Après deux amicaux nord-américains peu convaincants, le double tenant du titre va aborder la Copa América 2019 en proie au doute. Au point que le cycle Rueda, qui vient à peine de débuter, pourrait ne pas y survivre.
Une défaite face au Mexique, un match nul sauvé face aux États-Unis, les deux derniers amicaux du Chili n’ont pas apporté de nouvelle joie mais au-delà du simple résultat, ont surtout mis en évidence une Roja qui se cherche encore et toujours alors qu’elle défendra sa double couronne dans à peine plus de deux mois au Brésil
Vaste chantier
Cinquante-huit joueurs, quarante-sept alignés sur le pré. Dire que Rueda a procédé à une vaste revue d’effectifs en six rassemblements est un doux euphémisme. Pourtant, si l’on s’en tient à la simple vérité du terrain, il semble que la transition générationnelle aussi souhaitée par certains qu’absolument inimaginable pour d’autres (voir plus bas), ne s’opère pas. Les cadres de la génération dorée sont encore très présents et le retour par exemple de Gonzalo Jara en défense centrale face aux Stars and Stripes tente à finalement démontrer que Rueda va s’appuyer sur ces glorieux « anciens » pour armer son Chili au Brésil. Le Colombien a ainsi rouvert la porte à Vargas et va devoir gérer le cas Claudio Bravo dont le nom revient alors que jusqu’ici l’une des rares certitudes de la Roja version Rueda était d’avoir installé Arias, champion d’Argentine, dans les buts. Pour le reste, si Guillermo Maripán est le seul joueur à avoir disputé l’ensemble des matchs, Rueda semble encore tâtonner comme l'illustrent les multiples schémas tactiques avec, par exemple et dernier en date, le retour de la défense à trois et d’un milieu surpeuplé de six joueurs. Le Chili ne semble pas avoir de véritable idée de jeu tant les prestations et les animations sont différentes à chaque sortie.
Lors du dernier amical, la défense à trois a montré quelques limites, se faisant souvent prendre sur la profondeur, notamment par les espaces laissés dans les couloirs. Reste à savoir si celle-ci était une simple expérimentation de plus ou une future idée directrice. Offensivement, si les couloirs jouent un rôle primordial, Isla et Opazo se montrant très offensifs face aux USA, le principal souci de ce Chili reste la solitude de Nicolás Castillo, même si la dernière rencontre semble avoir apporté quelques éléments de réponses à ce problème avec ce choix du milieu à six. Mais le principal changement du Chili sauce Rueda est qu’il tranche avec ses prédécesseurs dans son vertige. S’en est semble-t-il terminé de la pression haute, de la folle intensité. Si le Chili aime avoir encore le ballon, dans une mesure moindre de l’époque Sampa et même de l’époque Pizzi, il n’impose plus forcément un rythme effréné à ses rencontres et semble avoir perdu en verticalité (une verticalité que des profils à la Sánchez et Vargas apportaient). Difficile ainsi d’y voir encore très clair dans ce que sera le Chili lors de sa défense de titre au Brésil, le principal souci est qu’il semble surtout ne pas parvenir à véritablement rebondir et oublier la désillusion mondiale de 2018.
L’ère Rueda
Date |
Ville |
Stade |
Adversaire (score) |
Buteurs |
---|---|---|---|---|
24/03/2018 |
Stockholm |
Friends Arena |
Suède (2-1) |
Arturo Vidal (22') |
27/03/2018 |
Aalborg |
Aalborg Portland Park |
Danemark (0-0) |
|
31/05/2018 |
Graz |
Sportzentrum Graz-Weinzödl |
Roumanie (2-3) |
Guillermo Maripán (32') |
04/06/2018 |
Graz |
Merkur-Arena |
Serbie (1-0) |
Guillermo Maripán (88') |
08/06/2018 |
Poznań |
Miejski |
Pologne (2-2) |
Diego Valdés (38') |
11/09/2018 |
Suwon |
Suwon World Cup |
Corée du Sud (0-0) |
|
12/10/2018 |
Miami |
Hard Rock |
Pérou (0-3) |
|
16/10/2018 |
Querétaro |
Corregidora |
Mexique (1-0) |
Nicolás Castillo (89') |
16/11/2018 |
Rancagua |
El Teniente |
Costa Rica (2-3) |
Sebastián Vegas (70') |
20/11/2018 |
Temuco |
Germán Becker |
Honduras (4-1) |
Arturo Vidal (8', 35') |
22/03/2019 |
San Diego |
SDCCU |
Mexique (1-3) |
Nicolás Castillo (69') |
26/03/2019 |
Houston |
BBVA Compass Stadium |
USA (1-1) |
Óscar Opazo (9') |
L’ombre du doute
Car le principal souci qui se pose à Rueda et son Chili est une crise de confiance. Avec seulement quatre victoires en douze sorties et surtout une ligne directrice qui ne semble pas encore clairement établie, le sélectionneur colombien semble pris entre deux feux : celui de débuter son ère en offrant à la génération dorée une dernière compétition et celui de débuter le renouvellement générationnel dans le but de préparer la campagne de qualification à la Coupe du Monde 2022. C’est justement ce délicat équilibre qui ne semble pas être trouvé à l’issue de cette première année passée à la tête de la Roja. Que ce soit dans ses déclarations, qui oscillent entre ces deux positions, dans ses choix, sujet de toutes les critiques (notamment la gestion des cas Edu Vargas, dont l’association avec Alexis Sánchez a toujours été l’un des points fort de l’attaque chilienne, Marcelo Díaz, l’un des hommes clés dans le titre du Racing en Argentine et qui a souvent été essentiel avec la Roja, et la polémique Claudio Bravo, capitaine leader de la Roja victorieuse, meilleur gardien des deux dernières Copa América et de la Coupe des Confédérations 2017) ou dans le climat général, rien n’inspire à de grandes espérances. D’autant que c’est tout un pays qui ne sait finalement pas sur quel pied danser, pris entre ces deux courants. À l’image des récentes déclarations de Sebastián Moreno, président de la ANFP, qui affirme cette semaine que « lors de l’embauche de Reinaldo Rueda était de travailler en vue des éliminatoires pour le Qatar » avant cependant d’ajouter « l’évaluation de ce travail se fera au regard de grandes performances à commencer par la Copa América ». Et de conclure : « nous analyserons le bon et le moins bon une fois la Copa América terminée ».
Autant dire que Rueda, qui a toujours eu besoin de temps pour imposer sa méthode, n’en aura pas à la tête d’un Chili qui doit désormais vivre sous pression permanente, celle d’un champion sortant, et doit ainsi apprendre à construire dans un tel climat. Les derniers jours, marqués notamment par les rumeurs Dudamel et Quinteros comme candidats à son remplacement, n’ont clairement pas apporté une once de calme et mis en évidence que le Chili de 2019 est totalement schizophrène, pris entre l’envie de se projeter vers l’avenir (2022) et donc la nécessité de s’appuyer sur une nouvelle génération qui peine cependant à éclore (il suffit de voir les « performances » des équipes de jeunes pour s’en convaincre), et celle de devoir défendre une double couronne obtenue grâce à une génération dorée à qui le pays ne parvient pas à dire véritablement adieu mais dont la sélection ne semble sportivement parlant pas capable de se passer. « Tout dépend de nous », avait affirmé Rueda à son arrivée, « si nous nous unissons, nous reviendrons rapidement, mais si nous sommes divisés, nous perdrons tout ». Et malheureusement pour le technicien colombien, après un an passé à la tête de la Roja, la division n’a jamais été aussi grande.