Pour notre huitième épisode de notre rubrique, LO vous propose aujourd’hui de découvrir l’histoire d’un véritable géant argentin : Independiente.
1904, Buenos Aires : afin de disputer divers tournois inter-commerçants, les employés deA la ciudad de Londres, l’un des grands magasins de la ville forment un club qu’ils nomment Maipú Banfield. Les employés pouvaient se joindre au club (en payant une cotisation de 50 cents par mois (comme les autres joueurs)) mais n’étaient pas autorisés à participer aux réunions ni à prendre part aux matchs avant d’avoir 23 ans. C’est ainsi que les plus jeunes décidèrent de se révolter et de créer leur club à eux, plus ouvert. Pour bien souligner leur indépendance vis-à-vis du Maipú, ils baptisent alors leur club Independiente. Le 1er janvier 1905, la première réunion est organisée, Independiente Football Club voit officiellement le jour.
Après avoir passé du temps à chercher un endroit où se poser, le club va trouver sa maison du côté d’Avellaneda et vit ses premières années en portant un maillot blanc et bleu (reliquat du Del Plata FC, ancien club du premier président Aristides Langone) avec un logo emprunté au drapeau écossais, hommage rendu au premier champion d’Argentine, le club de St Andrews). Le mythique maillot rouge, qui donnera ensuite son surnom au club, arrive en 1908 et son origine fait encore débat. La vision romantique veut que Langone, séduit par un match disputé par Nottingham Forest alors en tournée (marqué notamment par un 6-0 sur Alumni, l’un des géants de l’époque), voulut absolument que son club porte les mêmes couleurs. La vision moins romantique est plus idéologique : comme Argentinos, le rouge serait la couleur de l’idéologie politique de ses dirigeants : le socialisme.
Premières années, premiers exploits
Si l’histoire se souvient bien évidemment de la victoire 1-0 face à Maipú Banfield lors du premier affrontement entre les deux anciens frères, le premier véritable exploit renvoie au premier clásico de Avellaneda de l’histoire. A cette époque, sur le papier, aucun doute, La Academia doit s’imposer. Quelques jours auparavant, Independiente vient en effet de s’incliner 21 – 1 face à Atlanta et ne pèse pas lourd face à l’un des grands clubs de la division (après deux promotions, le Racing sera champion quelques années plus tard). Au point que les supporters de La Academia tapissent les murs du quartier de pronostics sans équivoque : le Racing va s’imposer 40 – 0 ! 9 juin 1907, le grand jour. Avec un nouveau gardien dans ses buts, Independiente réalise un véritable exploit. Menant 2-0 à la pause, il se fait reprendre en seconde période avant d’arracher une victoire 3-2 en toute fin de rencontre. Le premier clásico de Avellaneda est né, la rivalité entre les deux ne cessera de croitre au point de devenir l’un des plus grands du pays entre deux clubs ayant pour particularité d’avoir leurs stades respectifs à 200 mètres l’un de l’autre.
Croissance et premières stars
Le club ne va alors jamais cesser de grandir. Premiers titres amateurs dans les années 20, époque des premières stars, comme Raimundo Orsi, vice-champion olympique avec l’Argentine qui émigrera ensuite en Italie pour jouer à la Juventus et devenir champion du Monde en 34 avec l’Italie, époque également au cours de laquelle Independiente devient los Diablos Rojos. Les années 30 sont celles du professionnalisme. Antonio Sastre, celui au sujet duquel César Luis Menotti déclarera qu’il est « le plus grand joueur que j’ai vu de ma vie », Vicente Capote de la Mata, l’homme qui se faisait connaître pour ses dribbles et son incroyable capacité à passer n’importe quel adversaire si bien que lorsque Maradona dribblera l’ensemble de l’équipe d’Angleterre en 86 ou, plus récemment Messi face à Getafe, certains puristes diront « ils ont fait une Capote », celui pour qui on disait alors que les gens était capable de « tuer pour aller voir jouer Capote » ou encore Arsenio Erico dont on vous avait déjà conté l’histoire sur LO (voir Arsenio Erico, l'ange qui jouait pour le diable). Ces premières stars professionnelles conduiront le club aux titres nationaux de 1938 et 1939, formant l’un des trios offensifs les plus impressionnants de l’histoire (le Rojo inscrit 115 buts en 32 matchs lors du titre de 1938, 103 en 34 matchs en 1939). Les années 40 sont celles du bon et du moins bon, les années 50 sont celles au cours desquelles Micheli, Cecconato, Lacasia, Grillo et Cruz, les attaquants du Rojo font briller l’Albiceleste (ils sont par exemple les piliers de la victoire historique face à l’Angleterre au Monumental en 53). Mais le club ne remporte aucun titre national. Il attendra les années 60 pour décoller de nouveau, imposant son nom à l’internationale.
Rey de Copas : Independiente survole les années 70
En 1960, la Libertadores voit le jour. Quatre ans plus tard, le club dispute sa seconde Libertadores et la remporte face au Nacional. Sous la conduite de Manuel Giúdice, le Rojo devient le premier argentin à inscrire son nom au palmarès. Il conserve son titre l’année suivante au terme d’une finale de légende face à Peñarol (qui venait d’éliminer le Santos de Pelé) remportée sur trois matchs. Ces succès marquent le début de l’ère dorée du club, les deux Libertadores des années 60 sont les fondations de la machine à succès des années 70.
Emmené par le duo Ricardo Bochini - Daniel Bertoni, le Rojo devient el Rey de Copas remportant 4 Libertadores (consécutives ! fait unique dans l’histoire de l’épreuve), 3 Interamericanas (compétition opposant le champion de la CONCACAF au champion de la CONMEBOL), 1 intercontinentale gagnée face à la Juve de Zoff (qui remplaçait alors l’Ajax), 2 Metropolitanos et un Campeonato Nacional. La machine à victoire Independiente écrase tout sur son passage, entre dans le Guinness et conclu la décennie des années 70 par un dernier titre national, le premier d’une compétition pour la première fois diffusée dans son ensemble à la télévision argentine.
Le club, glane encore plusieurs titres dans les années 80 dont un mémorable titre national en 83 décroché à la dernière journée au nez et à la barbe de San Lorenzo après une victoire 2-0 lors du Clásico de Avellaneda qui envoya le Racing en Primera B pour la première fois de son histoire, remporte sa septième Libertadores en 1984 faisant du Rojo le recordman et décroche sa dernière Intercontinentale.
La chute
1991, Ricardo Bochini, icône locale restée 19 ans au club remportant ainsi 8 titres internationaux et quatre championnats d’Argentine, raccroche les crampons et marque la fin d’une incroyable ère. Après son départ, le club va lentement plonger, s’accrocher à un dernier soupir. Car après le Clausura 94, il faudra attendre 8 ans pour retrouver le Rojo au sommet. 2002, l’Indenpendiente d’Americo Gallego remporte l’Apertura avec dans ses rangs des Milito, Insua, Montenegro et autres Andres Silvera. Mais entre-temps, la dette s’est creusée. Obligé de vendre ses pépites comme un certain Kun Agüero qui s’en va pour 23M€ (record national à l’époque) ou encore Oscar Ustari pour 8M€, le Rojo s’offre un intermède, espère reprendre vie. Malgré l’illusion créée par une Sudamericana remportée en 2010, il n’en sera rien.
2011, le club joue le titre national mais s’effondre avant de perdre à l’international face au Júbilo Iwata en Copa Suruga Bank et face à l’Internacional en Recopa Sudamericana. La colère gronde en tribunes. Les évènements suivant la défaite face à Boca (probablement orchestrés par le président de l’époque Julio Comparada) précipitent le départ d’Antonio Mohammed et des règlements de comptes entre sympathisants du club en tribune. La crise explose, la violence avec. Le club ne s’en relèvera pas. Car lorsque Javier Cantero prend la présidence, il découvre une dette monumentale et tente de régler ses comptes avec ses adversaires en nettoyant les tribunes (le chef de la Barra del Rojo, Pablo "Bebote" Álvarez qui démissionne dans les jours qui suivent l’élection). L’opération de ménage en tribune semble réussir un temps, mais sportivement, le club coule. 16e lors du Clausura 2012 (20 petits points), 18e lors du Torneo Inicial 2013, le Rojo lutte pour sa survie et coule donc lors du Torneo Final 2013. Cantero quitte le club dans le chaos, les images de l’incroyable assemblée générale de juin 2013 organisée dans un climat délétère et conclue en bataille rangée font le tour du monde (voir ici). L’histoire du troisième club le plus populaire d’Argentine s’écrira pour la première fois en seconde division. D’Orsi à Agüero en passant par De la Mata, Montenegro, Milito et autres Burruchaga, c’est tout un pan de l’histoire du football argentin qui va soutenir le Rojo dans sa quête d’élite. Après d’un match d’appui remporté face à Huracán, le Rojo, comme River Plate, revient immédiatement dans l’élite argentine. Portée par une nouvelle génération, il est aujourd’hui à la recherche de son glorieux passé.