Les championnats de football belge et néerlandais se portent mal depuis le début des années 2000. Une solution pour relever le niveau et pour concurrencer les autres grands championnats européens a été proposée pour les championnats masculins : la création de la BeNe League, une fusion des deux championnats nationaux. A défaut de s'être appliqué pour les hommes, ce sont les filles qui ont inauguré ce premier championnat européen regroupant deux pays différents.

La genèse du projet

En 1996, le président d'Anderlecht, Michel Verschueren, est le premier à émettre l'hypothèse de la création de cette compétition. A l’époque, il souhaitait augmenter les droits TV s'élevant alors à 50 millions de francs belges. L'idée fut ensuite soumise à l'UEFA en 2003 par l'intermédiaire du président du PSV Eindhoven, Harry van Raaij. L’association déclina cette initiative. En 2006, un très grand nom du football hollandais, Marco Van Basten, alors sélectionneur des Pays-Bas, reprend l'idée en déclarant : « Je pense que les Pays-Bas et la Belgique devraient organiser conjointement une seule compétition. » Six ans plus tard, le sujet refait surface sous l’impulsion du patron du Standard de Liège, Roland Duchâtelet qui déclarait alors : « Sans la mise sur pied de cette compétition [la BeNe League], le foot belge mourra de sa belle mort ». Il avait même menacé de rejoindre la Ligue 1 si le projet n'était pas mis sur pied.

Tous ses grands noms du football belge ou néerlandais ont avancé le manque d'argent qui empêche les clubs de retenir leurs meilleurs joueurs face aux grands championnats européens (Première League, Serie A, Liga, Bundesliga) qui « saignent à blanc » la Jupiler League et l'Eredivisie selon van Basten. Ce dernier ajoutait, pour confirmer cette fuite des talents, « Lorsque je jouais, il y avait cinq Néerlandais qui jouaient à l'étranger. Maintenant, il y en a cinquante et ce n'est pas bien ».

L'objectif était donc clair : augmenter les retombés économiques et relever le niveau global des clubs belges et néerlandais pour ainsi concurrencer les grands championnats. Pour y répondre, la BeNe League devait se composer des meilleurs clubs belges (Anderlecht, Bruges, Genk, Gand, Standard de Liège) et des meilleurs clubs néerlandais (Ajax Amsterdam, Vitesse Arnhem, AZ Alkmaar, PSV Eindhoven, Feyenoord). Duchâtelet apportait même des nombres précis : 8 clubs belges et 12 clubs néerlandais. Ces clubs auraient été sélectionnés après une saison de « qualification ».

Roland Duchâtelet annonçait alors qu’Anderlecht, Bruges, Ajax Amsterdam et PSV Eindhoven étaient d'accord pour créer cette nouvelle compétition. Tout semblait enfin sur les bons rails. Sauf que peu de temps après, Marc Overmars, directeur technique de l'Ajax, lance une bombe : « Cela fait six mois que je travaille au club et jamais je n'ai entendu parler de ce projet. Il n'a jamais été évoqué au club. La BeNe League ne nous intéresse pas ». Au même moment, une enquête de Voetbal International met en avant que sur les 18 clubs qui composent l'Eredivisie, 12 sont contre la création du nouveau championnat, 5 sont réticents tandis que le VVV Venlo est le seul club à être pour. Duchâtelet se retrouve alors isolé. Le soutien ne viendra pas non plus du « père spirituel » de la BeNe League, puisque Michel Verschueren porte le coup fatal à Duchâtelet dans Laatse Nieuws : « J'avais lancé l'idée d'une BeNe League en 1996. Les droits télés étaient à l'époque de 50 millions de francs belges. Aujourd'hui, Telenet paie 53 millions d'euros ». De quoi balayer l'argument des droits TV. Mais le président d'Anderlecht poursuivait : « Nos clubs se sont hissés à la 11e place au classement UEFA et le champion est directement qualifié pour la phase des groupes de la Champions League. Comment peut-on dès lors raisonnablement affirmer que notre football est en crise ? ». Quasiment enterrée chez les hommes, la BeNe League renait chez les femmes.

L’installation de la BeNe League féminine

En 2011, la BeNe SuperCup est mise sur pied. Elle oppose le champion des Pays-Bas au champion de Belgique sur un seul match. Le 10 décembre 2011, l'Union royale belge des sociétés de football association donne son accord pour la création de la BeNe League et la fédération néerlandaise (KNVB) donne le sien le 13 février 2012. Le 23 mars 2012 c’est au tour de l’UEFA de donner son feu vert à la création de la BeNe Leage pour la saison 2012-2013. Ceci met fin à la BeNe SuperCup après deux éditions remportées par le Standard de Liège. Suite à la mise en place de la BeNe League, deux grands clubs masculins du football néerlandais décident de créer leur section féminine, l'Ajax Amsterdam et le PSV Eindhoven, pour ainsi prendre part à ce nouveau championnat, unique en Europe.

La première édition de la BeNe League féminine voit les deux championnats belges et néerlandais se dérouler séparément avec huit clubs par pays. A l'issue de la première partie de la saison, les quatre meilleures équipes de chaque championnat sont reversées en BeNe League A tandis que les autres jouent la BeNe League B. Pour la saison 2013-2014, les 16 clubs sont réunis dans la même division, la « véritable » BeNe League est enfin lancée. En ce qui concerne la Champions League, pour la saison 2012-2013, le club belge et le club néerlandais le mieux classé de la BeNe League A sont qualifiés et pour la saison 2013-2014, la poule unique ne change pas les modalités, le meilleur de chaque pays est qualifié. A noter que la première édition, saison 2012-2013, est remportée par  le FC Twente devant le Standard de Liège.

L'échec de la BeNe League féminine

Après une année d'installation, la saison 2013-2014 de BeNe League pouvait se dérouler au format final prévu c'est à dire un championnat de 16 clubs. C’était sans compter l’arrivée des premiers problèmes économiques. Avant le début de la compétition, le club belge de Saint-Trond doit déclarer forfait. Le championnat débute à 15 équipes avant d’être réduit à 14 avec le forfait du FC Utrecht, en faillite, en janvier 2014. Le championnat se poursuit et arrive à son terme avec 14 clubs pour une nouvelle victoire du FC Twente, devant le Standard de Liège. En juillet 2014, les fédérations belges et néerlandaises manifestent leur envie de poursuivre ce championnat pour trois nouvelles années. Mais la saison 2014-2015 commence avec un nouveau coup dur pour la jeune BeNe League : le club belge d’Antwerp doit lui aussi la quitter pour raisons financières. La saison se déroule avec 13 clubs, les mêmes que la saison précédentes. C’est alors qu’en milieu de championnat, le 22 décembre 2014 que le couperet tombe pour la BeNe League. Les négociations entre les clubs néerlandais et la KNVB au sujet du financement des clubs néerlandais pour les saisons à venir n’ont pas abouti. Il est donc décidé que les deux pays organiseront, à partir de 2015-2016 un championnat chacun. La BeNe League féminine est morte avant même d’avoir pu décoller.

Paul Allaerts, Executive Director Sports de l'Union belge, ne cachait pas sa déception après cette annonce : « Nous déplorons la fin de la BeNe League, qui était un catalyseur pour la professionnalisation de nos clubs ». Il estimait que cette compétition avait fait évoluer dans le bon sens le niveau du football féminin belge mais il était tout de même confiant pour l’avenir : « Nous sommes cependant convaincus d’être maintenant assez forts pour améliorer la professionnalisation du football féminin grâce à un championnat d’élite dans notre propre pays, et ce, en collaborant encore mieux avec l’URBSFA ».

La BeNe League féminine s’est clôturée en mai 2015 par la victoire du Standard de Liège devant le FC Twente. Désormais, les clubs belges et néerlandais ont retrouvé leur propre championnat. Cet échec sur fond de problèmes économiques n’est pas une bonne nouvelle pour les défenseurs de ce projet dans le football masculin. Sa mort prématurée chez les filles montre que les contraintes (notamment économiques) pesant sur une telle compétition font que la BeNe League chez les hommes ne restera sans doute qu’un doux rêve pour ses créateurs.

Baptiste Mourigal
Baptiste Mourigal
Rédacteur Asie, spécialisé Corée du Sud (K League, KFA) à suivre sur @KleagueFR