22 janvier 2014, alors catalogué meilleur avant-centre du monde, Radamel Falcao se fait les croisés. Deux ans jour pour jour après le tacle de Soner Ertek, l’ombre du Tigre plane encore sur les terrains européens et cause la déprime en Colombie. Et toujours la même question : le Tigre rugira-t-il un jour de nouveau ?

La course après la Coupe du Monde

11 octobre 2013, Barranquilla. Un penalty de Vidal et un doublé de Sánchez donnent trois buts d’avance au Chili, la Colombie commence à trembler. Mais en deuxième période, un but de Teo relance le suspense. Deux fautes provoquées par James vont faire tourner le match, provoquant deux penalties dans le dernier quart d’heure. Pour le tirer, un seul homme, héros de tout un peuple, « goleador mundial » comme on aime à le surnommer : Radamel Falcao Garcia. Le numéro 9 cafetero ne tremble pas, la Colombie peut chavirer, après 16 ans d’absence, elle retrouve les lumières d’une Coupe du Monde dont elle sera l’un des outsiders.

Les huitième et neuvième buts du Tigre dans cette campagne de qualification en font le porteur de l’espoir de tout un peuple. Passé de l’Atlético à Monaco, le meilleur avant-centre sud-américain évoluant en Europe semble parti pour marcher sur la Ligue 1 comme il avait marché sur l’Espagne et l’Europe. La Coupe du Monde sera la sienne, c’est écrit.

22 janvier 2014, Lyon. L’AS Monaco affronte Chasselay en Coupe de France et s’impose sans trembler. Buteur à la demi-heure de jeu, Falcao est fauché par Soner Ertek et s’écroule. Touché au genou, il sort du terrain. Le verdict tombe quelques jours plus tard, les ligaments du genou gauche ont sauté, 6 mois d’arrêt minimum. La nouvelle assomme Falcao en même temps qu’elle assomme la Colombie. Le joueur de Chasselay devient ennemi public numéro 1, la course contre la montre débute. « Le travail et les soins musculaires sont fondamentaux dans un processus de récupération d’une opération des ligaments du genou. Souvent, sous pression, on a tendance à laisser de côté d’autres parties du corps qui se retrouvent alors fragilisées. Plus on a de temps pour soigner ce type de blessures, mieux c’est pour l’organisme » déclarera Haroldo Yepes à El Espectador. Mais du temps, Falcao n’en a pas, la Coupe du Monde est dans à peine 5 mois. Alors el Tigre va lutter, comme toujours, pour forcer le destin. Très vite, trop vite et finalement pas assez vite. Le 2 juin, au moment d'officialiser la composition du groupe colombien qui ira au Brésil, la conférence de presse de Pekerman émeut le pays. Larmes aux yeux, Falcao a compris que la Coupe du Monde se jouera sans lui.

Falcao reviendra sur les terrains l’été suivant avec Monaco. Après deux mois de préparation et deux buts inscrits en championnat, sa carrière va cependant ne plus jamais redécoller.

Au centre d’une bataille économique

Car l’absence de Coupe du Monde ne sera pas qu’un simple coup dur sportif pour Falcao. En coulisse, son agent, Jorge Mendes, toujours présent tout au long de la rééducation, subit ce coup d’arrêt qui finalement lui rend aussi en partie service.

Lorsqu’il quitte River pour Porto, el Tigre ne sait pas encore qu’il perd le contrôle de sa carrière. Car il va se retrouver au beau milieu d’un duo Doyen Sport – Jorge Mendes qui prend une autre ampleur lors de son transfert à l’Atlético. Car lorsqu’el Tigre s’envole pour Madrid, son agent, Jorge Mendes, qui touche 10% du montant du transfert, l’Atlético, ne pouvant pas s’offrir le transfert, recourt à Doyen Sport pour s’en acquitter. En échange, une partie des droits économiques du colombien appartiennent alors à la société basée à Malte. Et lorsque Falcao signe à Monaco, Mendes voit partir plus de la moitié du montant du transfert chez une société devenue rivale. Les choses doivent alors changer. Alors que le transfert à Madrid capote à l’été 2014, pas seulement en raison de la blessure, et alors que Monaco ne peut/veut plus prendre en charge le salaire du joueur, Mendes va lui trouver de nouvelles destinations qui toute vont devoir remplir une seule condition : que cela se fasse sous forme d’un prêt. La raison est simple. Un prêt ne rapporte rien à Doyen alors qu’il rapporte à l’agent, celui-ci touchant une partie du salaire du joueur. Et qu’importe s’il joue. Ainsi, après une saison ratée à Manchester ou la relation entre Falcao et Van Gaal sera en partie responsable de l’échec, Mendes active son réseau, Abramovitch – Mourinho pour envoyer Falcao à Chelsea. Avec toujours le même objectif, priver Doyen Sport de ressources. Sur cette période, l’agent portugais touche près de 5M€ quand Doyen ne voit aucun billet. On comprend ainsi pourquoi Falcao se retrouve forcé de faire ce que son agent lui dicte. Joueur redoutable, el Tigre n’en est pas un dans la vie. Connu pour être un homme timide et pieu, il se retrouve à son insu esclave haut de gamme. Et malheureusement, sur le terrain, ces multiples revirements lui desservent. Comme l’expliquait Silvano Espíndola, son premier agent, l’homme qui l’avait envoyé à River à 15 ans, dans As Colombia début 2015, « Falcao manque de rythme et son faible temps de jeu ne lui permet pas de retrouver l’intensité nécessaire ».

Ce manque de rythme est criant. On le verra ainsi errer en Copa América, ne tirant qu’une seule fois au but pendant la compétition, l’ombre du Tigre planant sur une sélection alors en manque de souffle. Le pari de Mendes est gagné. Tandis qu’il continue de faire fructifier son investissement, la côte du buteur colombien ne cesse de plonger, privant Doyen des revenus d’un transfert important alors que l’accord lui offrant plus de la moitié des droits économiques du joueur se termine en juin 2016. Pendant ce temps, Falcao attend de pouvoir rejouer au foot.

Ce 22 janvier, le hashtag #TodosConFalcao anime le Twitter colombien, abreuvé de prières des hinchas cafeteros. Car deux ans plus tard, la Colombie attend toujours le retour de son roi.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.