En 1973, Pelé atteint pour la dernière fois de sa carrière la finale du championnat paulista. Au sein d'un championnat très relevé, Santos s'impose au terme d'un final rocambolesque. Le dernier titre de Pelé avec Santos.

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L'heure de la retraite approche

En 1973, Pelé s'approche des 33 ans, et s'il est encore en forme physiquement, il semble s'approcher de la retraite, lassé par l'enchaînement des matchs. Santos profite une dernière fois de son phénomène avec une nouvelle tournée, en Asie, en Afrique, et en Europe, où Pelé foule la pelouse du Parc Lescure. Face aux Girondins de Bordeaux, le Roi offre un but à Alcindo avant de marquer lui-même d'une reprise de volée du gauche. Mené 2-0, Bordeaux arrache finalement le match nul face à la grande équipe de Santos. Car si Santos n'est plus les Santásticos de 1962-1963 ou la Máquina de 1968, le Santos version 1973 s'appuie sur quatre champions du monde. En plus de Pelé, le Peixe compte dans ses rangs Carlos Alberto, Clodoaldo et Edu, mais aussi Marinho Peres, défenseur titulaire lors de la Coupe du monde 1974, et Jair da Costa, double vainqueur de la Coupe des clubs champions avec l'Inter Milan. Pour entraîner cette équipe, une figure bien connue de Santos : Pepe. L'ancien ailier gauche aux 750 matchs et 405 buts pour Santos prend sa retraite en 1969 puis entraîne les jeunes de Santos avant de prendre la tête de l'équipe première en 1973.

Une grande équipe est nécessaire pour espérer remporter le championnat paulista, auquel Santos court après depuis son triplé entre 1967 et 1969. Car la concurrence est féroce, avec notamment São Paulo, champion en 1970 et 1971 avec des joueurs comme Gérson, les Uruguayens Pablo Forlán (père de) et Pedro Rocha, ainsi que Toninho Guerreiro, l'ancien partenaire de Pelé devenant ainsi le premier joueur à remporter cinq championnats paulistas consécutifs. Le Corinthians n'a plus gagné le championnat de São Paulo depuis 1954 mais est redoutable avec Zé Maria, Mirandinha et surtout Rivelino. D'autres équipes peuvent être mentionnées comme la Ponte Preta de Waldir Peres et ses trois Coupes du monde disputées, le Guarani d’Amaral et ses 56 caps avec la Seleção ou encore la Portuguesa de Dicá. Cependant, le favori se nomme Palmeiras. Vainqueur du Paulista 1972 qu'il remporte en ne perdant aucun de ses 34 matchs, le Verdão enchaîne avec le Brasileirão 1972 avec seulement 4 défaites en 30 matchs. C'est la naissance de la Segunda Academia, aussi glorieuse que ses aînés, seule équipe à résister au Santos de Pelé, avec dans les buts Emerson Leão, le meilleur gardien du Brésil, Luís Pereira en patron de la défense, un trio d'exception au milieu avec Dudu, Leivinha et surtout Ademir, le Divin, le plus grand joueur de l'histoire du Palmeiras. En attaque, le duo César – Nei peut faire trembler n'importe quelle défense.

Un début de championnat réussi, entrecoupé d'une tournée américaine

Santos remporte le premier tour du Paulista avec huit victoires et trois matchs nuls en onze matchs. Pelé prend part à neuf matchs et marque huit buts, dont un doublé contre le Corinthians balayé 3-0 et le seul but de Santos lors du 1-1 contre Palmeiras. Lors du dernier match, Santos bat la Ponte Preta 5-1 avec un doublé de Pelé et un triplé d'Euzébio. Qualifié de fait pour la finale, Santos part une nouvelle fois en tournée, aux États-Unis. Pelé prend part aux dix matchs disputés par Santos en moins d'un mois, dans neuf villes différentes à travers tout le pays. Pelé marque à chaque match, avec notamment un doublé contre la Lazio de Chinaglia qu'il retrouvera plus tard au Cosmos de New-York, pour un total de 14 buts. Avec Pelé, l'exceptionnel devient banal. De retour au Brésil pour le second tour du championnat paulista, Pelé ouvre son compteur but dès le premier match, contre Botafogo-SP. Déjà qualifié pour la finale, Santos termine cinquième de cette phase remportée par la Portuguesa. Pelé dispute neuf matchs pour trois buts, dont un contre sa victime favorite, le Corinthians, contre qui il marque 50 buts en 49 matchs au cours de sa carrière.

Santos affronte donc la Portuguesa pour la finale du championnat paulista 1973. À l'aller, Santos s'était imposé 1-0 et au retour, la Portuguesa avait pris sa revanche sur le même score. Balle au centre. Pour ce match, le défenseur de Santos, Marinho Peres, est forfait après une blessure en s'entraînant aux tirs au but. L'entraîneur Pepe lui demande d'effectuer le voyage avec l'équipe, car Marinho Peres a joué quatre ans à la Portuguesa. Si Santos est favori pour ce match, la Portuguesa n'est pas là par hasard. Son milieu de terrain s'appuie sur Badeco et Basílio, qui fera plus tard le bonheur du Corinthians. En attaque, Eséas, 19 ans à l'époque, deviendra le deuxième meilleur buteur de l'histoire du club. Il meurt à 34 ans suite à un accident de voiture. Sur le banc de la Portuguesa, un visage bien connu de Pelé : Otto Glória. L'entraîneur brésilien est à la tête de la sélection du Portugal qui termine troisième de la Coupe du monde 1966. Surtout, c'est lui qui met en place le plan anti-Pelé lorsque le Brésil affronte le Portugal au premier tour pour le match décisif. Morais s'occupe plus des jambes de Pelé que du ballon et le Roi termine le match – et la Coupe du monde – en boitant.

Une finale ennuyeuse, un final incroyable

Ce 26 août 1973, 116 156 personnes se pressent au Morumbi pour assister à la finale. Aucune des deux équipes ne parvient à faire la différence et après 120 minutes de jeu, le vainqueur sera désigné après une séance de tirs au but. Rappelons que les tirs au but n'existent que depuis 1970, et que c'est la première finale du Paulista à se décider de cette façon. L'arbitre du match est Armando Marques, qui, deux ans plus tôt, avait annulé un but de la tête de Leivinha pour une supposée main, permettant au São Paulo de remporter le Paulista 1971. Zé Carlos, l'arrière gauche de Santos, est le premier à s'élancer dans cette séance de tirs au but. Le premier à rater également, mais il est rapidement imité par Isidoro. Carlos Alberto débloque enfin la séance pour Santos alors que Calegari rate pour la Portuguesa. Edu permet ensuite à Santos de mener 2-0. La tension est alors à son comble et Wilsinho est le troisième joueur de la Portuguesa à manquer sa tentative. 2-0 toujours pour Santos, il reste deux tireurs de chaque côté. Pelé doit être le prochain joueur à s'élancer et peut offrir le titre à Santos. Du moins, en théorie. Car dans la précipitation, l'arbitre Armando Marques déclare Santos vainqueur. La série de ratés de la Lusa est telle que tout le monde pense que Santos a effectivement remporté le championnat. Les joueurs de la Portuguesa sont les premiers à s'apercevoir de l'erreur, et plutôt que de le signaler à l'arbitre, ils rentrent vite aux vestiaires et se dépêchent de quitter le stade. Quand l'arbitre s'aperçoit de son erreur, il est trop tard, la Portuguesa a déjà porté réclamation et espère une décision plus favorable qu'une séance de tirs au but très mal embarquée. 

Le lendemain, le président de la fédération de São Paulo, José Ermírio de Moraes, réunit les dirigeants des deux équipes pour trouver un arrangement mais se retrouve rapidement dans l'impasse. Il est impossible de faire rejouer le match, le championnat national commençant dans seulement trois jours. Finalement, comme aucune autre équipe a été désavantagée par cette erreur, les deux équipes sont déclarées co-championnes du Paulista 1973. Et ainsi, Pelé remporte le dixième et dernier championnat paulista de sa carrière. Avec 11 buts dans le tournoi, Pelé remporte une nouvelle fois le titre de meilleur buteur, une première pour lui depuis 1969. Meilleur buteur à chaque édition du championnat de 1957 à 1965, Pelé est sacré artilheiro pour la onzième fois de sa carrière. Il ajoutera un but lors du Paulista 1974, portant ses statistiques dans la compétition à 470 buts en 412 matchs… Ce match contre la Portuguesa est aussi le début d'une série inhabituelle pour Pelé : pendant huit matchs, il ne trouve pas le chemin des filets. Pelé avait connu une telle série une seule fois dans sa carrière, en 1970, et y met fin de la meilleure des manières, avec un triplé contre América-RN dans le Brasileirão 1973. Malgré 19 buts de Pelé, à seulement deux buts du meilleur buteur du championnat, Ramón, Santos échoue aux portes des demi-finales du Brasileirão, remporté par Palmeiras.

Fin de carrière à Santos

En plein milieu du championnat, Santos s'envole pour le Chili pour un match amical contre la sélection nationale. Le contexte est tendu. Ce jour même, le 21 novembre 1973, le match de barrage qualificatif pour la Coupe du monde 1974 était prévu contre l'URSS au stade Nacional de Santiago. Pour protester contre la dictature de Pinochet, l'URSS refuse de se rendre au stade Nacional, enceinte utilisée comme un camp de concentration où les opposants sont torturés et assassinés. Santos accepte de s'y rendre pour 30 000 dollars. Sans Pelé, qui feint une blessure, le Peixe inflige un moment gênant à Pinochet et au Chili qui vient de se qualifier pour la Coupe du monde, en « battant » l'URSS à onze contre zéro (lire L’autre histoire de l’Estadio Nacional). Santos ne laisse aucune chance au Chili et s'impose 5-0. Complaisant envers le régime de Pinochet en acceptant de jouer ce match ou vengeur du peuple chilien avec cette large victoire, chacun se fera son avis sur ce Santos.

Un mois plus tard, Pelé dispute le jubilé de Garrincha au Maracanã, un match arbitré par Armando Marques, arbitre de la fameuse finale du Paulista 1973. Devant plus de 150 000 fans, cinq minutes après la sortie en triomphe de Garrincha, Pelé dribble cinq joueurs avant de tromper le gardien argentin Andrada, contre qui il avait marqué le 1000e but de sa carrière. Pelé et Garrincha, une dernière fois ensemble sur un terrain, au Maracanã. Deux génies dans un style différent, entre un Pelé qui a très vite compris les rouages du business et Garrincha qui a décidé de brûler la chandelle par les deux bouts. Entre les deux, il existe pourtant une amitié sincère, née en Suède en 1958 quand Pelé avait 17 ans, en plus de faire le bonheur des Brésiliens et de la Seleção puisque ces deux-là n'ont jamais perdu un match lorsqu'ils évoluaient ensemble sous le maillot du Brésil.

Deux semaines seulement après le dernier match du Brasileirão 1973 entre São Paulo et Palmeiras, le championnat 1974 démarre, par une défaite pour Santos. Lors du premier tour, Santos gifle le double tenant du titre Palmeiras 4-0 (avec un but et une passe décisive de Pelé) et se qualifie pour le tour suivant, une poule de six où il faut terminer premier pour voir le tour final. Pelé dispute un seul match mais grâce notamment à Cláudio Adão, Santos parvient à se hisser parmi les quatre finalistes, avec Vasco, l'Internacional et Cruzeiro. Pelé, remis sur pieds pour le premier match du tour final, égalise au Maracanã face au Vasco à la 75e mais un but de Roberto Dinamite en fin de match vient contrarier les plans du Peixe. Santos s'impose ensuite 2-1 contre l'Internacional, mais quatre jours plus tard au Morumbi, dans un match arbitré par Armando Marques, toujours lui, Santos s'incline 3-1 contre Cruzeiro et est éliminé. Avec 9 buts en 17 matchs, Pelé a été très satisfaisant, mais jamais il ne remportera le Brasileirão, compétition créée en 1971. 

 

Santos s'envole ensuite pour Cadix et l'Espagne afin de disputer le tournoi Ramón de Carranza, l'un des plus prestigieux tournois d'avant-saison. Disputé entre seulement quatre équipes où les deux vainqueurs des demi-finales s'affrontent en finale, ce tournoi réunit les plus belles équipes du monde. Lors des cinq éditions précédentes, des clubs comme le Real Madrid, le Barça, l'Atlético Madrid, l'Athletic Bilbao, Valence, mais aussi le Milan AC, la Juventus, l'Ajax Amsterdam, le Bayern Munich, Benfica, ou encore Peñarol, Estudiantes, Independiente, Palmeiras et Botafogo ont posé leurs valises à Cadix. Que du lourd. Le tournoi 1974 ne déroge pas à la règle avec le Barça de Cruijff, vainqueur du championnat espagnol 1974, l'Espanyol de Barcelone, troisième du championnat espagnol 1973, Palmeiras, vainqueur du Brasileirão en 1972 et 1973, et le Santos de Pelé, vainqueur du Paulista 1973. Santos s'incline dès la demi-finale, 2-0 contre l'Espanyol de Barcelone, avant de perdre également le match pour la troisième place. Le Barça mène 4-0, avec un doublé de la nouvelle recrue, le Néerlandais Johan Neeskens. Pelé réduit le score en fin de match sur penalty mais Santos s'incline 4-1. D'autres grandes équipes sont passées par là, quelques mois plus tôt, le Real Madrid s'inclinait 5-0 au stade Bernabeu… Santos quitte l'Espagne après un dernier match contre le Real Saragosse, où Pelé inscrit un doublé dans la victoire 3-2. Un départ sans Marinho Peres, qui rejoint le Barça après une bonne Coupe du monde en Allemagne. De retour au Brésil, Santos dispute le championnat paulista mais échouera à se qualifier pour la finale, en terminant troisième des deux premiers tours. Pelé marque ses deux derniers buts en carrière contre Guarani, le 22 septembre. Une magnifique frappe de 25 mètres en lucarne, puis un penalty qu'il a lui-même provoqué. Le Roi dispute le dernier match de sa carrière contre la Ponte Preta, le 2 octobre, lui permettant d'atteindre les 1116 matchs avec Santos pour 1091 buts. Pelé prend sa retraite avant de retrouver huit mois plus tard les terrains, du côté des États-Unis et du Cosmos de New-York.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.