Péruvien d’origine espagnole, Pedro Aicart Iniesta fait partie des péruviens qui ont porté le maillot du FC Barcelone. Le premier Iniesta du Barça n’a certes pas marqué l’histoire du club blaugrana, mais sa carrière en fait l’un des principaux témoins de l’histoire de football péruvien et catalan.

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Impossible de nos jours de ne pas associer Iniesta et FC Barcelone tant l’actuel capitaine des Blaugrana restera dans l’histoire du club. Pourtant, il y a près de 40 ans, alors que la Catalogne s’apprête à s’embraser pour le nouveau Barça d’un certain Cruijff, elle va aussi brièvement découvrir un autre Iniesta. Le premier du club.

Lancé grâce à une tournée en Europe

Pedro Aicart Iniesta né en Bolivie en 1952 et est le deuxième fils de Pedro Aicart et de Josefa Iniesta, couple de catalans ayant fui la guerre civile espagnole de 1936 qui vont s’installer un temps en Bolivie avant, après une étape en Argentine, de se poser au Pérou, à Lima. Près de 20 ans plus tard, le rapide ailier droit fait ses débuts avec Universitario, club dans lequel il a été formé. C’est alors qu’il va connaître la première grande émotion de sa carrière : la Copa Libertadores 1972.

Héctor Chumpitaz, Juan José Muñante, Percy Rojas, Héctor Bailetti ou encore Oswaldo Cachito Ramírez. En 1972, Universitario dispose d’une équipe qui pour beaucoup reste la meilleure de l’histoire du club, son duel avec l’Alianza Lima de Teófilo Cubillas et Hugo Sotil marquant une époque, l’association des meilleurs joueurs de ces deux équipes formant la plus belle sélection péruvienne de l’histoire. Champions en 1971, les Cremas se retrouvent en Libertadores 1972, croisant au premier tour leur rival local mais aussi les chiliens de San Felipe et Universidad de Chile. Le lendemain de la qualification pour le groupe des demi-finales acquise, Rafael Quirós Salina, président de la U, demande à la fédération de pouvoir conserver ses meilleurs joueurs pour la suite, la sélection péruvienne, alors dirigée par le hongrois Lajos Baróti s’envolant pour effectuer une tournée en Europe qui sera fatale au coach européen. Le refus de la fédération prive alors Roberto Scarone, coach crema (et accessoirement futur sélectionneur national), de cinq éléments : Héctor Chumpitaz, Félix Salinas, Juan José Muñante, Percy Rojas et Héctor Bailetti. Le coach uruguayen va alors devoir s’adapter, modifier son plan de jeu, troquant son 4-2-4 sauce Brésil 1970 pour un 4-3-3, et faire appel aux « réservistes » parmi lesquels se trouve Pedro Aicart Iniesta.

Il entre en jeu lors du deuxième match disputé à Lima face au champion en titre et champion du monde, le grand Nacional. Sur son côté droit, sa vitesse et sa grande capacité d’élimination affole la défense du Bolso qui finit par exploser. Universitario s’impose 3-0, doublé de Vilchez et but de Cachito Ramírez. Deux exploits plus tard, deux nuls ramenés de Montevideo en quatre jours (auxquels Aicart Iniesta participe), les Cremas réussissent alors ce qu’aucun club péruvien n’avait réalisé : se qualifier pour une finale de Libertadores. Ce double affrontement face à Independiente, Pedro Aicart Iniesta ne le jouera pas. L’encadrement technique vient en effet annoncer la nouvelle aux réservistes : « Les enfants, la sélection rentre demain. Un par un, ils nous ont appelé et nous ont raccompagné chez nous. Nous avons suivi la finale à la radio. » Si la frustration de se voir relégué au rang de simple témoin d’un des grands moments de l’histoire du football péruvien existe, ce qu’il ne sait pas encore, c’est que ses quelques minutes disputées à Lima en Libertadores vont changer le cours de sa carrière.

Avec Cruijff et Sotil dans le nouveau Barça

Le 14 avril 1972, au moment où Universitario écrase le Nacional à l’Estadio Nacional, les dirigeants du FC Barcelone sont à Lima, tentant d’arracher Teófilo Cubillas. En vain. Mais les dirigeants blaugranas ne repartiront pas les mains vides puisqu’ils s’offrent l’autre pépite Hugo Sotil. Assistant au match opposant Cremas et Bolsos, ils sont alors conquis par ce petit ailier droit vif et technique et souhaitent l’enrôler. « L’émissaire du Barça a discuté avec mon père et nous sommes partis. Rendez-vous compte. Je n’avais qu’une petite année de Primera Division et j’étais engagé par le FC Barcelone ! Je devais faire un essai. J’ai joué un match amical face à Arsenal au Camp Nou et ils m’ont gardé. J’étais dans un autre monde. »

Un autre monde, celui d’un nouveau Barça, celui qui, pour les péruviens reste celui de Cholo Sotil quand pour l’Europe il est celui de Cruijff. Aicart Iniesta est le témoin de la naissance de ce nouveau Barça qui retrouve le titre après plus d’une décennie d’attente et qui découvre alors celui qui changera son histoire. Il racontera plus tard l’honneur que fut pour lui que de partager le vestiaire d’un Cruijff « élégant, correct, un Monsieur. Il était évident qu’il serait plus qu’un simple footballeur au Barça », qu’il était dans les tribunes le jour de la leçon donnée au Real (victoire 5-0), décrivant alors le jeu de Sotil « un rythme de tango, très différent de la vitesse d’aujourd’hui ». Témoin privilégié, il participe à cinq matchs à leurs côtés, tous amicaux (contre Salamanca, Osasuna, Atlético de Madrid, Zaragoza et Gijón) après avoir dû lutter contre les soucis administratifs qui le privaient de compétition officielle pendant plusieurs mois. Au cours de sa première saison, Pedro Aicart Iniesta est prêté à Alicante, inscrivant le but de la victoire face à Osasuna lors du match pour la montée en Primera Division et remporte le titre de champion d’Espagne avec le Barça. Il y revient la saison suivante mais se retrouve confiné au Barcelona Atlético, équipe filiale qui deviendra Barça B dans les années 90 avant d’être transféré à Málaga puis de rentrer au pays, passant par Juan Aurich avant une dernière pige avec son Universitario (décrochant au passage un dernier titre).

S’il n’a aucun lien officiel avec un autre Iniesta devenu de son côté légende en Catalogne « j’ai cru comprendre qu’il y a peu d’Iniesta en Espagne, mais sa famille est d’Almeria, la mienne vient de Murcie », Pedro Aicart Iniesta n’est certainement pas entré dans l’histoire du club blaugrana mais restera attaché au club catalan jusqu’au bout, étant même membre d’honneur de la Peña Blaugrana de Lima. De ses débuts dans un Universitario aux côtés des futures légendes péruviennes à son arrivée en Europe dans un Barça qui s’apprête à vivre la révolution Cruijff, l’autre Iniesta aura beau n'avoir été qu'un homme de l’ombre, il restera un témoin particulier de l’histoire du football. Il s’éteindra trop tôt, à l’âge de 61 ans, victime d’un arrêt cardiaque alors qu’il tapait dans un ballon sur les terrains de Trujillo.

 
Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.