Le tirage de la Coupe du Monde 2022 effectué, on connait désormais l’ensemble des groupes. Parmi eux, celui de la France attire évidemment plus particulièrement les regards. Un groupe qui offre un habituel rival européen et deux autres rivaux venus de la planète LO. Présentation.

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Au-delà de la simple question de savoir si la France a hérité d’un groupe « facile » ou « de la mort », débat toujours délicat, encore plus quand on est à huit mois du coup d’envoi de l’épreuve, le petit jeu des présentations des rivaux des Bleus est tout de même intéressant pour analyser les dynamiques des futurs concurrents du groupe. Un jeu rendu difficile par le fait qu’un de ceux-ci n’est pas encore connu, trois aspirants luttant pour prendre le dernier strapontin en juin prochain.

Le rival confirmé : Tunisie, un roc en recherche de créativité

Par Farouk Abdou

Les cent quatre-vingts minutes durant lesquelles le Mali et la Tunisie ont croisé le fer en mars pour le barrage du Mondial (0-1 à Bamako, 0-0 au stade Hammadi Agrebi à Radès) ont été cohérentes avec l’image montrée par les Aigles de Carthage durant la CAN 2021 : une formation disciplinée défensivement et tactiquement, capable de montrer une détermination et un acharnement de tous les instants quand l’enjeu l’exige, qualités qui lui permettent d’atteindre une étanchéité d’un niveau top 3 continental et fermer la porte quand elle le décide à n’importe quel adversaire ; mais qui dans le même temps pâtit d’une animation offensive en manque de punch et de créativité, en manque de liant entre un milieu solide mais trop prudent et des attaquants irréguliers, et en manque d’un 9 efficace dans un poste déserté depuis de longues années.

Pour synthétiser l’expertise défensive tunisienne, il suffit de visionner le huitième de finale de la CAN en janvier face au Nigeria (1-0 pour la Tunisie) durant lequel Skhiri et ses coéquipiers ont intelligemment bloqué les Super Eagles dans une possession stérile emmenée contre son gré dans des couloirs eux aussi fermés et un seul danger (les frappes dans l’axe aux vingt mètres) verrouillé par l’abattage d’un duo Skhiri-Laïdouni impérial. Il suffit aussi de visionner aussi le bras de fer de Radès durant laquelle la formation de Jalel Kadri (sélectionneur adjoint à la CAN, qui a succédé à Mondher Kebaier) a invité les Maliens à conclure leurs actions par des centres vers une surface surpeuplée et verrouillée par un axe central Ghandri-Talbi imposant. Les hommes de Magassouba n’ont jamais trouvé la solution à ce verrou hormis des alternatives axiales bloquées par un Laïdouni déterminant. Pour mettre la Tunisie en défaut, il faut de rares éclairs (individuels et/ou collectifs) d’une rapidité et d’une intensité éclatantes, ce que la Gambie et le Burkina Faso ont fait à la CAN mais avec une réussite optimale.

Mais pendant ce temps-là, le secteur offensif cale. Si on excepte un festival contre la Mauritanie à la CAN, les Aigles de Carthage sont tributaires soit d’une faiblesse adverse pour s’en sortir (le CSC de Sissako leur offrant au final le ticket pour Qatar 2022) ou d’un éclair exceptionnel sorti de nulle part, à l’instar de l’inspiration de Msakni face au Nigeria. En somme, il est difficile de marquer un but à une Tunisie solide et disciplinée, mais il est tout aussi difficile d’envisager d’en encaisser un.

tunisieCrédit photo : Mehrez Ben Abdallah/Sports Inc - Photo by Icon sport

Revue d’effectif

Le premier rempart a été le premier à susciter des débats. Le gardien de l’US Monastir Béchir Ben Saïd a paru fébrile sur certaines prises de balles, mais a dominé avec autorité tous les ballons aériens, et tient à date la corde face aux autres prétendants. Dans les couloirs, la prudence et la couverture défensive sont de mise, avec d’un côté l’inamovible Mohamed Drager et de l’autre un choix entre le défenseur-buteur mais désormais plus défensif d’Al Ahly Ali Maaloul et Oussama Haddedi. Dans l’axe, c’est interchangeable selon qui est associé à l’indiscutable Montassar Talbi. Au milieu, la solidité est garantie par Skhiri et Laïdouni. Charge donc de trouver qui pourrait contribuer au liant avec le secteur offensif en tant que troisième larron : Chaalali pour son jeu long ? Ben Romdhane pour ses percées avec l’Espérance de Tunis et des qualités de box to box ? La qualité technique d’un Anis Ben Slimane ou d’un Hannibal Mejbri ? Dans le trident offensif, l’idée inefficace de placer Khazri en faux 9 a vécu. C’est désormais la débauche d’énergie de Seifeddine Jaziri qui est privilégiée (débauche pouvant être pénalisante dans la finition devant le but) et autour un choix à faire entre Youssef Msakni capable d’un éclair à tout moment, Khazri et/ou Sliti. De retour d’une longue suspension, l’attaquant de pointe Khenissi présent à la CAN 2019 sera là pour suppléer Jaziri selon le scénario des rencontres.

Faites vos jeux

Reste que le grand « souci » qui se pose pour analyser le groupe des Bleus à huit mois de la compétition est qu’on ne connaîtra le quatrième larron – et accessoirement premier adversaire lors de la Coupe du Monde – qu’en juin prochain. Deux barrages sont au menu : le choc 100% Asie entre Émirats arabes unis et Australie, puis celui opposant le vainqueur de ce duel au Pérou. Le tout, sur un match sec à chaque tour, organisé au Qatar. Autant dire que tout pronostic s’annonce plus que délicat. On vous propose donc un panorama complet des trois candidats au match d’ouverture du groupe face aux Bleus.

Émirats arabes unis, le miracle permanent

Par Boris Ghanem

Peu s’en souviennent mais les Émirats arabes unis avaient déjà connu les joies d’un Mondial. C’était en 1990 et ils avaient ramassé comme pas permis face aux Allemands, Colombiens et Yougoslaves. Même leur campagne de qualification était en rase-motte avec un nombre de victoires très faible. Passer par le chas de l’aiguille, telle serait la devise des Émirats.

Tout a commencé en 2019 lors de l’organisation de la Coupe d’Asie sur leur sol. Après avoir tremblé contre des adversaires de seconde zone (poussés en prolongations par le Kirghizistan), ils battent l’Australie sur leur seule occasion du match et atteignent les demi-finales sans trop savoir comment. Le lattage en règle que leur font subir les Qataris reste dans les mémoires, tant pour la fessée que pour les milliers de sandales s’abattant sur les joueurs qataris. Zaccheroni out, il faut trouver une nouvelle bonne poire prête à amasser des millions pour emmener les Blancs au Mondial, et c’est le Hollandais Van Maarwijk qui décroche la timbale. Le premier tour lui offre quatre adversaires d’Asie du Sud-est ce qui leur coûte deux défaites (Thaïlande et Vietnam) et une victoire in extremis en Malaisie). Après avoir ramé pour s’en sortir, ils retrouvent leurs voisins arabes au tour suivant, ainsi que l’Iran et la Corée. Entre-temps, Rodolfo Arruabarena aura repris le flambeau. Encore une fois, ils s’en remettent à la chance (un match au Liban gagné sur un penalty inexistant) et au bordel entourant certains adversaires pour décrocher la troisième place d’un groupe à deux vitesses. Ils n’auront remporté que trois rencontres (dont une face à une Corée démobilisée lors de l’ultime journée) mais c’est suffisant pour devancer l’Irak pour un petit point.

emiratsCrédit photo : RYAN LIM/AFP via Getty Images

L’équipe

En gros, il y a Mabkhout et les autres. Le meilleur buteur de la sélection est deux galaxies au-dessus de ses coéquipiers. Des coéquipiers du troisième âge puisque la part de trentenaires dans l’équipe est vertigineuse. Le capitaine Walid Abbas a trente-six ans, Majed Naser et Yousif Jaber trente-sept ou Ismael Matar trente-hui. Et ça, sans compter l’apport de trois Sud-Américains venus prêter main forte aux locaux : Sebastián Tagliabue (trente-sept ans), Fabio Lima (vingt-huit ans) et Caio Canedo (trente-et-un ans) auront permis, grâce à leur expérience et leur vice, de sortir l’équipe de certains pétrins telle la victoire contre la Syrie. Au final, une équipe vieillissante mais qui se connait suffisamment et qui compte sur une bonne dose de chance pour arriver à ses fins. Toutefois, les voir faire autre chose que de la figuration complète relèverait du miracle. Même si le miracle est leur spécialité.

L'Australie se cherche

Par Antoine Blanchet-Quérin

Le plateau doré de Doha offrait une tribune à nombreuses légendes du football lors du tirage. Parmi elles, Tim Cahill. Le voir laissait place à de joyeux souvenirs en même temps qu’elle plongeait dans une profonde tristesse tant l’icône australienne a laissé les Socceroos sans successeur. Depuis son départ, il n’y a plus eu de buteur, ni de leader sur la ligne offensive et l’Australie avance en le cherchant. À vrai dire, l’accession au Mondial est le même qu’en 2018. Terminant à la troisième place de leur groupe, les ‘Roos vont jouer le barragiste continental du groupe opposé avant de devoir batailler face à une autre confédération. Seul souci, si en 2018 l’adversaire était le Honduras, cette année, le menu s’annonce plus coriace avec le Pérou. Guère à la portée d’une sélection qui n’émeut plus.

L’Australie a changé de tête. Le caprice d’Ange Postecoglou quittant les Green and Gold juste avant l’épopée russe, remplacé par le pompier-pigiste néerlandais Bert van Marwijk, a laissé place au technicien australien, Graham Arnold. Très peu connu au-delà des frontières nationales, Arnold est réputé pour son passage au Central Coast Mariners et au Sydney FC (trois couronnes de champions de saison régulière, deux titres de champion) et aux caractéristiques communes à toutes ses équipes : une défense de fer, un attaquant robuste. Soit tout ce qu’il n’a pas retrouvé en sélection nationale. Si Arnold peut s’appuyer sur des résultats en club, pour l’instant, en sélection nationale, rien de brillant, l’élimination précoce en quarts de finale de la Coupe d’Asie 2019, face aux Émirats arabes unis (1-0), alors que l’Australie était tenante du titre, l’illustrant.

australieCrédit photo : AFP via Getty Images

Pourtant la suite fut meilleure, les ‘Roos signant une série record de onze victoires consécutives lors du deuxième tour de qualification pour Qatar 2022. De quoi y croire alors : l’Australie allait revenir forte et revigorée. Et puis, les choses sérieuses ont commencé lors du dernier tour et les espoirs de qualification directe se sont envolés, Graham Arnold gagnant de nombreux détracteurs. Car l’Australie sait être forte avec les faibles, s’appuyant sur ses individualités, mais pêche face aux forts par manque d’idée de jeu. Ainsi voit-on les ‘Roos essayer de jouer au sol avec l’attaquant Mitchell Duke, ou abuser de longs ballons lorsqu’elle aligne Jamie Maclaren. Deux idées à l’opposée des profils des joueurs. Conséquence, l’Australie n’a pas rivalisé avec Japon et Arabie saoudite et est finalement à sa place dans la confédération : derrière le quatuor Corée du Sud, Iran, Japon, Arabie saoudite. À sa décharge, Arnold n’a pas été aidé par une pandémie mondiale et des conséquences au pays qui n’ont pas favorisé un véritable travail – la sélection devant bricoler en fonction des possibilités. Il n’a pas non plus été aidé par certains choix de carrière d’espoirs du peuple comme Daniel Arzani, qui se retrouve désormais en D2 belge. Et si l’on a vu un apport de sang neuf, comme Harry Souttar, la tour de contrôle de la défense, le milieu Ajdin Hrustic, ou encore les Olympiques Denis Genreau, Connor Metcalfe, Marco Tilio et Nathaniel Atkinson, la construction ressemble surtout à du bricolage. Graham Arnold n’a pas trouvé son système, change de plan à chaque rencontre, cherchant encore des solutions à l’image de la dernière en date, la naturalisation de Bruno Fornaroli, certes efficace en championnat, mais qui, à trente-quatre ans, ressemble surtout à un pansement qu’à une solution durable.

C’est donc finalement en toute logique que l’Australie a peiné très largement durant ce troisième tour de qualification, terminant avec une seule victoire en sept matchs, face au Vietnam. C’est donc une sélection qui se cherche depuis plus de deux ans qui va désormais devoir aborder les barrages. Et si cela peut passer face à des Émiratis qui semblent inférieurs, la marche péruvienne s’annonce bien plus haute.

Le Pérou espère des retrouvailles

Par Romain Lambert

Il y a quatre ans, la France avait déjà croisé une belle équipe du Pérou menée par Jefferson Farfán et Paolo Guerrero qui avait donné des maux de tête à la bande à Deschamps. Le sélectionneur français a avoué par la suite s’être beaucoup appuyé sur ce match remporté 1-0 par les Bleus pour la suite de l’aventure avec l'épilogue que l’on connaît tous. Les joueurs français avaient également été impressionnés par l’ambiance du stade de Iekaterinbourg acquis à la cause des Péruviens. Un Pérou qui était finalement passé à un penalty de la qualification, déjà face au Danemark qu’il espère également retrouver cette année. À l’inverse de la Coupe du Monde 2018, le Pérou ne sera pas de retour après trente-six ans d’absence puisqu’il disputera une deuxième coupe du monde d'affilée et la sixième de son histoire s’il arrive à passer les barrages contre les Émirats arabes unis ou l’Australie. Et offrira ainsi à ses rivaux une équipe désormais aguerrie, vingt-deuxième au classement FIFA des nations, qui pourrait bien être un poison.

perouCrédit photo : RAUL SIFUENTES/Federacion Peruana de Futbol/AFP via Getty Images

Depuis 2018, le Pérou a fait du chemin et a gravi les échelons au sein de sa confédération sud-américaine. Finaliste malheureux de la Copa America 2019, la Blanquirroja a assumé son statut de vice-champion du continent en se hissant en demi-finale de l’édition 2021 puis en terminant cinquième de la zone CONMEBOL pour les qualifications au Mondial 2022. Comment ce pays a-t-il retrouvé son football ? Grâce à un homme, Ricardo Gareca. L’Argentin est arrivé en 2015 et il est le sélectionneur le plus longtemps en poste dans la région depuis le départ d’Óscar Tabárez de la sélection uruguayenne en 2021. Ricardo Gareca a donc eu le temps de façonner ce Pérou en lui rendant un style de jeu et une identité, le tout autour d’un collectif bien rodé et qui se connait parfaitement.

Pour cela, le sélectionneur s’appuie sur ses hommes sûrs qui l’accompagnent depuis parfois sept ans pour certains à l’image du gardien Pedro Gallese, des latéraux Luis Advíncula et Miguel Trauco, bien connu des Français puisqu’il évolue depuis deux ans à Saint-Étienne, les milieux Yoshimar Yotún et Renato Tapia ou encore le virevoltant Christian Cueva. La charnière centrale a sans doute été le chantier qui a mobilisé le plus d’hommes depuis 2018 avec au départ un solide duo composé de Christian Ramos et Alberto Rodríguez présents au Mondial progressivement remplacé par les tout aussi solides Alexandre Callens et Carlos Zambrano. Si l’attaque constituait le point fort de la Blanquirroja avec Jefferson Farfan et surtout Paolo Guerrero, meilleur buteur de l’histoire de la sélection, il est encore difficile de savoir si les deux compères seront de la partie. À trente-huit ans et avec des genoux qui sifflent, il serait peut-être plus sage d’emmener des joueurs plus jeunes. Le problème c’est que Ricardo Gareca n’a pas énormément de choix et doit s’appuyer sur son italo-péruvien, Gianluca Lapadula (vingt sélections, six buts) qui a connu sa première sélection à trente ans mais qui est vite devenu la star de l’équipe et l’idole des supporters par ses démonstrations d’amour envers le maillot en plus de ses buts souvent décisifs. Une attaque cependant un peu juste qui pourrait être le point faible de cette équipe à moins que les second couteaux Santiago Ormeño (dix sélections, aucun but) et Alex Valera (sept sélections, deux buts) ne se réveillent entre-temps. Ou lors d’un barrage que le pays aborde en favori, avant ensuite, d’envisager prendre sa revanche sur 2018.

 

 

Crédit photo une : KARIM JAAFAR/AFP via Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.