Au terme d’une année civile assez étrange, le football chilien se demande si finalement, 2021 pourrait ne pas être une année charnière, celle qui fait naître de nouveaux espoirs.
Sélection : montagnes russes
C’est l’histoire d’une année de toutes les émotions. Le 14 janvier, Reinaldo Rueda, l’homme chargé de construire le nouveau Chili, s’engage avec la Colombie, plantant donc son projet rouge qui, malgré une Copa América 2019 finalement réussie, battait déjà de l’aile sur le terrain. Martín Lasarte prenait les commandes, le temps était compté : entre les éliminatoires à disputer sans avoir pu s’étalonner avec son groupe et une Copa América à disputer, l’affaire paraissait compliquée. Elle l’était. Deux nuls sur les éliminatoires, dont un décevant à la maison face à l’ennemi bolivien, une compétition continentale traversée avec pourtant bien des espoirs générés, notamment après la courte défaite imméritée face au Brésil que la Roja a totalement dominé après avoir réussi une phase de groupes parfois frustrante – notamment le nul face à un Paraguay que le Chili a dominé. Mais Lasarte a trouvé son équilibre : un milieu à trois Aránguiz – Pulgar – Vidal qui fonctionne, un Ben Brereton dont l’association avec le duo Sánchez – Vargas génère bien des espoirs. Mais l’année chilienne a été un long parcours sur des montagnes russes. Les espoirs générés par la Copa América ont mis du temps à se concrétiser, on imaginait même devoir préparer 2026 après la session de septembre et le déplacement au Pérou en octobre (trois défaites, un nul) qui semblait écarter la Roja de la route vers le Qatar. Puis la révolte, le rebond, la machine qui se met en route. Trois victoires convaincantes plus tard, le Chili a repris son destin en main, n’est plus qu’à un point de la qualification. Machete retrouve du calme, peut même commencer à travailler sur l’avenir avec deux amicaux de fin d’année disputés par des (jeunes) joueurs évoluant en majorité au pays. Et faire renaître donc l’espoir.
Compétitions continentales : dans l’anonymat
Tenter d’exister sur le continent quand on n’est ni Argentin, ni Brésilien, relève du miracle. Le Chili n’a pas dérogé à la règle. Avec Unión Española et Universidad de Chile qui sautent dès leur entrée en tour préliminaire de la Libertadores, il ne restait donc que la Católica et La Calera pour affronter la phase de groupes. Si les Cruzados ont réussi leur pari, sortant d’un groupe sans club brésilien pour obtenir la qualification en s’imposant face à l’Atlético Nacional lors de la dernière journée, avant de tomber avec les honneurs face au futur champion (deux défaites 1-0) en huitièmes, La Calera n’a pas existé dans son groupe.
En Sudamericana, l’affaire était encore plus compromise, les quatre représentants étant contraint de s’éliminer entre eux dès le premier tour pour n’en laisser que deux en groupes. Les élus, Huachipato, qui a vécu une saison compliquée, a manqué finalement de pas grand-chose d’arracher sa place en huitièmes. L’autre, Palestino n’a tout simplement pas existé dans son groupe, n’étant finalement le symbole d’une compétition continentale qui se ferme de plus en plus aux « petits », réduits au rôle de faire-valoir des Argentins et Brésiliens.
Championnat : folles remontadas
30 août, balayée par Palestino lors de la 19e journée, la Católica erre à une triste cinquième place et met fin au controversé cycle Gustavo Poyet. Cristian Paulucci, qui n’a jusqu’ici aucune expérience en tant qu’entraîneur principal d’une première division lui succède. Ce dont on ne doute alors pas, c’est que l’Argentin, ancien adjoint de Quinteros, Holan et Poyet chez les Cruzados, va être à l’origine d’une incroyable remontée au classement avec des statistiques totalement folles. Sous ses ordres, la Católica gagne quatorze de ses quinze matchs, ne perdant que le clásico face à Colo-Colo et signe le premier tetracampeonato de l’histoire des formats longs. Une folle remontada qui finalement symbolise parfaitement ce que fut la saison chilienne.
La deuxième a été celle que l’on a longtemps cru être la plus belle histoire de l’année. Sauvé au terme d’un match de barrage très tendu en février, Colo-Colo a trouvé la formule et a longtemps mené le championnat (premier de la 17e à la 31e journée), rêvant de passer des portes de l’enfer au paradis. Le Cacique peut cependant être satisfait de sa saison : il retrouvera la Libertadores et a décroché une nouvelle Copa Chile, la treizième de son histoire. La troisième remontada est l’une des plus folles et concerne le troisième géant, l’Universidad de Chile. La U a été dans la course aux accessits continentaux jusqu’au soir de la 26e journée. Puis, l’incroyable dégringolade : sept défaites consécutives entre octobre et novembre, incapable de marquer lors de huit des neuf matchs précédant l’ultime journée, une crise interne rare, un club au bord de l’implosion et une ultime journée où le spectre de la relégation de 1988 planait. D’autant que La Calera menait même 2-0 à un peu plus de cinq minutes de la fin. Puis la folie, trois buts en dix minutes, un doublé de Cachila Arías, et la U se sauve sur le fil. Se prenant même maintenant à rêver une année 2022 similaire à l’année 2021 du grand rival.
Reste que la saison chilienne n’est pas encore totalement terminée. En cause, un Deportes Melipilla exclu du football professionnel chilien pour avoir offert des doubles contrats à certains de ses joueurs. Une exclusion qui pose souci dans l’optique du barrage prévu entre Huachipato et Copiapó pour attribuer la dernière place dans l’élite 2022. Le match ne s’est pas encore joué, il faut attendre les multiples recours et appel pour savoir s’il se tiendra. Un Deportes Copiapó qui vient de perdre son entraîneur, Erwin Durán, lassé par les atermoiements et l’impossibilité de pouvoir travailler pour préparer 2022.
L’équipe type de la saison
Décrocher un quatrième titre consécutif signifie bien évidemment que la Católica va correctement garnir les rangs du onze de la saison chilienne. À commencer dans les buts où Sebastián Pérez a réussi une mission des plus compliquée, celle de remplacer en milieu de saison l’immense Matías Dituro. Mission parfaitement accomplie par le portier relégué avec les Dragones d’Iquique l’an passé et qui a ponctué sa saison par deux tirs au but sortis en SuperCopa et une convocation en sélection pour les amicaux des « locaux » face au Mexique et au Salvador.
Devant lui, Pérez trouvera deux coéquipiers : l’inoxydable Chapita Fuenzalida qui a beau reculer sur le terrain, n’en reste pas moins l’âme de cette Católica quand Valber Huerta s’affirme comme l’un des meilleurs centraux du pays. À ses côtés, on associera Emiliano Amor qui a totalement stabilisé la défense de Colo-Colo, permettant notamment à Brayan Cortés de retrouver sa confiance dans les buts et étant l’un des éléments clés de l’excellente saison des Albos. Dans le couloir gauche, notre choix se porte sur Erick Wiemberg, l’infatigable piston de La Calera, même si la saison de Gabriel Suazo par exemple mérite d’être soulignée. Mention spéciale aussi pour le latéral droit d’Antofagasta, Byron Nieto, auteur d’une grande saison dans son couloir avec notamment six buts et quatre passes décisives.
Devant eux, l’une des révélations de la saison : Víctor Méndez. Le jeune numéro 8 hispano a été l’homme clé du milieu de l’Unión Española, prenant même le brassard une fois Palacios parti. Sa qualité technique en fait l’un des passeurs les plus « propres » du championnat, lui permet d’assurer l’équilibre des rouges de Santa Laura et a fini par lui ouvrir les portes de la Roja lors des amicaux de fin d’année. À vingt-deux ans, il est clairement l’un des hommes de l’avenir de la sélection s’il parvient à confirmer son excellente saison. À ses côtés, deux générateurs de danger. Le premier, Leo Gil a, par son impact, apporté ce qu’il manquait au milieu de Colo-Colo et a été l’un des grands artisans du profond changement dans la dynamique du groupe de Gustavo Quinteros. Le deuxième, Marcelino Núñez associe à ses qualités physiques de grandes qualités techniques. Au point d’être l’un des hommes essentiels à la Católica.
En attaque, on fera le choix de deux ailiers et un avant-centre. Choix qui par exemple nous fait exclure Diego Valencia de la Católica et l’immense saison de Gonzalo Sosa, auteur de vingt-trois des trente-neuf buts de Melipilla ou encore Pablo Solari, même si un ton en-dessous sur la fin de saison. Dans les couloirs, on fera le choix de la jeunesse avec le nouveau renfort de Colo-Colo, Cristián Zavala, auteur d’une saison XXL avec Melipilla et récompensé d’un appel en sélection A par Lasarte, tout en gardant un œil sur Bastián Yáñez, excellent avec les Hispanos. Pour son compère côté droit, le choix se portera sur la machine à générer du danger de l’Audax, Joaquín Montecinos, déjà appelé en A et l’un des hommes essentiels à la grande saison des ĺtálicos. Enfin, en pointe, impossible de ne pas aligner Fernando Zampedri le meilleur attaquant du championnat, meilleur buteur du championnat pour la deuxième année de rang (à égalité cette saison avec Sosa), et l’on citer la belle saison de Nico Guerra à Ñublense, l’une des belles surprises de la saison.
Quant à l’entraîneur, si l’on peut saluer le travail de Gustavo Quinteros dans la reconstruction de Colo-Colo, les performances de Cristian Paulucci ne laissent aucune place pour la concurrence au titre d’entraîneur de la saison.
Photo une : 2021 Pool