Sept mois après la victoire du Qatar en Coupe d’Asie, nous revoilà de retour pour une nouvelle compétition pleines d’équipes arabes : le méconnu Championnat de la Fédération d’Asie de l’Ouest.

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Ittafaka al-‘Arab an la yattafik, « Les Arabes se sont mis d’accord pour ne jamais se mettre d’accord » disait le sociologue et historien Ibn Khaldoun. Au-delà du pessimisme de ces paroles, force est de constater que cette maxime s’applique encore aujourd’hui lorsqu’on jette un œil à la situation du football arabe en Asie (et en Afrique, d'ailleurs). Autrefois regroupé au sein de l’Union arabe de football, celle-ci s’est divisée en une myriade de petites fédérations qui varient d’un jour à l’autre. Si l'UAF existe encore, elle est phagocytée par la mainmise saoudienne et ses agendas politiques nébuleux. Ainsi, la dernière des Coupes des Nations Arabes s’est déroulée en 2012 alors que la Coupe du Golfe et le WAFFC (Championnat de la fédération d’Asie de l’Ouest en français) avaient depuis longtemps pris le relais, entérinant ainsi la disparition d’une des rares compétitions réunissant tous les acteurs du monde arabe. Des rumeurs bruissent çà et là sur une reprise en 2020 mais vu l'hostilité croissante entre ses membres, rien ne nous dit que l'idée sera menée à terme.

Fondée initialement par les pays du Levant ainsi que l’Iran en 2001, la WAFF (West Asian Football Federation, la fédération d’Asie de l’Ouest) se vit renforcée par l’arrivée des pays du Golfe en 2009 et 2010. L’Iran s’adjugeait la majorité des titres alors que certains pays grappillaient une médaille au gré des tournois. Le Printemps arabe et les discordes politiques mirent un frein au développement de cette compétition qui s’arrêta en 2014. Depuis lors, l’Iran a préféré créer une compétition avec ses voisins d’Asie centrale tandis que certains pays du Golfe - Arabie saoudite en tête – ont décidé de bouder la WAFF pour créer la SAFF (South-Western Asian Football Federation) après le refus de bouger le siège d’Amman à Riyadh. Preuve que le climat n’est toujours pas apaisé, le Qatar n’a même pas été convié à s’inscrire dans cette nouvelle formule et a préféré se concentrer sur sa première Copa América. Depuis lors, l’Arabie saoudite a confirmé sa présence et a foutu le bordel dans le format.

C’est donc amputé de beaucoup de membres que reprend le WAFFC en ce mois de juillet 2019 (du 30 juillet au 14 août) avec un événement tout particulier : pour la première fois depuis 25 ans, l’Irak est autorisé à accueillir une compétition internationale ! Ce pays, fou de foot, a toujours su se relever malgré un embargo international, une invasion américaine et une catastrophe islamiste sur son sol. Ce n’est donc que justice que de leur rendre enfin l’opportunité de s’exalter pour leur sport-roi, car il faut croire que c’est dans l’adversité qu’ils forgent leurs plus grands exploits (quatrièmes aux JO d’Athènes en 2004 et champions d’Asie en 2007). Alors qu’on attendait Basra comme hôte de la compétition, ce sont finalement Erbil et Kerbala qui accueilleront les neuf compétiteurs répartis en deux poules de quatre et cinq. Les premiers de chaque groupe se rencontreront en finale à Kerbala.

Pour accompagner les Lions de la Mésopotamie, on retrouve les autres pays du Levant (Jordanie, Syrie, Palestine, Liban) ainsi que quatre pays du Golfe (Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn et Yémen). Le 26 juin a été effectué le tirage au sort. Le groupe A jouera ses matchs à Kerbala et comprendra l’Irak, la Syrie, le Liban, la Palestine et le Yémen. Le groupe B est basé à Erbil et comprendra l’Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn et la Jordanie. Présentation des forces en présence.

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Pays-hôte et favori, l’Irak veut construire sur les fondations d’une Coupe d’Asie intéressante où ils ont tenu l’Iran en échec avant de tomber contre le Qatar, futur vainqueur de l’épreuve. Ironie du sort, l’auteur du coup-franc victorieux, Bassem Rawi, est d’origine irakienne. Les amicaux de mars ont été fructueux avec deux victoires contre la Syrie (1-0) et la Jordanie (3-2) dans un style typiquement irakien : grosse débauche d’énergie, style offensif et largesses défensives. La défaite de juin face à la Tunisie n’est pas rédhibitoire, mais on peut regretter l’annulation du match contre la Libye histoire de voir ce que la sélection avait dans le ventre en fin de saison. Sans certains de ses fers de lance jouant à l’étranger (et donc en pleine préparation estivale avec leurs clubs), la sélection drivée par le Slovène Srečko Katanec est composée dans sa vaste majorité de joueurs évoluant au pays (seuls quatre joueurs évoluent respectivement au Qatar, en Iran et en Tunisie). On peut regretter que Jiloan Hamad n’ait toujours pas reçu l’autorisation de la Fifa de joueur avec les Lions de la Mésopotamie, alors Katanec s’appuiera sur la colonne vertébrale Jalal Hassan – Ahmed Ibrahim – Humam Tariq – Hussein Ali - Mohannad Abdul Raheem et a convoqué quelques petits nouveaux tels Maitham Jabbar, Karrar Nabeel ou Mohammed Qassim. Si l’absence de Ali Adnan et Mohannad Ali devraient se faire sentir et que les jeunes Ahmad Jalal et Mohammed Dawood sont forfaits pour cause de blessures, l’Irak dispose d’assez d’arguments que pour soulever le trophée à la mi-août

arabiesaouditeArabie saoudite

Si ce n’est des victoires faciles contre de faibles Nord-Coréens et Libanais, on peut facilement dire que les Saoudiens ont déçu lors du dernier tournoi continental. Défaite par le Qatar – comble de l’humiliation, l’Arabie a vite disparu de la compétition, éliminé anonymement par le Japon. Juan Antonio Pizzi a donc giclé de son poste et a été remplacé par Murshid Khamis puis Youssef Anbar en attendant Hervé Renard qui a annoncé son arrivée ce lundi. La prépa se passe mi-figue mi-raisin avec une défaite chez les voisin émiratis et une difficile victoire face à une faible Guinée-équatoriale. Mais le bordel en interne et la nomination de Renard ne font que renforcer l’incertitude autour de l’équipe. Pour preuve, seul des néophytes ont été appelés par Anbar : cinq joueurs ont au moins une cape et le plus capé est le gardien Malayekah avec…quatre sélections. Peu de chances de voir les Saoudiens faire des miracles donc.

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Après une Coupe d’Asie totalement ratée avec une dernière place d’un groupe pourtant ouvert (Australie, Jordanie, Palestine), la Syrie a du mal à retrouver le formidable élan qui l’avait amenée aux portes de la Coupe du Monde. Les amicaux qui ont suivi ont commencé par des déconvenues en Irak (0-1), en Iran (0-5) et en Ouzbékistan (0-2), à peine entrecoupés d’une minuscule victoire face à la Jordanie (1-0) et n’ont pas su apporter de certitudes au pompier de service Fajr Ibrahim, qui a repris l’équipe après l’expérience infructueuse de Bernd Stange sur le banc des Aigles de Qassioun. La Hero International Cup jouée en Inde ne l’a pas conforté dans ses choix malgré le fait qu’il ait pris une armée de joueurs novices du plus haut niveau avec lui. Du coup, retour aux fondamentaux et à l’expérience. Si les Européens et les Américains n’ont pas pu se libérer, Ibrahim a appelé une équipe expérimenté avec Mardikian et Al-Khatib en attaque et ses « Golfeurs » et « Levantins » dans le reste de l’équipe. Pas mal de joueurs locaux complètent le groupe dont l’excellent gardien Ibrahim Alma et le milieu Khaled al-Mobayed. À eux de récupérer leur mojo qui leur a fait tutoyer les étoiles afin d’apporter du baume au cœur à un pays meurtri par près de dix ans de guerre…

jordanieJordanie

L’une des belles surprises de la dernière Coupe d’Asie ! Sous la houlette du Belge Vital Borkelmans, les Nachami ont réalisé un beau parcours en battant notamment l’Australie et la Syrie, et en encaissant qu’un seul goal contre le Vietnam en huitième de finale. Défense de fer avec le dernier rempart Amer Shafi, condition physique irréprochable, des ailiers en feu et un facteur X en la personne d’Al-Tamari, la Jordanie a de quoi progresser si elle parvient à résoudre ses problèmes de finition, l’essentiel de ses buts ayant été marqués sur phases arrêtées. Les amicaux sont pour l’instant peu glorieux (trois défaites contre une victoire contre la faible Indonésie), mais l’équipe a peu changé et il faut espérer une remobilisation de ses hommes forts pour s’offrir un parcours intéressant. Shafi et Al-Tamari ne sont pas là (préparation de la Champions League avec l’APOEL Nicosie pour le second), alors que Baha Faisal, en pleine bourre avec son club, n’est pas convié. Les expérimentés Bani Yaseen, Bani Attiah, Murjan et Dardour devront guider les jeunes Jordaniens vers de nouveaux exploits. Les clubs d’Al-Faisaly (neuf joueurs), Al-Jazeera (six joueurs), Al-Wehdat et Al-Ramtha (quatre joueurs chacun) fournissent l’écrasante majorité de la sélection alors que seulement trois joueurs évoluent à l’étranger (Khattab au Koweït, Al-Laham au Qatar et Al-Rawashdeh aux Emirats).

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Comme nous vous l’avions relaté il y a quelques mois, la campagne libanaise nous a surtout laissé un goût d’inachevé au niveau de l’état d’esprit et du plan de jeu. Si perdre contre le Qatar et l’Arabie saoudite est tout à fait logique, les supporters avaient de quoi être déçus par l’engagement proposé par les Cèdres : systématiquement en retard au duel et dans l’exécution, des offensives infamantes, un plan de jeu inexistant caractérisé par George Melki, véritable énigme devant l’éternel. Tout n’est pas à jeter et certains joueurs se sont révélés (Robert Melki, El-Helwe en pointe) mais la Fédération a jugé que des matchs amicaux n’étaient pas nécessaires pour faire progresser l’équipe, faisant patauger la sélection dans une apathie des plus absurdes. On voit mal les Libanais soulever le trophée, mais on en saura plus sur leur potentiel lors ces confrontations avec des équipes de niveau similaires. Mine de rien, les tauliers commencent à prendre de l’âge et Liviu Ciobotariu commence à intégrer la prochaine génération des Cèdres. Seuls des joueurs évoluant au Liban ont été convoqués et quelques bizuts ont été pris dans le groupe : les défenseurs Hassan Bittar et Hussein Zein, les milieux Yehya El-Hindi et Hussein Monzer, ainsi que les attaquants Ali Alaeddine, Ahmad Hijazi et Mohammed Kdouh. Quelques tauliers accompagneront l’équipe (Mehdi Khalil, Nour Mansour, Mohammed Haidar et Hassan Maatouk) mais cette compétition a plutôt valeur de test avant les qualifications mondialistes.

palestinePalestine

Zéro buts marqués en trois matchs mais deux points accrochés contre les voisins syrien et jordanien, prélude à des beaux moments de fraternité dans les tribunes, la Palestine s’était donnée pour mission de faire bonne figure avec, pourquoi pas, une éventuelle avancée au second tour. Las, la défaite contre l’ogre australien (0-3) et une certaine stérilité offensive devant le but mettront un terme aux espoirs les plus fous. Les joueurs de Noureddine Ould Ali auront au moins fait preuve de combativité, ce qui a fait rugir de plaisir les nombreux supporters acquis à leur cause aux Emirats. Tant de problèmes demeurent encore à surmonter, entre les blocages israélien, les problèmes de visa et l’impossibilité d’organiser des rassemblements (sans compter les joueurs éparpillés aux quatre coins du globe). L’après Coupe d’Asie a permis à Ould Ali de faire du ménage entre retraites internationales et baisse de niveau pour laisser place à une équipe plutôt constituée de joueurs locaux. Les tauliers Ali, Bahdari, Jaber et Darweesh sont là, accompagnés du prodige Dabbagh et de 10 joueurs sans aucune sélection. La liste est, dans son écrasante majorité, locale avec quatre joueurs évoluant dans le Golfe, en Jordanie, ou en Espagne (le petit nouveau Yaser Mayor). Avec un seul match amical (2-2 au Kirghizstan) au compteur, l’objectif pour les Lions de Canaan sera de progresser encore et toujours et, pourquoi pas, créer la surprise.

koweitKoweït

Il est là, LE grand absent de 2019 ! Toutes les équipes arabes s’étaient qualifiées pour la grande messe continentale SAUF le Koweït. Même pas dû à un piètre niveau des joueurs mais juste car la FIFA l’avait exclu des qualifications suite à des ingérences gouvernementales. Depuis lors, rien de bien fameux pour les Azraq qui, sous la houlette de Romeo Jozak, ne disputent que des matchs amicaux. Les trois derniers matchs contre le Népal (0-0 puis un pénible 1-0) et contre Maidenhead (défaite 1-0 contre cette cinquième division anglaise…) démontrent qu’il reste encore beaucoup de travail à effectuer avant de retrouver un niveau décent. Les piliers Youssef Nasser, Al-Fadhel et Al Motawa sont toujours là mais ils arrivent doucement mais sûrement au crépuscule de leurs carrières. Sauf sursaut d’orgueil et beaucoup de chance, il y a peu à parier de voir le Koweït soulever le trophée, surtout lorsqu’on connait l’historique encore douloureux avec l’Irak.

bahreinBahreïn

Difficile de se faire un avis sur le parcours des Muharabi Dilmoun lors de cette Coupe d’Asie tant ils ont tutoyé le superbe et le médiocre. Si la dramaturgie du premier match contre le pays-hôte a de quoi les laisser frustrés (penalty imaginaire pour les Émirats à la dernière seconde pour arracher le match nul, la médiocrité des oppositions contre la Thaïlande (0-1) et l’Inde (penalty à la dernière minute mais en leur faveur) n’incitait pas à l’optimisme. Finalement, ils sortirent de la Coupe après une prestation vaillante face à la Corée du Sud qu’ils auront emmenée en prolongation. Al-Romaihi s’est révélé en tant que renard des surfaces puisqu’il parvint à marquer deux goals durant le tournoi. Le coach Hélio Sousa peut au moins se targuer d’avoir un avantage sur ses collègues du Golfe : des joueurs qui jouent à l’étranger (même si, dans le cas présent, ils sont retenus par leurs clubs). Un exploit pour un si petit pays puisqu’il compte quatre représentants hors du Golfe (deux en République tchèque, un au Danemark et un à Malte). Le sélectionneur est donc parti sur une équipe expérimentée avec près d’une quinzaine de joueurs approchant la trentaine ou l’ayant dépassée. Le Bahreïn reste une énigme, plombé par une démographie ascétique (seulement 600 000 nationaux) d’où il n’est pas toujours évident de sortir le nouveau A’laa Hubail, héros de l’édition 2004. Jaffer, Adnan, Al-Safi et Abdullatif devront mener les insulaires à une sortie de groupe, ce qui serait déjà un bel exploit pour eux.

yemenYémen

La résilience face à l’adversité. Englué dans un conflit asymétrique et honteux avec l’Arabie saoudite et sa coalition, le Yémen a défié les lois de la logique pour se qualifier pour la Coupe d’Asie malgré l’exil voire le décès de ses internationaux. Versés dans le groupe des poids lourds régionaux, le Yémen s’est lourdement incliné face à l’Iran (0-5), l’Irak (0-3) et le Vietnam (0-2) malgré quelques séquences de jeux intéressantes. La majorité des joueurs se sont expatriés au Qatar où le gouvernement les a déclarés qataris afin de ne pas compromettre les quotas de joueurs étrangers, plus quelques-uns dans les ligues du Golfe avoisinantes. Mais le défi est immense pour les Al-Shayatin al-Hamr qui devraient rester à quai après le premier tour. La défense, relativement expérimentée avec Ayash, Omar, Al-Radaei et Boqshan, ne masquera pas le manque d’options offensives où le seul Al-Matari n’arrivera sans doute pas à porter l’équipe sur ses épaules.

Programme de la première journée

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Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.