Ortega, Ibagaza, Gallardo, Aimar, D’Alessandro, Riquelme. Tous ces joueurs ont, pendant un temps, suscité l’espoir que l’un d’eux pouvait s’approcher de Dieu, de Diego Maradona. Tous ont déçu. Chronologiquement, le premier d’entre eux s’appelle Claudio Borghi.

Les débuts d’un crack

Orphelin de père, Claudio Borghi, comme la plupart des footballeurs sud-américains, ne naît pas dans la richesse. Contraint d’effectuer des petits boulots, il séduit les recruteurs d’un club bien connu de la province de Buenos-Aires : Argentinos Juniors.  Cette équipe a déjà dans ses rangs un numéro 10 qui commence à se faire connaître en la personne de Diego Maradona. El Pibe de Oro rejoint Boca Juniors en 1981, il a alors 21 ans. La même année, il est remplacé dans son ancien club par un gamin de 17 ans à peine répondant au nom de Claudio Borghi. Il restera un an de plus que son prédécesseur au sein des Bichos Colorados et effectuera le doublé Championnat d’Argentine/Copa Libertadores en 1985 (lire De la gloire à l’oubli : José Yudica).  Cette victoire en Copa Libertadores lui permet de se confronter pour la première fois à un grand club européen lors de la finale de la Coupe Intercontinentale. À Tokyo, Borghi et les siens affrontent la Juventus de Turin récente vainqueur de la plus triste finale de la Coupe des Clubs Champions durant laquelle 39 personnes ont perdu la vie dans les incidents du Heysel, une heure avant le coup d’envoi. La finale à Tokyo est équilibrée, et suite à 120 minutes de football, le score (2-2) oblige les deux équipes à disputer une séance de tirs au but que le club italien remporte. 

borghiplatini

Passionné de peinture, Platini déclare au sujet de son homologue argentin qu’il est « le Picasso du football ». Les louanges ne s’arrêtent pas là. Son coéquipier à Argentinos Juniors (entre 1985 et 1987) Fernando Redondo va même jusqu’à dire que « le ballon était pour lui le prolongement naturel de sa jambe ». L’excellente saison de Borghi lui permet d’intégrer l’Albiceleste aux dépens de Sabella, et de disputer le Mondial 1986 au Mexique. S’il dispute deux des trois matchs du premier tour, c’est bien du banc de touche que Borghi assiste aux exploits de ses compatriotes et notamment de Maradona. Encensé par la presse avant le Mondial qui déclare n’avoir d’yeux que pour lui, son sélectionneur Carlos Bilardo déclare même à l’issue du Mondial que si Borghi avait su supporter la pression, « l’Argentine aurait gagné le titre en marchant ». Maradona lui-même raconte dans son autobiographie « Ma Vérité » vouloir partager la mène avec Borghi. 

L’Italie : des espoirs au début de la fin

Cette fragilité psychologique ne l’empêche pas d’être au cœur d’une lutte entre le président Agnelli qui cherche à remplacer Michel Platini à la Juventus et Silvio Berlusconi qui veut amener ce numéro 10 au Milan AC.  Au cours des années 1980, les milieux de terrain venant d’Amérique du Sud sont à la mode en Italie. Zico avait rejoint l’Udinese, Falcao la Roma, Maradona marquera l’histoire du Napoli. Le Milan et la Juventus veulent également un numéro 10 venant du Nouveau Monde. Au final, c’est Silvio Berlusconi qui remporte la mise. Durant l’été 1987, la carrière de Claudio Borghi est prête à décoller. L’arrivée à Milan se passe très bien pour Borghi. Il s’intègre convenablement et se lie même d’amitié avec Fabio Capello pressenti pour devenir l’entraineur de l’équipe première. Il emmène son équipe à la victoire lors du « Mundialito des clubs » en marquant un but contre le FC Porto.

Silvio Berlusconi lui, renonce (provisoirement) à promouvoir Fabio Capello et décide de confier les rênes de son équipe à Arrigo Sacchi alors entraineur de Parme. Pour la saison 1987-1988 les clubs italiens n’ont le droit d’enregistrer que deux joueurs étrangers dans leur effectif. Sacchi décide de faire confiance aux bataves Van Basten et Gullit. Borghi est contraint d’aller voir ailleurs. La Sampdoria le veut, Berlusconi refuse, prétextant que son joyau ne peut être prêté dans un club lui aussi candidat au Scudetto. Il préfère accepter la proposition du club voisin de Côme, tout juste promu en Serie A. Tout est mis en œuvre pour que Borghi soit heureux. Le Milan se charge de lui trouver une splendide maison au bord du Lac. Tout pourrait aller pour le mieux sauf que Côme pratique un jeu inadapté aux caractéristiques de Borghi. Il disparaît très vite des choix de ses entraineurs et ne dispute que 7 petits matchs de Série A. L’Argentin s’énerve, montre qu’il peut lui aussi faire preuve de caractère. Il déclare à propos de ses entraineurs : « ils me disaient ce que je ne devais pas faire sur le terrain mais étaient incapables de me dire ce que je devais faire ». Silvio lui ne l’oublie pas. Il l’appelle fréquemment, moins que ses maitresses certes, le rassure. Il sait que la saison suivante (19881989) permettra au Milan de faire jouer 3 joueurs étrangers et lui promet que la troisième place lui sera réservée. À son retour à Milan lors de l’été 1988, Borghi s’illustre à nouveau. Le club lombard se déplace à Old Trafford pour y affronter, en match amical Manchester United. Borghi marque deux buts, le Milan s’impose 2-3. Berlusconi en profite pour réaffirmer publiquement son désir de conserver l’argentin, certain qu’il est prêt à exploser. Arrigo Sacchi lui ne l’entend pas de cette oreille. Tout juste auréolé du titre de Champion d’Italie, l’entraineur transalpin bénéficie d’une côte de popularité importante auprès de son président qui finit par céder aux demandes de son entraineur. Sacchi veut Rijkaard. Berlusconi fait signer Rijkaard. Borghi est contraint de s’en aller. Définitivement cette fois. Sa carrière ne redécollera plus et le Milan AC est à l’aube de la plus belle période de son histoire. 

Le retour en Amérique du Sud : une brève renaissance en tant qu’entraineur

Après une saison en Suisse, Claudio retourne en Amérique du Sud. Il écume les clubs au Brésil, en Argentine et au Chili, soulève quelques trophées avec Colo-Colo mais ne redeviendra jamais l’homme pour lequel deux des plus grands clubs du monde s’étaient battus.

Sa carrière d’entraineur est similaire à celle qui était la sienne lorsqu’il était joueur. Prometteuse, prête à décoller avant de redescendre doucement vers l’anonymat. Plus méritant que Maradona, il a été élu entraineur sud-américain de l’année en 2006 grâce à son doublé « Apertura et Clausura » avec Colo-Colo. Il mènera aussi son club formateur à un titre de champion d’Argentine en 2010, le dernier de son histoire, renforçant son statut d’idole du Bicho au point que quatre ans plus tard, une tribune de son Estadio Diego Maradona est rebaptisée à son nom. Il passe alors brièvement par Boca, quittant le club au lendemain d’un Superclásico perdu et soldant un bilan plus que négatif. Son expérience à la tête du Chili, où il aura la lourde tâche de succéder à un certain Marcelo Bielsa, se solde elle aussi par un échec. Alors que certains médias évoquaient un retour en Europe, toujours sur un banc de touche mais en tant qu’entraineur la carrière de l’ex-futur Maradona a pris du plomb dans l’aile. Sa dernière expérience début 2016 en Équateur, à la tête du Liga de Quito est encore un échec. Depuis, Claudio Borghi ne s’est pas rassis sur un banc de touche. À 52 ans, il n’est peut-être pas trop tard pour qu’il reprenne son envol mais le temps presse.

 

 

Benjamin Pezziardi
Benjamin Pezziardi
Passionné de culture latine, j'ai un faible pour River Plate après avoir été voir un Superclasico. Ouvrage référence : Eduardo Galeano, El futbol a sol y sombra.