En 1979, l’Internacional de Falcão réalise un exploit inédit, jamais répété depuis : remporter le Brasileirão sans perdre le moindre match.

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L’Internacional domine la scène régionale dans les années soixante-dix, en remportant huit fois consécutivement le championnat gaúcho entre 1969 et 1976 ! L’Internacional brille également dans le Brasileirão, qu’il remporte en 1975 et 1976. Les années suivantes sont plus difficiles, malgré un nouveau du titre du championnat gaúcho remporté en 1978. L’équipe est reformulée et en 1979, il ne reste plus que trois titulaires du doublé 1975-1976, notamment Batista et le vétéran Valdomiro, seul joueur à remporter huit fois le championnat gaúcho et qui reçoit cette année-là le prix Belfort Duarte afin de récompenser son fair-play. Le troisième titulaire est l’idole du club, Falcão, supporter de l’Inter dans son enfance et qui participe à la « campanha do tijolo » pour financer le Beira-Rio, inauguré en 1969. Falcão est lancé en professionnel en 1973 où il a la confiance de son entraîneur Dino Sani, malgré la présence à son poste de Carbone et Tovar. Dino Sani dit même aux dirigeants du club : « Vous pouvez en vendre un des deux, car Falcão fait ce que les deux font ». Falcão s’impose rapidement comme le cerveau de l’équipe, marquant en demi-finale du Brasileirão 1976 l’un des plus beaux buts de l’histoire du club, après un double une-deux de la tête réalisée avec Escurinho.

L’équipe se renforce pour un tournoi dantesque

L’Internacional déçoit dans le championnat gaúcho 1979 et l’entraîneur Zé Duarte en profite pour lancer en défense centrale Mauro Galvão, âgé de seulement dix-sept ans. « J’étais prêt, j’attendais ma chance. Les joueurs plus âgés me transmettaient de la confiance, je devais seulement me préoccuper de jouer au football », explique Mauro Galvão pour le site Red Bull. La direction change ensuite d’entraîneur, engageant Ênio Andrade, qui a remporté en début d’année le championnat paranaense avec Coritiba. « Il ne parlait pas beaucoup, il n’était pas proche des joueurs, mais il se faisait entendre quand c’était nécessaire. Il savait commander, sa lecture du jeu était très bonne. À la mi-temps des matchs, il prévoyait tout ce qui allait arriver », poursuit Mauro Galvão. L’Internacional recrute également Bira, surnommé bientôt Bira Burro (l’âne en portugais) pour avoir refusé de signer à Flamengo : « Je suis arrivé à Porto Alegre avec le surnom de Bira Burro. J’ai gagné ce joli surnom parce que j’ai choisi l’Inter plutôt que Flamengo. Flamengo avait Zico, Adílio, Tita, Júnior, mais je voulais jouer avec Falcão, Mário Sérgio, Valdomiro et être entraîné par Ênio Andrade », explique Bira à la Rádio Guaíba. L’Internacional recrute enfin Mário Sérgio, un dribbleur exceptionnel mais peu porté sur les efforts défensifs.

Le Brasileirão 1979 est le dernier organisé par la Confédération Brésilienne des Sports (CBD), la confédération séparant ensuite les sports pour donner naissance à la Confédération Brésilienne de Football (CBF). Pour cette dernière édition, la CBD voit les choses en grand avec quatre-vingt-quatorze clubs qui participent au tournoi ! Des grands clubs manquent pourtant à l’appel. Il est en effet prévu que les clubs de Rio de Janeiro et São Paulo débutent lors de la deuxième phase du tournoi alors que les deux finalistes de l’édition précédente, les paulistes Guarani et Palmeiras, entrent dans la compétition à partir de la troisième phase seulement. Les autres clubs de São Paulo demandent également à débuter lors de la troisième phase et devant le refus de la CBD, le Corinthians, São Paulo, Santos et la Portuguesa refusent de participer au Brasileirão. De son côté, l’Internacional débute par un 0-0 contre l’Athletico Paranaense puis bat Santa Cruz, Bira Burro s’offrant le but de la victoire dans un match qui marque les débuts au club de Mário Sérgio. L’Internacional termine la première phase avec six victoires et trois matchs nuls, battant notamment le rival Grêmio 1-0 grâce à un but sur coup franc de Jair.

L’Inter enchaîne

L’Internacional brille dans le 4-3-3 d’Ênio Andrade, avec un milieu de terrain particulièrement efficace et composé de Batista, Falcão et Jair. Lors du premier match de la deuxième phase, remporté 1-0 contre Goytacaz, Ênio Andrade écarte pourtant Jair de l’équipe, à qui il reproche un manque d’investissement à l’entraînement. Jair reconnaît son erreur et présente ses excuses, de quoi retrouver sa place de titulaire lors du match suivant, contre le petit club de São Paulo de Rio Grande do Sul. Jair ouvre le score et l’Internacional bat São Paulo de Rio Grande 3-1. Contre le Desportivo Ferroviária, l’Internacional mène 1-0 à la pause, ce qui n’empêche pas des sifflets à l’encontre de Mário Sérgio, le public colorado jugeant le joueur trop personnel. Dans les vestiaires, Mário Sérgio demande à être remplacé, ses coéquipiers refusent et Mário Sérgio est décisif lors de la seconde période d’un match finalement remporté 4-0. Avec quatre victoires et trois matchs nuls, l’Internacional termine premier de son groupe, toujours sans avoir connu la moindre défaite.

Si le groupe de la deuxième phase était relativement facile, celui de la troisième phase est plus compliqué, puisque l’Inter retrouve Goiás et deux clubs mineiros, l’Atlético Mineiro et Cruzeiro. L’Internacional débute par une victoire 1-0 sur Goiás grâce à un but de Mário Sérgio, puis affronte Cruzeiro, qui a partagé les points avec l’Atlético dans le Clássico Mineiro. Seul le premier du groupe se qualifie pour les demi-finales, le match est déjà décisif. Au Mineirão, Falcão ouvre le score, avant l’égalisation de Joãozinho, mais l’Internacional reprend l’avantage sur un but contre son camp de Zézinho. Valdomiro ajoute un nouveau but en seconde période et malgré la réduction de l’écart d’Alexandre en fin de match, l’Internacional obtient un succès de prestige. De son côté, l’Atlético Mineiro ne joue aucun match à domicile en raison du plus mauvais bilan parmi les clubs encore qualifiés. Face à ce qu’il estime être une injustice, le club refuse de poursuivre le tournoi. L’Internacional gagne son match sur tapis vert et file en demi-finale.

Choc au sommet

En demi-finale, l’Internacional retrouve un autre cador du championnat, Palmeiras, qui a impressionné lors du tour précédent en battant 4-1 le Flamengo de Zico. Entraîné par Telê Santana et mené sur le terrain par Jorge Mendonça, Palmeiras, finaliste en 1978, est le principal favori pour le titre. Vainqueur du Brasileirão en 1972 et 1973, Palmeiras cherche, comme l’Internacional, à être devenir le premier club à remporter trois fois le Brasileirão. Le Verdão reçoit au Morumbi lors de la demi-finale aller, un match qui marque un duel au milieu de terrain entre Falcão et Mococa. « Qui est meilleur, Falcão ou Mococa ? », titre même le Jornal da Tarde avant le match. Baroninho ouvre le score pour Palmeiras, mais Jair égalise en début de seconde période, profitant d’une faute de main de Gilmar. Cinq minutes plus tard, Jorge Mendonça remet Palmeiras en tête au tableau d’affichage avant le show Falcão. Un premier but de la tête sur une détente exceptionnelle, puis un second but, en opportuniste, sentant parfaitement le jeu. Falcão marque deux buts et mène l’Internacional vers une victoire 3-2. « Falcão évidemment », titre le lendemain le Jornal da Tarde en réponse à sa propre question. « Ce match aller contre Palmeiras nous a fait penser qu’il était possible d’être champion. Palmeiras avait une bonne équipe et était le favori », se souvient Mauro Galvão pour le site Red Bull. Au retour, l’Inter obtient le nul avec un nouveau but de Jair et se qualifie pour une nouvelle finale du Brasileirão, la troisième en cinq ans.

Héros improbable

L’adversaire en finale est le Vasco de Roberto Dinamite, déjà vainqueur du championnat national en 1974. Le club cruzmaltino compte également dans ses rangs le meilleur gardien du Brésil, Emerson Leão, et s’est qualifié pour la finale en battant Coritiba grâce à un but de Roberto Dinamite. De son côté, l’Internacional est toujours invaincu dans le Brasileirão 1979. « On ne se préoccupait pas de cette série d’invincibilité. À cette époque, il n’y avait pas toutes les statistiques qu’il y a aujourd’hui. Notre objectif était de jouer et de continuer à gagner », poursuit Mauro Galvão. L’Inter fait pourtant face à un problème de taille puisque les légendes Falcão et Valdomiro sont forfaits pour la finale aller ! Pour les remplacer, Ênio Andrade titularise Valdir Lima et Chico Spina, deux joueurs en fin de contrat. Falcão motive les deux joueurs, mais sent qu’ils sont très stressés. Le futur Roi de Rome demande alors à la direction de l’Internacional de prolonger le contrat des deux joueurs avant le match, afin de leur témoigner de la confiance. L’opération est faite, même sans pouvoir jouer, Falcão assume à la perfection son rôle de leader. Au Maracanã, Valdir Lima lance en profondeur Chico Spina, qui réalise un petit pont sur Paulo César avant de trouver la lucarne d’Emerson Leão. Pour le premier match de sa carrière au Maracanã, Chico Spina s’offre un golaço et permet à l’Inter d’ouvrir le score. En seconde période, Chico Spina part de son camp, réalise le une-deux avec Bira Burro et trompe une nouvelle fois Emerson Leão. L’Internacional s’impose 2-0 avec l’une des prestations les plus marquantes de l’histoire des finales du Brasileirão, Chico Spina devenant le « herói improvável » de toute la nation colorada.

Pour la finale retour, Valdomiro et Falcão sont remis et retrouvent leur place de titulaire, alors qu’en défense centrale, Mauro Galvão, seulement dix-sept ans, est également aligné. Devant 54 659 spectateurs au Beira-Rio, l’Inter bute d’abord sur Emerson Leão avant l’ouverture du score de Jair, qui marque son neuvième but dans le championnat, de quoi terminer meilleur buteur de l’Internacional dans le Brasileirão 1979. Falcão est proche de doubler la mise d’une magnifique talonnade, puis Valdomiro trouve le poteau sur un coup franc. L’Inter ajoute finalement un deuxième but grâce à sa légende Falcão, Vasco réduit l’écart en fin de match, ce qui n’empêche pas le troisième titre du Brasileirão de l’histoire du club colorado. L’Internacional réalise une campagne quasi-parfaite : seize victoires, sept matchs nuls et aucune défaite ! Le club gaúcho est encore aujourd’hui le seul club à avoir remporté le Brasileirão en étant invaincu, mais pas le seul club à terminer le Brasileirão invaincu, puisque l’Atlético Mineiro ne perd aucun de ses vingt-et-un matchs du Brasileirão 1977, mais perd la finale aux tirs au but contre São Paulo. Le Brasileirão 1979 est également, encore aujourd’hui, le dernier championnat national remporté par l’Internacional

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.