Suite de notre guide de la Coupe d’Asie des nations 2019 qui se tient aux Émirats arabes unis. Place désormais aux groupes D, E et F.

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Partie 1

Groupe D : L’ogre iranien

iranEst-il encore nécessaire de présenter la Team Melli ? Sans doute tant cette sélection ne bénéficie pas des mêmes lumières médiatiques qu’un Japon, qu’une Australie ou qu’une Corée du Sud alors qu’elle les devance au classement FIFA. On l’avait évoqué avec Martin Reza Babry, rédacteur en chef de Persianfootball.com, le football iranien n’a cessé de progresser depuis les années quatre-vingt-dix, s’appuyant notamment sur une stabilité en termes de sélectionneur qui y contribue. Carlos Queiroz est souvent annoncé sur le départ, il se pourrait même cette année que ce soit pour de vrai, la Colombie s’étant positionnée. Reste que depuis l’arrivée du technicien portugais en 2011, l’Iran n’a cessé de progresser et de s’affirmer comme l’une des premières puissances de la confédération, Queiroz restant en place. Ne manque finalement qu’une chose : valider cet impressionnant travail de longue haleine par un titre, seul manque de cet Iran. Après une Coupe du Monde plutôt réussie au cours de laquelle la Team Melli a bousculé l’Espagne, accroché le Portugal et battu le Maroc, réalisant son meilleur total de points en phase finale, l’heure est désormais à en cueillir les fruits et, une fois encore nation n°1 du classement FIFA de la zone, l’Iran sent que c’est probablement l’occasion ou jamais. Pour cela, on va retrouver les mêmes ingrédients que ceux qui en font une équipe si compliquée à jouer. Une défense sans failles, une maturité collective qui n’est plus à démontrer et surtout un effectif d’une grande qualité à l’image de la star Sardar Azmoun, l’excellent Majid Hosseini, plus qu’intéressant lors de la Coupe du Monde et qu’on espère revoir dans le onze, et Alireza Jahanbakhsh pour qui le staff garde l’espoir de le retrouver à temps (l’attaquant de Brighton est actuellement blessé). Ajouté à ces joueurs des Saman Ghoddos, Vahid Amiri, Alireza Beiranvand et quelques rares anciens comme Ashkan Dejagah, cet Iran est le candidat idéal pour le titre, un titre qui fuit la Team Melli depuis le triplé de 1968-1972-1976, soit plus de quarante longues années.

irakSi la première place ne devrait pas échapper à l’Iran, derrière la lutte promet d’être intense. Premier candidat à la seconde place, celui qui a enterré les rêves de sacre iranien il y a quatre ans en surprenant tout le monde, le voisin Irak. S’ils sont un candidat sérieux à la qualification c’est premièrement parce que depuis 1976, les Lions de Mésopotamie se hissent toujours en phase à élimination directe lors de ses huit participations, jouant même deux demi-finales et remportant l’édition 2007. C’est aussi parce que les Lions ont des qualités à faire valoir et une nouvelle dynamique insufflée par Srečko Katanec, l’ancien faiseur de miracle avec la Slovénie du début de siècle, arrivé en septembre dernier. Depuis, mise à part la déroute face à l’Argentine, l’Irak n’a pas perdu, s’offrant même les scalps de la Chine et de la Palestine pour clore sa campagne de préparation il y a quelques jours. Largement suffisant donc pour assumer son rôle et briguer la deuxième place ou plus si affinité. Les Lions compteront ainsi sur le sosie officiel de Mo Salah, Hussein Ali, l’un des créateurs de l’équipe, mais aussi et surtout sur celui que l’on attend tous, Mohanad Ali, 18 ans selon les organisateurs, 21 ans selon la police, tube de l’année en sélection (6 buts en 10 apparitions) et un talent pur qui a tout pour être l’une des révélations de l’épreuve. Deux joueurs jeunes à l’image d’une sélection (la deuxième plus jeune de la compétition) qui semble aussi préparer l’avenir.

vietnamReste que l’Irak devra résister aussi à un vent de folie qui va inévitablement s’abattre sur les Émirats en ce début d’année. Un vent de folie nommé Viêt Nam qui retrouve l’épreuve pour la première fois depuis qu’il l’a organisée en 2007 et signe surtout sa première qualification à la phase finale sur le terrain de son histoire en tant que pays unifié (les deux premières présences sont celles du Sud-Vietnam en 1956 et 1960). Un vent de folie car s’il est un pays émergent où la passion pour le football est démesurée, c’est bien chez les Dragons Dorés. Les diffusions du championnat local sur Youtube explosent le nombre de vues, la couverture médiatique des événements auxquels les sélections participent est impressionnante, et surtout les résultats sportifs attisent ce feu. Pour leur deuxième participation à l’Asian Cup u23 après 2016, les jeunes Dragons Dorés se sont hissés en finale, sortant sur leur route l’Australie en phase de groupe, l’Irak (tiens donc), le Qatar et tombant donc sur la dernière marche face à l’Ouzbékistan. Parmi les jeunes qui ont brillé dans cette compétition, certains ont franchi le cap vers les A à l’image de Nguyễn Quang Hải, devenu star locale avec ses cinq buts dans la compétition (dont celui de la finale) et qui a aussi été déterminant lors de l’autre grand succès de la sélection, la Suzuki Cup 2018 mais aussi lors des Asian Games au cours desquels la troupe de Park Hang-seo a terminé quatrième après avoir remporté son groupe face au Japon et échoué en demi-finale face à la Corée du Sud, futur vainqueur. Le 3-4-3 du sélectionneur sud-coréen, dans lequel il faudra suivre avec attention l’excellent Đoàn Văn Hậu s’annonce redoutable, les Dragons Dorés sont capables d’en surprendre plus d’un et avec l’équipe la plus jeune de la compétition peut tout à fait viser une troisième place voire mieux.

yemenD’autant que le quatrième larron du groupe semble un ton en dessous. En février 2014, après deux années au cours desquelles la sélection n’a remporté qu’un seul de ses dix-huit matchs internationaux (dix-sept défaite), le Yémen est au plus bas de son histoire au classement FIFA (186e). Si 2014 est une bonne année pour les Diables Rouges (trois défaites seulement en dix sorties), la suite est tout aussi peu glorieuse. Jusqu’à la campagne de qualification pour cette Coupe d’Asie 2019 qui voit le Yémen résister contre toute attente. Sorti de la course à la Coupe du Monde bon dernier de son groupe avec une victoire (face aux Philippines) et sept défaites, les Diables Rouges sortent les Maldives en tour préliminaire (deux victoires consécutives, une première en huit ans, avant de décrocher leur qualification après deux victoires (face au Tadjikistan et au Népal) et quatre résultats nuls. De quoi inverser une dynamique ? Pas vraiment. Car depuis, Abraham Mebratu, l’homme qui a reconstruit la sélection en s’appuyant sur les u23 qu’il connaissait parfaitement, est parti, Ján Kocian lui a succédé sur le banc et n’a eu que trois petits matchs amicaux (et trois défaites sans inscrire le moindre but) pour connaître son groupe. Un groupe qui s’appuiera sur le travail de Mebratu et sur Abdulwasea Al-Matari auteur des cinq des onze buts de la sélection lors de la campagne de qualification, ainsi qu’Ahmed Abdulhakim Al-Sarori dont la jeune carrière (il n’a que 20 ans) le voit déjà évoluer au Brésil, à Central, petit club du Pernambuco qui évolue en Serie D. La présence de Yémen à la phase finale est déjà une performance, il semble cependant difficile de voir les Diables Rouges à une autre position que la dernière place du groupe.

Groupe E : Arabie Saoudite pour confirmer, Qatar pour exister

arabiesaouditeAprès une Coupe du Monde mi-figue, mi-raisin, l’Arabie Saoudite, qui a cependant sauvé sa Coupe du Monde en s’imposant face à l’Égypte de Mo Salah en dernière journée, n’a pas procédé à une grande révolution. Juan Antonio Pizzi est toujours présent, les Faucons Verts s’appuieront toujours sur leurs deux meilleurs atouts offensifs, tous deux passés par l’Espagne, Salem Al-Dawsari, auteur du but de la victoire en Coupe du Monde, et Fahad Al-Muwallad, qui empile les buts avec Al-Ittihad depuis son retour de prêt à Levante (huit buts en treize matchs), mais aussi sur le talent du jeune Abdulrahman Ghareeb dont la côte ne cesse de monter. L’Arabie Saoudite a disputé quatre matchs de préparation depuis la Coupe du Monde, accrochant la Bolivie et la Corée du Sud au passage. Elle cherchera surtout à éviter de reproduire la débâcle de 2015 et une piteuse élimination en phase de groupe après deux défaites face à la Chine et l’Ouzbékistan. Elle devra pour cela se méfier de l’ambitieux Qatar de Félix Sánchez.

qatarLe contexte politique va évidemment peser lors du choc entre les deux favoris du groupe E, il donne à ce duel une dimension supplémentaire, mais sur le strict plan sportif, il est le match au sommet de ce groupe. L’Espagnol a succédé à Jorge Fossati et en tant qu’ancien de la maison Barcelone et Aspire Academy, sait mieux qui quiconque comment construire une sélection dont la grande priorité reste d’être compétitive lors de sa Coupe du Monde. C’est aussi cette échéance à trois ans qui met le Qatar sous pression et surtout sous le feu des projecteurs. La sélection est composée de nombreux jeunes (la moitié de l’effectif a moins de 23 ans) et va enchaîner Asian Cup et Copa América cette année. L’occasion de suivre les promesses Bassam Al-Rawi, 21 ans, en défense, Akram Afif, 22 ans, en attaque, deux joueurs dont la formation est passée par la case Europe. L’occasion aussi de suivre quelques joueurs confirmés comme le capitaine et joueur clé, Hassan Al-Haydos, 28 ans et 110 sélections et 25 buts. Les récents résultats obtenus par Sánchez sont plus que prometteurs : depuis septembre, le Qatar a disputé dix matchs amicaux pour un bilan de six victoires (notamment face à la Suisse, l’Équateur, la Chine, la Palestine), un nul face à l’Islande, et trois défaites (Ouzbékistan, Algérie et Iran). Après l’échec de Belmadi en 2015 (trois défaites dont une piteuse face au Bahreïn), les Maroons n’ont plus le choix, ils doivent sortir d’un groupe dont les deux autres représentants Liban et Corée du Nord semblent à portée.libancdn

Le Liban de Miodrag Radulović reste sur cinq matchs amicaux sans inscrire le moindre but et retrouve une compétition à laquelle il n’a participé qu’une seule fois, lorsqu’il l’organisa en 2000 (dernier du groupe A avec une défaite face à l’Iran et des nuls face à Irak et Thaïlande). Difficile dans ces conditions de faire des Cèdres des outsiders du groupe même si la machine à contrer mise en place par le Monténégrin, qui s’appuie sur le capitaine et légende Hassan Maatouk et « le Danois » Bassel Jradi, présent en sélections de jeunes au Danemark mais qui a finalement choisi le Liban en novembre dernier (et qui défend les couleurs d’Hajduk Split), peut tout de même profiter du calendrier et de résultats favorables en cas d’accident des deux favoris annoncés. Reste alors la traditionnelle inconnue qu’est la Corée du Nord, adversaire du Liban en J3. Jørn Andersen avait réussi son premier objectif, qualifier le Chollima à l’Asian Cup, il est depuis parti au Sud pour relancer Incheon en K League. C’est donc à Kim Yong-jun qu’échoie la délicate mission de faire mieux que lors des deux dernières campagnes (un seul point pris, deux buts inscrits en six matchs disputés). Le sélectionneur s’appuiera sur le talent confirmé de Jong Il-gwan, et sur deux gamins de 20 ans qu’il faudra suivre avec une attention particulière : les « Italiens » Choe Song-hyok et surtout Han Kwang-song, le diamant du Chollima, premier Nord-coréen à avoir pris part à un match de Serie A et premier buteur.

Groupe F : le Japon veut confirmer

japonIl y aura eu un avant et un après Coupe du Monde au Japon. Avant, l’ambiance était à la déprime, l’ère Halilhodžić virant à l’échec pas seulement en termes de résultats, le Japon possédant un matelas sur lequel s’appuyer, mais surtout sur le contenu. Puis coach Vahid a sauté, Akira Nishino a assuré l’intérim en rappelant surtout une vérité que le Japon n’aurait jamais dû oublier : les Samurai Blue ne sont bons que s’ils n’oublient pas leur ADN footballistique, s’ils ne renient pas leur identité. La recette a fonctionné au-delà des attentes, le Japon a retourné la Coupe du Monde, offrant notamment un duel épique face à la Belgique, future championne du monde de la possession. La force du Japon est de retenir les leçons, la nomination d’Hajme Moriyasu l’illustre. Depuis, la machine semble inarrêtable. Au point que seul un penalty tardif de Tomás Rincón pour le Venezuela est venu priver les Samurai Blue d’un cinq sur cinq en amicaux (quatre victoires, dont une folle contre l’Uruguay, et donc un nul). Et donc ce retour à l’identité japonaise, ce jeu fait de possession, de créativité, de technique et de patiente construction qui permet au Japon d’être le grand favori pour le titre. Car Moriyasu peut s’appuyer sur un effectif totalement fou pour produire ce jeu, avec une défense à quatre composée de Nagatomo et Sakai sur les côtés, Makino et l’excellent Yoshida dans l’axe, le tout avec devant eux un homme clé, Gaku Shibasaki, premier créateur de l’équipe. Reste que la force du Japon est son potentiel offensif impressionnant malgré le forfait de dernière minute de Shoya Nakajima, remplacé par Takashi Inui : Ritsu Doan, Takumi Minamino, deux « Européens » de moins de 25 ans, pour alimenter l’excellent Yuya Osako. Oublié donc les Kagawa et autre Okazaki, l’avenir est en marche au Japon. Ce groupe passera par la case Copa América en juin prochain, et a tout pour y arriver en tant que champion d’Asie.

ouzbekistanDans l’ombre du Japon, il faudra tout de même se méfier de l’Ouzbékistan. Les Loups Blancs ont longtemps été aux portes d’accéder au sommet de l’Asie, de se mêler au gotha. Mais à l’image de leurs campagnes de qualifications mondiales, il y aura toujours eu cette dernière marche non gravie, celle qui aurait changé bien des choses. C’est donc un groupe en transition qui aborde la Coupe d’Asie 2019. Héctor Cúper est arrivé après avoir emmené l’Égypte à la Coupe du Monde et son projet est clairement établi : Qatar 2022. Le tout sans pour autant renier ce qui fait la force (et parfois la faiblesse) de cette sélection, sa philosophie des plus prudentes et son culte de l’efficacité. Pour cela, les Loups Blancs peuvent compter sur une nouvelle génération qui n’a cessé d’obtenir de bons résultats dans les catégories de jeunes sur les dix dernières années, les u20 restant par exemple sur deux quarts de finale mondiaux dans leur catégorie (éliminés par la France future championne du monde en 2013 et par le Sénégal en 2015), les u23 se hissant en quart des Asian Games et remportant l’AFC Championship de la catégorie. En leur sein, deux joueurs qui seront intégrés par Cúper et soulignent cette transition qui s’opère Odil Hamrobekov, MVP du tournoi u23 et Dostonbek Khamdamov, meilleur jeune de l’AFC en 2015. Le tout commandé par l’excellent Odil Akhmedov. Tous avec pour mission de redorer le blason d’un football qui semble à la peine en club, les Pakhtakor et autres Bunyodkor n’apparaissant plus comme des épouvantails sur le continent. Pour cela, une deuxième place dans le groupe est un objectif minimal avant de se lancer dans la phase à élimination directe, celle où tout est possible.

omanReste deux autres larrons dans ce groupe F. Le premier des deux, Oman, commence à devenir un habitué. Présent en 2004, 2007 et 2015, Oman a pourtant vécu quelques moments troubles. Il y a d’abord eu la gestion de la succession de Paul Le Guen qui a laissé un véritable chantier malgré ses quatre années passées à la tête des Rouges, causant bien des remous, certains officiels déclarant que rien n’avait été fait durant le mandat du Français, son successeur Juan Ramón López Caro n’a tenu qu’une dizaine de mois avant que finalement Pim Verbeek ne vienne remettre de l’ordre dans la maison. L’ancien sélectionneur de la Corée du Sud et de l’Australie n’est pas le chantre du jeu ultra offensif mais sa solidité défensive a permis à Oman d’enchaîner les bons résultats. La sélection a décroché sa deuxième Coupe du Golfe en janvier dernier (en n’encaissant qu’un seul but durant la compétition), seule la déroute face à l’Australie est venue stopper une série de quatorze matchs sans défaite, ce fut la seule fois qu’Oman a encaissé plus d’un but. Il sera donc difficile de faire plier cette solide formation concoctée par Verbeek. Oublié la notion d’équipe en construction que l’on connaissait sous Le Guen, Oman est désormais une formation à l’identité clairement affirmée, bien gardée par l’excellent Ali Al-Habsi et dans laquelle on suivra les performances de l’attaquant Muhsen Al-Ghassani.

turkmenistanIronie du destin, Oman, qui peut viser la troisième place, devrait jouer celle-ci face au Turkménistan, le pays qui a causé le départ de Le Guen. S’il est une sélection bien particulière à cette Coupe d’Asie, c’est bien le Turkménistan puisque jamais une sélection n’a autant ressemblé à un club. Pour les Verts, ce club est Altyn Asyr. Si la sélection n’a quasiment pas joué de match amical en 2018, elle pourra tout de même s’appuyer sur le parcours du quadruple champion national en AFC Cup (finale) sous la direction de Ýazguly Hojageldyýew qui est aussi… le sélectionneur national. Ainsi, les Émeraudes turkmènes sont composées pour moitié de joueurs d’Altyn Asyr, le onze de départ de la sélection devrait être à plus de 80% celui du club, la politique est claire, les « étrangers » au club phare du pays seront réduits à la portion congrue, mais une portion qui compte à l’image de Ruslan Mingazow, l’un des hommes clés de la sélection. Sur le terrain, les Verts seront compliqués à bouger, ayant fait de leur force physique et leur mentalité leurs principales qualités. Le Turkménistan est une équipe qui cherche d’abord à bien défendre et à frapper en contre, emmené notamment par le talent d’Altymyrat Annadurdyyev, ancien joueur de futsal qui apporte une vitesse qui la sélection n’a que trop eu. Reste désormais à savoir si cela sera suffisant à l’échelle d’une compétition continentale des nations.

Programme de la première journée des groupes C, D et E

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.