D’un simple message sur le réseau social X, Macarthur FC a annoncé le départ par accord mutuel de son milieu de terrain mexicain Ulises Dávila. Le meilleur joueur de la saison 2020/21 est aujourd’hui emporté par un scandale lié aux paris sportifs. Retour sur la chute d'une légende mexicaine en terres australes.

L’oubliera-t-on aussi vite qu’on l’a adoré ? Depuis son arrivée en 2019 à Wellington Phoenix, le natif de Guadalajara âgé trente-trois ans fait partie de la narration du championnat d’Australie de ces dernières années. Pas une saison sans parler de lui et de ses fulgurances. L’Australie a aussi pleuré, beaucoup, lorsqu’en 2022 sa femme Lily est brutalement décédée d’une grave maladie le laissant seul avec son jeune fils né deux ans plus tôt. Sa tristesse avait envahi chaque supporter lorsque lors de la diffusion du programme A-League All Access, il s’était exprimé en larmes sur la perte de son être cher, sa femme l’accompagnant désormais dans le vestiaire à côté de sa Bible. Depuis lors, Ulises Dávila continuait d’émouvoir, le plus souvent par ses éclairs de génie.

Chelsea, des prêts et la Nouvelle-Zélande

Son histoire est celle de dizaines de joueurs passés sous les couleurs des Blues de Chelsea. Le milieu offensif éclot à Guadalajara et intègre la sélection des moins de vingt ans pour le Campeonato Sub-20 de la Concacaf de 2011, passe par le Tournoi de Toulon la même année et dispute la Coupe du Monde U20 en Colombie, où il marque contre la France lors de la victoire 3-1 du Mexique. Il n’en faut pas plus pour que Chelsea jette son dévolu sur l’espoir mexicain. En août 2011, il débarque à Londres. Mais la machine à laver Chelsea est redoutable. Uli n’aura jamais joué à Stamford Bridge en quatre années de contrat entre 2011 et 2015. Comme près d’une trentaine de joueurs, il a été prêté au club du Vitesse Arnhem puis trois fois en Espagne (Sabadell, Córdoba, Tenerife) avant un passage au Portugal (Vitória). Des saisons certes pleines en Espagne, mais disputées à un niveau bien éloigné d’un Chelsea vainqueur de la Ligue des Champions 2012 et de la Premier League en 2015. Uilises Dávila retourne donc au pays, dispute deux saison à Santos Laguna puis s’échappe vers une pige indienne à Odisha (anciennement Delhi Dynamos) avant de débarquer en Nouvelle-Zélande à Wellington en 2019.

Photo : Mark Kolbe/Getty Images

Du sommet au néant

Son arrivée à Wellington s’inscrit dans la volonté de son entraîneur principal de l’époque, Ufuk Talay, de trouver un joueur à tout faire. Créatif, capable de marquer comme trouver un partenaire au bon endroit, Dávila devait compenser le départ de Sarpreet Singh au Bayern. Sous Talay, le milieu offensif mexicain survole le championnat : douze buts, cinq passes décisives, le tout sous une pandémie de COVID-19 devant obliger Wellington à jouer et vivre en Australie loin des familles. Emmenée par son magicien, la franchise néo-zélandaise réalise l’exploit de finir troisième, meilleure performance de son histoire. Dribbleur, récupérateur, buteur et passeur décisif, Uilises Dávila prend place dans l’équipe type du championnat. La saison suivante est plus difficile au niveau collectif – Wellington passe à un point des play-offs – mais Dávila continue de briller au point d’être élu meilleur joueur de la saison 2020/21 aux côtés de Miloš Ninković. Le magicien mexicain arrive alors au terme de son contrat, mais si son aventure aux ‘Nix se termine, la suite s’écrit toujours en A-League.

Le 17 mai 2021, la nouvelle franchise de Macarthur offre au MVP 2021 un pont d’or à deux millions de dollars australiens par an afin d’évoluer sous Ante Milicic. Les Bulls veulent bâtir autour de lui, Uilises Dávila est nommé capitaine de la formation, mais Milicic n’y arrive pas. Macarthur finit septième, derrière Wellington, sixième. Uli se console avec son premier titre en terres australes : la Coupe d’Australie 2022 décrochée sous la direction de Dwight Yorke, Ulises Dávila marquant lors de cette finale le deuxième but. Élu homme du match, si la suite de la saison fut difficile – la finale de Coupe d’Australie est disputée en octobre – le ménisque du mexicain l'a éloigné une grande partie de celle-ci. Cette saison, avec Valère Germain, les blanc et noir sont revenus dans le haut de tableau, terminant cinquièmes, s’offrant un bon parcours en AFC Cup au cours de laquelle Uilises Dávila inscrit quatre buts en six matchs. Le retour du magicien mexicain est tel qu’il se voit offrir une prolongation de son contrat jusqu’en 2026. L’avenir semblait radieux jusqu’à un matin de mai.

Dans un pays où la presse australienne mainstream adore relayer les affaires du football, sport qu’elle déteste, les images de la police australienne arrêtant des joueurs de Macarthur font sensation. Uilises Dávila, Kearyn Baccus et Clayton Lewis sont pris dans les mailles du filet tendu par la police de l’État de Nouvelle-Galles du Sud pour des faits de trucages de match, comme le rapporte ABC : « La police prétend avoir découvert que le milieu de terrain M. Dávila, 33 ans, aurait reçu des instructions d'un homme - qui se trouverait en Amérique du Sud - pour organiser l'attribution de cartons jaunes à certains moments des matchs de A-League ». Les joueurs auraient touché environ 10 000 $ pour ce carton jauneUn mois plus tard, son aventure aux Bulls se conclut donc : « Le club et Ulises Dávila se sont mis d'accord sur une résiliation mutuelle de son contrat. Le club ne fera aucun autre commentaire à ce stade ». Une affaire qui fait écho à celle touchant Lucas Paquetá en Premier League anglaise. Libéré sous caution, Ulises Davila voit ainsi partir en fumée une carrière et un statut de quasi-légende de l’ère moderne de A-League et pourrait, avec ce scandale, voire son histoire footballistique prendre fin d’une bien triste manière.

 

Photo une :  Brett Hemmings/Getty Images

Antoine Blanchet-Quérin
Antoine Blanchet-Quérin
Spécialiste du football australien, néozélandais et océanien pour Lucarne Opposée.