Avec une co-organisation qui se profile, les deux représentants du nord de la CONCACAF ont mené des politiques similaires. En misant sur l’avenir, ils n’ont cependant pas mis de côté leurs ambitions pour 2022.

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À quatre ans d’accueillir la planète football, les deux nordistes de la CONCACAF ont décidé de construire en s’appuyant sur des mécanismes communs : renforcer sa ligue locale, travailler sur l’avenir, bâtir une sélection mêlant expérience et jeunesse et déjà, obtenir des résultats. Le mécanisme est le même, mais justement, les fruits récoltés semblent pourtant bien différents.

Canada, la révélation

Vainqueur de sa phase éliminatoire, s’appuyant sur le développement fort de sa Canadian Premier League, qui a marqué le retour d’une compétition professionnelle au pays près de vingt après la fin de la Canadian Soccer League et qui renforce la construction d’un football de club aux côtés des géants de la MLS, et avec des joueurs vedettes qui sont déjà partis en Europe, le Canada a séduit tous les suiveurs de la CONCACAF. Les Rouges ont ainsi survolé le dernier tour des éliminatoires, dominant les deux géants de la zone (victoire à domicile, nul en déplacement), ne perdant que deux rencontres, les deux derniers déplacements alors que la qualification était jouée, et terminant surtout avec la meilleure attaque, la meilleure défense et surtout une vraie idée de jeu.

tajonPhoto : Vaughn Ridley/Getty Images

Pour cela, le Canada a mis en place une organisation parfaitement équilibrée, avec un 4-2-3-1 capable de passer en 4-4-2 en fonction de l’adversaire mais qui conserve solidité défensive et formidable capacité à faire mal en transition. Il s’appuie sur un groupe parfaitement construit et un joli mélange d’expérience (Atiba Hutchinson, près de vingt ans en sélection, s’approche du centenaire) et de jeunesse (treize joueurs ont moins de vingt-cinq ans). La clé est au milieu avec l’association de deux profils parfaitement complémentaires que sont la machine à récupérer et imposer de l’impact, Mark-Antony Kaye, et le maître du football, Stephen Eustáquio. Deux hommes forts et un réservoir important dans l’entrejeu, avec l’indispensable Samuel Piette, l’autre formidable créateur de jeu Jonathan Osorio et la nouvelle pépite qui a séduit avec Montréal, Ismaël Koné. Ce vaste choix permet à John Herdman d’offrir différents types de munitions à ses offensifs, lieu où le talent explose. Inutile de parler d’Alphonso Davies et de Jonathan David, les facteurs X, mais il ne faut pas oublier la jeunesse folle du perforateur Tajon Buchanan ou la formidable capacité à scorer du meilleur buteur de l’histoire de la sélection, Cyle Larin.

Certes, sur le papier, le Canada ne retrouve l’élite mondiale que pour la deuxième fois de son histoire, trente-six ans après la première et se retrouve à devoir apprendre à gérer l’aspect émotionnel d’une telle compétition. Mais John Herdman connait ces rendez-vous, lui qui a passé cinq ans à la tête des féminines néo-zélandaise, disputant deux Coupes du Monde, puis sept ans auprès des féminines canadiennes qu’il a emmenées à deux médailles olympiques. La sélection est bâtie pour exploser en 2026 mais attention, elle pourrait déjà marquer quelques esprits dès 2022.

pulisicPhoto : Julio Aguilar/Getty Images

États-Unis, l’inconstance

On pourrait décrire l’ambition et la stratégie américaine en termes similaires avec notamment un championnat fort, désormais une référence aux Amériques, et les meilleurs joueurs évoluant déjà en Europe. Mais à la différence du Canada, encore en phase de transition vers 2026, les USA ont choisi d’accélérer davantage les choses et se présentent au Qatar avec la formation la plus jeune de toute l’histoires des Teams USA présentées en phase finale de Coupe du Monde (25,2 ans de moyenne d’âge) et des hommes d’expérience qui sont, à l’exception de Sean Johnson, presque ou à peine trentenaires). La phase de qualification n’a pas été très difficile à gérer pour les hommes de Gregg Berhalter, qui n’ont par exemple pas encaissé le moindre but face au Mexique, même si comptablement parlant, elle se termine derrière le duo CanadaMexique, à égalité de points avec le Costa Rica. Et surtout, 2021/22 a été la saison de la triple victoire face au Mexique : en finale de Gold Cup, en tour de qualification et en Nations League. De quoi marquer les esprits. Sur le papier, Team USA déborde de talents, derrière sa grande étoile Christian Pulisic, avec une génération emmenée par Brenden Aaronson, Timothy Weah, Giovanni Reyna, Jesús Ferreira ou encore Yunus Musah. Mais il existe une grande différence entre les deux nordistes : si le Canada sait ce qu’il doit faire et ce qu’il fait, les questions tactiques demeurent sur les États-Unis.

À son arrivée, Gregg Berhalter a cherché à remettre en place son 4-2-3-1 époque Columbus Crew, avec un jeu de possession, ça a fini par évoluer vers du 4-3-3 et un jeu de transition et très vertical. Sa sélection s’appuie sur une force au milieu et dans les couloirs, imposant un pressing intense pour mieux bondir. Sur le papier, avec la liste des quelques joueurs livrés plus haut, Team USA a les moyens d’être dangereuse et pourrait renverser quelques montagnes. Mais elle a surtout montré trois limites, liées à son sélectionneur qui ne fait pas encore l’unanimité. D’une part des choix tactiques parfois douteux, avec des joueurs semblant ne pas savoir comment se positionner dans cet assemblage, ensuite par deux vrais chantiers restant encore en cours de construction : la défense centrale – encore plus avec les blessures de Miles Robinson et de Chris Richards – et surtout le poste d’avant-centre. N’ayant pas appelé à Ricardo Pepi en manque de temps de jeu depuis sont départ de Dallas – encore plus cette saison – Berhalter n’a pas un grand réservoir en termes de choix : Jesús Ferreira et Josh Sargent devraient se disputer le poste mais le premier n’a plus joué depuis un bon mois, le second revient de blessure. Enfin, cette équipe semble ne pas savoir comment gérer des blocs regroupés, souffre quand elle doit faire le jeu ou se heurte à une équipe parfaitement organisée (le Japon l’ayant montré lors de l’amical de septembre que les Samurai Blue ont remporté). Reste à savoir si ces carences pourront être gommées afin de montrer au futur pays-hôte qu’il est définitivement dans la bonne direction afin de viser encore plus haut en 2026.

 

 

Photo une : Vaughn Ridley/Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.