Le moment ou jamais. A l’heure d’affronter l’Argentine pour la deuxième demi-finale de son histoire en Copa América, Team USA sait que sa mission n’est pas seulement personnelle. D’elle dépend l’avenir de son sport.
Après une Gold Cup totalement ratée et une campagne de qualification qui laisse encore planer quelques doutes, la bande à Jürgen Klinsmann a d’abord inquiété, dominée par une Colombie qui lui semblait tant supérieur, avant enfin de trouver son rythme de croisière et de retrouver un équilibre. Le Costa Rica balayé, le Paraguay effacé, malgré l’indifférence régnant au pays, les USA ont tracé leur route, avec un objectif résumé non sans humour par Alejandro Bedoya à notre micro : « rester encore là jusqu’au dernier jouer afin d’amener plus de gens à suivre le foot, » ce tournoi étant « un bon référenciel pour eux. » L’objectif est désormais accompli, présente dans le dernier carré, Team USA est assurée d’être en piste jusqu’à la fin (ou presque) et va donc pouvoir se montrer à une plus large audience, le RG Stadium annoncé plein à craquer n’en étant finalement qu’un début d’illustration.
En 2014, alors que les USA se préparaient à affronter la Belgique en huitièmes de finale d’une Coupe du Monde, nous rappelions à quel point son football s’était organisé, que sa mise sur orbite était proche (lire Pourquoi l'avenir du football est aux Etats-Unis ?). Défaite par les Diables Rouges, Team USA avait alors manqué son rendez-vous annoncé avec l’Argentine et était retombée depuis dans une relative indifférence, peu aidée par des résultats suivants sans réelle saveur (la quatrième place en Gold Cup ayant refroidi les ardeurs). Deux ans plus tard, alors que sa MLS semble stagner, l’heure est enfin venue de franchir ce cap tant attendu.
Car finalement, maintenant que seul le soccer peut prendre sa place dans les médias du pays, quoi de mieux pour la bande à Klinsi, dont le blason aura été redoré par une présence dans un carré duquel l’encombrant voisin mexicain a été exclu avec une violence inouïe par le champion sortant, que d’affronter le grandissime favori, l’Argentine et sa star planétaire Leo Messi ? L’opération conquête est lancée par le sélectionneur et grand architecte du développement US, Jürgen Klinsmann qui, souvent critiqué, parfois menacé, n’a jamais dévié de sa ligne et s’en trouve aujourd’hui en partie récompensé. « Nous voulons poursuivre sur la voie empruntée il y a quelques années, » a-t-il déclaré en conférence d’avant match, « nous voulons prendre le jeu à notre compte, garder nos lignes hautes. Nous l’avons parfaitement fait durant ce tournoi, il n’y a désormais aucune raison de changer notre approche du match. Nous n’attendrons pas à 10 derrière ni n’attendrons pas les tirs au but. C’est une question de courage. »
Reste que le chemin pour convaincre est encore long. La plupart des médias US n’y croient pas. En direct sur ESPN, l’ancien international vénézuélien et joueur de MLS Alejandro Moreno résumait la position la plus adoptée : « si l’Argentine joue à son niveau, les USA ne seront pas un problème pour elle. » De quoi tempérer les ardeurs et les velléités conquérantes de Klinsi déjà bien perturbées par les absences conjuguées de Jermaine Jones, Alejandro Bedoya et de l’excellent Bobby Wood, tous suspendus pour l’occasion, et par des statistiques loin d’être en sa faveur (depuis 1993, le bilan US face à une équipe du Top 10 au classement FIFA est de 19 victoires, 35 défaites, 9 nuls et devient terrible face au numéro 1 mondial, 3 victoires, 8 défaites, 1 nul). Mais l’enjeu est de taille, une grande partie de l’avenir du soccer US en dépend. Les tremplins que furent 2002 et 2009 sont désormais loin derrière et si la MLS a trouvé son rythme de croisière, la fusée soccer tarde encore à véritablement prendre de l’altitude, l’indifférence générale dans laquelle se déroule cette Copa Centenario au pays le démontrant au fil des matchs. Tout repose essentiellement sur une série de résultats positifs de la sélection dans les grandes compétitions internationales, surtout à l’heure où la possibilité d’une organisation régulière, voire définitive de la Copa América Centenario est évoquée (lire La Copa América définitivement américaine ?).
Pendant ce temps, du côté de l’Argentine, la perspective d’une troisième finale internationale en trois ans est aussi synonyme de pression pour une sélection désormais annoncée grande favorite pour le titre, titre après lequel elle court depuis désormais 23 ans (lire Copa América Centenario : 1993, la der de l’Argentine). Sans doute pour conjurer le mauvais sort, Gerardo Martino la joue sans excès de confiance. « Nous ne sommes pas les meilleurs, ni dans le pressing haut, ni dans la construction, » a ainsi déclaré le sélectionneur albiceleste à la veille de la rencontre dans un NRG Stadium que sa sélection n’a découvert que dimanche, n’ayant ainsi qu’une journée pour préparer le match, avant de poursuivre : « je ne pense pas qu’une équipe dominera les 90 minutes. Contre le Venezuela, nous avons perdu le contrôle pendant un quart d’heure. Je ne m’attends pas à avoir un contrôle total de la partie mardi mais j’espère que dans les moments où nous ne l’aurons pas, nous ne souffrirons pas autant que nous avons souffert dans ces périodes face au Venezuela. » Sur le terrain, si les USA compteront trois absents de marque, l’Argentine devrait une fois encore se passer de Di María, qui devrait tout de même prendre place sur le banc, alors que la présence de Pastore est « impossible » pour Tata. Que les supporters parisiens se rassurent, un ancien de la maison devrait être sur le terrain, Ezequiel Lavezzi a en effet pris pas au dernier entraînement tactique et devrait débuter aux côtés de Pipita Higuaín.
Les compos probables
USA : Guzan; Yedlin, Cameron, Brooks, Johnson; Beckerman, Bradley, Nagbe, Zusi; Dempsey, Zardes.
Argentine : Romero; Mercado, Otamendi, Funes Mori, Rojo; Augusto F., Mascherano, Banega; Messi, Higuaín et Lavezzi.
Coup d’envoi à 3h du matin.
Photo une : MARK RALSTON/AFP/Getty Images