Créée par ses supporters en 2012 et unique club australien à avoir remporté la Ligue des Champions, la franchise de l’Ouest de Sydney boucle une nouvelle saison dans l’anonymat et ne participera pas à la phase finale du championnat. Une lente dérive conséquence d’une histoire oubliée.
25 janvier 2019, le Western Sydney Wanderers publie sur son site Internet, la signature de l’attaquant international australien, Mitchell Duke. Ce dernier déclare : « j’ai vingt-huit ans, j’ai envie d’être le leader du club, j’ai envie d’aider à mener et apprendre aux jeunes joueurs de grandir et devenir des footballeurs ». Un an et demi plus tard, Duke quitte le club. Auteur de quatorze buts en vingt-six matchs, l’attaque laisse une équipe qui se retrouve une nouvelle fois sans cadre et sans capitaine.
Débuts inégalés
Dans les suburbs de la ville de Sydney, on s’accroche à l’idée de voir à nouveau le club au plus haut et accrocher un nouveau trophée à côté du Premiership de 2013, acquis lors de sa toute première saison. Mais depuis l’époque dorée, le WSW est devenu un club de milieu de tableau dont la seule gloire cette année a été d’être la bête noire du rival local Sydney FC, lui infligeant ses deux seules victoires avant l’interruption du championnat à cause de la pandémie du COVID-19. Pourtant, l’histoire des Wanderers est une histoire incroyable. Le club arrive en A-League en 2012 et compte alors dans ses rangs Aaron Mooy ou Shinji Ono sur le terrain et Tony Popovic à la tête du groupe. Sous Popovic, soit de 2012 à 2017, le club fait chavirer le cœur de supporters bien particuliers dans le paysage australien, avec une culture proche du mouvement ultra en Europe qui rend le WSW deuxième club comptant le plus d’abonnés derrière le Melbourne Victory et l’un des plus grands vendeurs de produits dérivés.
À peine lancé en championnat, le WSW se hisse deux fois en finale de play-offs (2013, 2014), termine Premiers pour la première saison disputée (2012/13) et deux fois dauphin en saison régulière. Mieux, en 2014, sa participation à l’AFC Champions League le fait entrer dans l’histoire puisque les Wanderers décrochent le titre face aux Saoudiens d’Al-Hilal. S’ensuit une saison plus compliquée (avant-dernier de A-League, élimination en phase de groupes de l’ACL, au premier tour de la FFA Cup) avant un rebond l’année suivante, malgré une défaite en finale du championnat face à l’Adelaïde United de Guillermo Amor (lire : la révolution barcelonaise d’Adelaide United) et un parcours marqué d’un match mythique, la demi-finale face au Roar qui voit le Wanderers mené trois buts à zéro en moins d’une demie heure, passer devant en seconde période, rattrapé sur le fil, puis s’imposer 5-4 en prolongation. Un match qui symbolise parfaitement les Wanderers et leur identité, résumée par le tifo des supporters pour Popovic : « Succes cannot exist without passion ».
Le cœur et l’âme
Tony Popovic était sans nul doute, le cœur et l’âme de ce club. Contraint de faire face aux renouvellements récurrent des effectifs en A-League, il voit son équipe s’affaiblir au fil des années et le club chuter au classement (sixième en 2017). Sans doute lassé, et voyant des joueurs tels que Terry Antonis et Kerem Bulut non conservés, Tony Popovic met fin à son cycle victorieux en quittant le club une semaine avant la reprise pour aller tenter sa chance en Europe, à Karabükspor (il ne dirigera que neuf matchs). Reste que depuis, les Western Sydney Wanderers ne sont plus les mêmes comment en témoignent les supporters du club*, ceux qui se rassemblent sous la bannière du Red and Black Bloc : « Popovic était un maniaque de gestion au club et il prenait toutes les décisions, obtenant probablement ce qu'il voulait dans la plupart des cas et défiant les propriétaires et le PDG. Cela a marché et nous avons gagné des titres, car tout le monde était sur la même longueur d'onde. Lorsque Tony est parti, tous ces gens du club ont soudainement dû se mettre d'accord sur la façon de prendre des décisions et de travailler ensemble, mais ils ont lamentablement échoué. C'est un peu comme Alex Ferguson qui a quitté Manchester United. Une grande chute. Malheureusement, nous avons maintenant un propriétaire qui domine tout le monde et prend les décisions clés. Personne ne veut contester cela. C'est simple, nous avons besoin que le WSW ait une culture où les gens sont responsabilisés et se mettent en accord sur la même feuille de route. Si nous avons un PDG qui est trop peureux pour penser de manière indépendante, il est temps de changer. Ramenez Lyle Gorman qui n'a pas eu peur de poursuivre ce qu'il estimait être le mieux malgré l'opposition des propriétaires ». Là est le problème pointé par les supporters, un dirigeant qui ne parvient pas à gérer un club et qui l’amène à végéter en dehors du haut de tableau depuis quatre saisons. De manière récurrente, les meilleurs joueurs du Western Sydney Wanderers ne font pas plus d’une saison ou club et poursuivent leur carrière ailleurs, dans d’autres clubs du championnat ou à l’étranger. Plusieurs cas, à travers les années, évoquent cette mauvaise gestion et l’incapacité à conserver les meilleurs pour construire autour : Chris Ikonomidis, Terry Antonis, Mitchell Duke, Alexander Baumjohann, n’ont joué qu’une seule saison voire une et demie. Ikonomidis est allé au Perth Glory, avec Tony Popovic, où il a remporté le titre de champion de saison régulière et disputé une finale de Championship. Terry Antonis est allé au Big V de Melbourne et Alexander Baumjohann chez le rival Sydney FC. Les deux ont soulevé des titres nationaux. De son côté, Duke a retrouvé une forme et a décroché un meilleur contrat à l’étranger. « Le recrutement dans notre club est un vrai gâchis, nous distribuons des contrats à long terme à des joueurs moyens alors que tous les bons joueurs semblent partir presque aussi vite qu'ils arrivent alors que Lederer ne paie pas pour les retenir. Depuis que nous avons gagné la Ligue des Champions, nous n'avons pas pu trouver un attaquant de haut niveau en même temps qu’une équipe de haut niveau. Nous avons signé Oriol Riera, mais le reste de l'équipe était moyenne voire mauvaise. Lorsque Brendon Santalab avait marqué quatorze buts en 2016-17, le reste de l'équipe a à peine réussi à se hisser à la sixième place ». Cette instabilité est symbolisée également par la valse des capitaines, cinq en cinq ans quand chez les Sky Blues voisins, on en a connu que quatre en dix ans.
Retrouver son identité
Il faut rappeler à quel point le WSW est un club particulier. Lorsque la fédération ouvre une nouvelle franchise dans l’Ouest de Sydney, elle met en place une stratégie peu commune : faire appel aux futurs fans. À travers des sondages en ligne et en s'appuyant sur les réseaux sociaux, les futurs fans du club peuvent ainsi définir le nom, les couleurs, le lieu mais aussi la culture du club, son style de jeu. C’est cet ADN qu’invoquent désormais les supporters. Retrouver une communication entre tous les membres constituant le club (dirigeants, supporters, joueurs…). Il y a quelques jours, le président Paul Lederer a évoqué devant la presse, un grand ménage dans l’administration du club dans le but de se séparer des personnes qui n’ont pas leur place. Reste à savoir si Lederer activera les bons leviers, s’il saura se rappeler de ce qui fait l’identité du WSW pour lui permettre de revenir sur le devant de la scène. Les dirigeants ont désormais jusqu’à décembre prochain pour démontrer leur volonté de faire à nouveau de ce club une place du football en Australie. Un club qui est probablement ce qu’il se fait de mieux en termes de passion, de ferveur, de culture et de dévouement. Un dévouement qui ne s’achète pas, mais se construit.
* Propos recueillis par Antoine Blanchet-Quérin