de joueurs qui arrivent à maturité, comme Alberth Elis, Bryan Acosta et Michaell Chirinos, et des pré-trentenaires type Romell Quioto. Le sélectionneur uruguayen des Catrachos dispose d’un bel équilibre et si les résultats récents ne sont pas forcément très convaincants, aucune victoire depuis la reprise d’après pandémie, soit sept matchs, les nuls face au Costa Rica pour décrocher la troisième place de la Nations League et au Mexique lors du dernier amical sont autant de signes qu’il vaudrait mieux éviter de négliger le Honduras.
Reste enfin l’énigme Grenade. Nommé à la tête des Spice Boyz en début d’année, l’ancien adjoint de Benito Floro à la tête du Canada, Michael Findlay n’a dirigé son équipe qu’à quatre reprises, pour une seule victoire et trois défaites. Grenade a décroché sa place en Gold Cup pour la première fois depuis dix ans grâce à sa victoire dans son groupe de Nations League composé de la Guyane, du Bélize et de Saint Kitts and Nevis et aborde la compétition dans un costume de petit poucet avec une équipe peu connue composée de joueurs locaux ou évoluant dans les divisions inférieures anglaises et écossaises. Difficile de les voir tirer leur épingle du jeu dans un groupe composé de trois potentiels outsiders.