Ce jeudi, l’Argentine retiendra son souffle et tournera ses regards vers la mythique Bombonera. L’Albiceleste de Jorge Sampaoli jouera une grande partie de son avenir face à un adversaire, le Pérou qui peut faire un grand pas vers la qualification en cas de résultat positif. De la Bombonera à Gareca en passant par Palermo et Maradona, Argentine – Pérou, c’est surtout une histoire où se mêlent exploits et destins croisés.

Affronter le Pérou est toujours une affaire de grandes histoires pour l’Argentine. Des tragédies comme le match aux 300 morts de 1964 en passant par le célèbre Argentine – Pérou de 1978 et ses suspicions pour la face obscure, la partie purement sportive est celle des instants de légende ayant marqué les deux sélections. Ce jeudi, pour la quatrième fois de l’histoire des éliminatoires, l’Albiceleste jouera son avenir face à la Blanquirroja. Là où tout a commencé, à la Bombonera.

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1969 : le Pérou éteint la Bombonera

L’Argentine de la fin des années 60 est celle de la dictature de Juan Carlos Onganía qui depuis 1966 ne cesse d’intervenir sur l’AFA, quatre gestionnaires vont se succéder en 1969 à sa tête : Armando Ramos Ruiz, Aldo Porri, Oscar Ferrari et Juan Martín Oneto Gaona. En janvier, Ruiz nomme Humberto Maschio, ancienne gloire de son club, le Racing, à la tête de la sélection avec pour mission de la qualifier pour le Mundial mexicain. Pour cela, l’Argentine dispute une série de matchs amicaux, face au Paraguay et au Chili. Le résultat est tellement catastrophique qu’à un mois du début de la campagne de qualification, Maschio et Ruiz quittent le navire. Aldo Porri prend donc le relai à l’AFA, il nomme Adolfo Pedernera à la tête de la sélection. L’Argentine est placée dans le groupe 1 des qualifications sud-américaines avec la Bolivie et le Pérou. Rien d’insurmontable sur le papier à condition de bien gérer les déplacements. Mais l’Argentine se rate. Battue 3-1 à La Paz, elle tombe ensuite à Lima. Sa chance est que la Bolivie s’est imposée face au Pérou à La Paz et que le Pérou a gagné au retour chez lui. A l’heure de devoir accueillir les deux adversaires du groupe, l’Argentine a donc son destin en main, deux victoires lui offrant un barrage à trois. Il faut pour cela gagner les deux matchs. Le 24 août, l’Albiceleste gagne face à la Bolivie, ne lui reste alors plus qu’à s’imposer face au Pérou. Le 31 août, la Bombonera accueille cette rencontre décisive. À la tête de la sélection péruvienne, Didi s’appuie sur une nouvelle génération de joueurs au sein desquels figurent deux futures légendes, Héctor Chumpitaz et Teófilo Cubillas. Le Brésilien a préparé ses joueurs, il leur demande de sortir les premiers sur le terrain et lance Oswaldo Cachito Ramírez qui jusqu’ici n’avait pas disputé le moindre match de qualification. Il sera le héros du match, inscrivant un doublé qui permet au Pérou de décrocher un résultat nul qui lui assure la première place et ainsi la qualification pour le Mexique. Cachito aura ainsi éteint une Bombonera qui ne retrouvera la sélection pour un match éliminatoire que 28 ans plus tard…pour un nouveau résultat nul (1-1 face à la Colombie).

1985 : Quand Gareca élimine le Pérou

30 Juin 1985. Une semaine après être tombée à Lima face au Pérou, l’Argentine de Carlos Bilardo est fortement critiquée pour son absence de jeu. Emmenée par un certain Diego Maradona propulsé messie de l’Albiceleste, elle éprouve toutes peines du monde à se défaire de son groupe de qualification. Pour preuve, la défaite de Lima, marquée notamment par le duel Luis Reyna – Diego Maradona, le milieu péruvien passant 90 minutes à suivre Diego partout où il se déplaçait avec ou sans ballon, place l’Argentine en situation inconfortable à l’heure d’accueillir le Pérou. Si les hommes de Roberto Challe, présent en tant que joueur en 1969, venaient à ne pas perdre au Monumental, l’Argentine ne verra pas le Mundial mexicain de 1986. Alors le Pérou vient pour blinder. Challe pose un 4-4-1-1 qui laisse Barbadillo seul en pointe. Le plan de Challe est perturbé par l’agression de Julián Camino sur Franco Navarro dès la troisième minute de jeu qui brise tibia et péroné du Péruvien du DIM. La Batalla de Buenos Aires est lancée. L’Argentine presse, Maradona tente de se sortir de son deuxième duel avec Reyna et est à l’origine du premier but sur la première fois qu’il se défait de son adversaire, son centre trouvant Pasculli. L’Argentine mène alors 1-0 dès la fin du premier quart d’heure, tout semble parfaitement lancé pour les hommes de Bilardo. Sauf que le Pérou réagit et prend le match à son compte. Le trio Cueto – Velazquez – Uribe fait des dégâts, en un quart d’heure, la Blanquirroja retourne le match. La tension monte d’un cran, à la pause, l’Argentine est éliminée. Le second acte est un combat, l’Argentine pousse pour marquer, s’expose, Julio Cesar Uribe aura ainsi l’occasion du tuer le match. Elle attend son héros, il se nomme Ricardo Gareca. Entré en jeu à l’heure de jeu, le Tigre s’installe aux avant-postes, à neuf minutes de la fin, Daniel Passarella s’échappe côté droit, son centre-tir s’écrase sur le poteau d’Acasuzo, Gareca surgit et fait chavirer le Monumental, l’Argentine mène, il lui reste à tenir. Les dix dernières minutes sont riches en émotion, le Pérou aura deux occasions pour reprendre les devants mais Fillol et l’Argentine résistent. 2-1 score final, l’Argentine sera du voyage au Mexique, Carlos Bilardo est sauvé. Un an plus tard, lorsque Diego Maradona soulèvera la Coupe du Monde 1986, la deuxième et dernière de l’Albiceleste, Ricardo Gareca, sauveur de juin 85, sera devant sa télé, non convoqué par le technicien argentin. 32 ans plus tard, le Tigre se retrouve face à un nouveau Argentine – Pérou décisif pour une qualification. Mais cette fois, il est dans l’autre camp.

2009 : Palermo libère le Monumental

10 octobre 2009. À trois journées de la fin, l’équation à trois inconnues anime cette fin d’éliminatoires. Quatrième, l’Equateur devance d’un point une Argentine alors barragiste, l’Uruguay suivant à un autre point derrière. Le Monumental n’attend donc qu’une chose, une victoire pour que l’Argentine soit maîtresse de son destin. Face à l’Albiceleste de Diego, le Pérou ne fait pas figure de grand danger. Bon dernier de ces qualifications, les hommes de José del Solar ne jouent rien d’autre que pour l’honneur. Mais l’Argentine n’y arrive pas en première période et irrite avec le peu d’occasions qu’elle se crée. Déjà les critiques affutent leurs couteaux, les choix de Maradona, des sept changements au fait de se passer de Tevez et Agüero pour leur préférer un débutant nommé Gonzalo Higuaín. Mais Pipita lui donne raison dès le retour des vestiaires en ouvrant le score suite à un service de Pablo Aimar. Le Monumental est libéré, rien ne peut plus se mettre en travers de la route de son Argentine. Pourtant au fil des minutes, le Pérou fait plus que résister. Il exploite à merveille les errances d’une défense loin de donner des garanties. Puis arrive l’impensable. Alors que la tempête commence à s’abattre sur le Monumental, Hernán Rengifo laissé seul aux six mètres ajuste Romero. On joue la 89e minute et les rêves mondialistes de l’Argentine prennent un coup. C’est alors que surgit un héros. El Titán Palermo est entré à la pause et fait ainsi son retour en sélection après 10 longues années d’absence et une Copa América 1999 marquée par ses trois penalties manqués face à la Colombie. L’idole de Boca va alors faire s’embraser le Monumental lorsqu’à la 93e minute, au plus fort de l’orage, il offre la victoire aux siens. Pendant ce temps à Quito, Equateur et Uruguay s’affrontent. À 22 minutes de la fin, Antonio Valencia semble envoyer la Tri vers l’Afrique du Sud, l’Uruguay est alors à cinq points de l’Equateur. Mais l’Uruguay ne serait pas l’Uruguay s’il ne savait pas retourner les situations les plus impossibles. À peine le temps d’engager, Luis Suárez surgit et égalise sur un service de Diego Forlán. Tout est à refaire. Pire pour la Tri, 90e minute, Diego Forlán lance Edinson Cavani qui file seul au but et est fauché par Elizaga. Penalty pour l’Uruguay que Forlán transforme. L’Uruguay passe à la cinquième place, l’Argentine se retrouve quatrième. Diego peut glisser de joie sur la pelouse de l’ennemi millonario, son Albiceleste sera maîtresse de son destin grâce à deux résultats arrachés dans les arrêts de jeu. Une semaine plus tard, elle validera son ticket pour le voyage en Afrique du Sud.

« Je préfère jouer une finale de Coupe du Monde qu’une qualification face au Pérou, » a déclaré Jorge Burruchaga à la veille du choc de la 17e journée des éliminatoires sud-américains. L’histoire des Argentine – Pérou est riche en rebondissements et en histoire folles. Et rappelle une chose : que rien n’est jamais écrit d’avance.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.