Dans l’ombre des géants locaux que son Peñarol et Nacional, il est un club qui a grandement contribué à écrire l’histoire du football uruguayen et sud-américain, les Montevideo Wanderers. Alors qu’ils viennent de fêter leurs 115 ans d’existence, l’histoire d’un nom leur est consacrée.

Le symbole d’une autre époque

L’histoire des Montevideo Wanderers est étroitement liée au football anglais. A l’époque où les britanniques sont à l’origine de plusieurs clubs uruguayens (à commencer par le géant Peñarol), les Wanderers vont voir le jour après qu’un groupe d’étudiant issu du Albion FC, le plus vieux club uruguayen, créé 11 ans plus tôt par Henry Lichtenberger à la tête des étudiants de l’English High School de Montevideo, décida de créer son propre club. Parmi eux, les frères Sanderson qui, au retour de leur voyage en Angleterre dans leur famille, décident de coupler le fait que le club n’ait pas encore de terrain à lui, leur donnant le surnom de « vagabonds », et de rendre hommage au club qui venait de remporter la Cup lors de leur séjour anglais, les Wolverhampton Wanderers. Nous sommes le 15 août 1902, les Montevideo Wanderers sont officiellement créés.

Le club participe à son premier championnat l’année suivante et dispute son premier match face au club dont il est issu, Albion FC. Après avoir évolué avec les couleurs de l’Uruguay Athlétic Club dont étaient issus les frères Juan et Enrique Sanderson (marron et bleu), les Wanderers acquièrent leurs couleurs définitives après un tournoi amical disputé à Buenos Aires en 1903 face à Estudiantes. Le bel accueil des argentins laissera des liens entre les deux clubs, à commencer par le choix des rayures qui à Montevideo seront noires et blanches.

Les Wanderers ne mettent que trois saisons pour entrer dans l’histoire du foot uruguayen. Lors du championnat 1906, les Bohemios demeurent invaincus et remporte le championnat, ils sont les premiers à mettre fin à l’hégémonie Peñarol – Nacional et s’installent durablement dans le paysage amateur, décrochant deux autres titres en 1909 et 1923 (à l’époque de la scission entre l’AUF et la FUF), deux Copa Honor, cinq Copa Competencia, deux compétitions qui donnaient le droit de disputer des duels face aux argentins lors de compétitions internationales (les Wanderers remporteront une Copa de Honor Cousenier et trois Copa de Competencia Chevallier Boutel, restant ainsi recordman du nombre de victoires de cette épreuve). Dans l’ombre de Peñarol et du Nacional, les Wanderers restent ainsi l’un des grands clubs de l’ère amateur. Comme un symbole, ils en seront le dernier champion en 1931.

Car à l’arrivée du professionnalisme, bien que parfaitement établis, les Wanderers vont rapidement souffrir devant la puissance des géants locaux, perdant petit à petit leurs meilleurs joueurs. Condamnés à survivre, ils traversent alors quelques crises économiques, comme celle des années 40-50 qui les obligera à vendre leurs meilleurs joueurs comme Obdulio Varela, sentence à laquelle la plupart des clubs du pays (à l’exception des deux géants) sont systématiquement condamnés. Devenu un club formateur, les Wanderers parviennent toutefois à tirer leur épingle du jeu, participant à sept reprises à la prestigieuse Libertadores, son meilleur parcours ayant été réalisé l’année du centenaire du club (huitième de finale perdu aux tirs au but face à Peñarol) et cette saison (défaite face au Racing en huitièmes – voir Racing 2 - 1 Montevideo Wanderers). Ils demeurent le symbole d’une autre époque, celle du football amateur qui, bien que déjà dominé par les géants locaux, restait bien plus ouvert aux petits.

Un héritage immense

Figurant parmi la liste des Canteras du football uruguayen, les Wanderers vont ainsi lancer plusieurs joueurs devenus stars locales et parfois internationale. Leur plus beau cadeau au football uruguayen et mondial restera sans aucun doute Enzo Francescoli. Hincha de Peñarol, la future idole de Zinédine Zidane devient un Prince lorsqu’il évolue dans ce qui restera son seul club au pays. Rejeté par le club Aurinegro, il est repéré par les scouts bohemios alors qu’il joue dans l’équipe du collège et attend d’avoir terminé sa scolarité pour participer avec le club au championnat. Sa classe éblouit et les Wanderers brillent en championnat, se prenant à rêver à un titre (2e en 1980, 3e en 1981, 5e en 1982). Il devient alors el Principe, surnom hérité d’un ancien Wanderers, Aníbal Ciocca et part ensuite devenir star planétaire en Argentine.

Reste que l’influence des Bohemios s’étend bien au-delà de ses hinchas et des joueurs qu’ils ont formés. Elle touche toutes les strates de l’histoire du football uruguayen. Outre l’aspect symbolique de toutes les sélections nationales victorieuses lors de compétitions internationales possédaient dans leurs rangs un membre passé par les Wanderers, l’héritage des Bohemios sur la Celeste est bien plus large. A commencer par le nom Celeste.

Et comme toujours avec les Wanderers, tout se passe un 15 août. 1910, Argentine et Uruguay s’affrontent alors depuis 5 ans pour la Copa Lipton, du nom de Thomas Lipton, et l’Uruguay étrenne alors une nouvelle tenue, bleue céleste. Elle est le fruit d’une idée de Ricardo Le Bas, représentant des Wanderers auprès de la fédération uruguayenne, dont le président de l’époque, Héctor Rivadavia Gómez, est aussi un ancien président du club Bohemio, qui voulait alors rendre hommage à la victoire d’un club aujourd’hui disparu, River Plate Futbol Club face au premier géant argentin, Alumni. Suite à ce succès, le premier à Montevideo, l’Uruguay devient Céleste à tout jamais. Plus loin encore, les Wanderers sont aussi à l’origine de la création de la CONMEBOL par leur président, alors en charge de l’AUF, Héctor Rivadavia Gómez qui en sera le premier président et ainsi le créateur du Campeonato Sudamericano, future Copa América.

Les Wanderers ont aussi marqué le paysage local. Un an après ce qui restera le dernier titre national du club Bohemio, le dernier titre de l’ère amateur, dans le quartier rural de Maroñas, un club est créé. De par les origines hongroises de l’un de ses fondateurs, il prend alors le nom de Danubio et choisi pour couleurs de s’inspirer des Wanderers. Le Danubio FC n’est pas encore la Franja et pendant près d’une décennie, il rendra alors hommage aux Montevideo Wanderers. Le destin, toujours farceur, les fera se croiser en 2014. Les deux frères du football uruguayens s’enverront alors plusieurs messages d’amitié. Mais la Franja viendra empêcher son ainé d’inscrire pour la première fois son nom au palmarès professionnel (voir Uruguay : Danubio au bout de la folie). L’ingratitude des cadets.

Pour conclure cet « Histoire d’un nom » consacré aux Wanderers, petite anecdote amusante. Si les Montevideo Wanderers n’ont aucun lien direct avec les Wanderers chiliens de Valparaiso, les deux clubs ont pour point commun d’avoir tous deux vus le jour un 15 août.

 
Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.