Troisième jour de compétition marqué par les grands débuts du Qatar et par l'entrée en lice de l'un des grands favoris, l'Uruguay. Dans un cas comme dans l'autre, la satisfaction est de rigueur.

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Guide de la compétition

Paraguay 2-2 Qatar

C'était l’un des matches les plus indécis de cette première journée. Un Paraguay en reconstruction avec l'arrivée de Toto Berizzo sur le banc cette année et en face une équipe du Qatar championne d'Asie mais qui vient sur une terre inconnue. On a rapidement été fixé, du moins on le pensait. Une main naïve dans la surface après deux minutes. Un pénalty transformé par Cardozo et l’Albirroja est rapidement devant. Mais la suite a été bien plus compliquée. Dominateur, le Qatar s'est procuré les plus belles occasions de la première période en étant fidèle à son jeu, notamment par Ali Almoez qui a raté une balle d'égalisation seul face au but vide. Même scénario après la pause où le Paraguay a rapidement mis le but du break, magnifique frappe de Derlis González, avant de craquer. En dix minutes le Qatar est revenu grâce au meilleur buteur de la dernière Coupe d'Asie Ali Almoez d'abord avant d'arracher le point du match nul sur un but gag avec une frappe mal repoussée par un Roberto Fernández très mal sorti et poussée dans ses propres filets par Rodrigo Rojas. Le défenseur paraguayen s'est d'ailleurs blessé sur l'action. Ce match nul est loin d'être usurpé pour une équipe qatarie qui, à part les dix premières minutes, n'a jamais semblé ni paniquer ni renier ses idées. Elle pourrait bien être le poil à gratter de ce groupe, voire même en quarts puisqu'elle est tout à fait capable d'accrocher les deux autres équipes de son groupe. À voir comment elle va se comporter mercredi contre la Colombie, un adversaire supérieur au Paraguay, avec un jour de moins de récupération que son adversaire. Le Paraguay a lui montré ses limites et a été plus que décevant. Incapable de tenir un score, elle n'a surtout rien montré dans le jeu. Heureusement que l'efficacité était au rendez-vous.

Les doutes paraguayens

La version Berizzo du Paraguay était une affaire de promesses. Disciple de Bielsa, Toto n’avait jusqu’ici pas véritablement tenues celles-ci bien que clamant à qui voulait l’entendre que son équipe serait protagoniste et irait chercher haut l’adversaire. Organisé en 4-2-3-1, l’Albirroja a surtout brillé par son manque d’idée et surtout n’a quasiment jamais véritablement contrôlé la rencontre à l’exception des débuts de mi-temps où le scénario fut le même : pression haute et vélocité. Cela a été suffisant pour créer du danger et faire vaciller la défense qatarie. Le Paraguay était ainsi récompensé d’un penalty d’entrée de match, transformé par Óscar Cardozo, d’un but de doublé de Tacuara refusé après VAR et d’une merveille de Derlis González quasiment dans la foulée pour le 2-0 en tout début de deuxième acte. Principal souci pour les Guaraníes, en dehors de ces deux entames de mi-temps, le match a été sous contrôle qatari. Eduardo Berizzo l’a souligné en conférence de presse, il a manqué du monde au cœur du jeu capable de tenir le ballon et ainsi contrôler la possession. Alors le Paraguay a souffert, s’en est remis à un excellent Roberto Gatito Fernández pour résister un temps aux Maroons, et a laissé le Paraguay dans une situation de chasseur, à jouer les contres en profitant des qualités de percussion de Miguel Almirón et autre Derlis González, mais se montrant surtout sans capacité à générer du jeu, à imposer le tempo. Voilà désormais le Paraguay dans une position bien délicate dans son optique de qualification : avec l’Argentine et la Colombie qui se profilent, le travail semble bien trop important pour espérer quelque chose de positif.

La confirmation qatarie

Par Jordan Bozonnet

Le Qatar, sans surprise, n’est pas là pour faire de la figuration. Qui aurait pu prévoir que le Qatar atteigne un tel niveau de jeu à trois ans d’organiser sa propre Coupe du Monde ? Sûrement ceux qui les ont suivis à la Coupe d’Asie en début d’année. Cette compétition où les joueurs de Felix Sánchez ont soulevé le premier trophée continental de leur histoire et épaté de par leurs nombreuses qualités. Ce dimanche, pour leur entrée dans la Copa America pour laquelle ils sont invités, les Maroons ont prouvé au monde entier qu’il allait falloir compter sur eux, et ce, dès aujourd’hui. Alors certes, ils n’ont pas gagné (2-2), mais le jeu et les intentions sont porteurs d’avenir. Sans ces débuts de périodes où ils semblaient avoir la tête ailleurs, ils ont régalé. Sur le terrain, l’envie de produire du jeu est bien réelle. Le Qatar tente de repartir proprement depuis derrière. Afif, en tant qu’électron libre, descend jusque dans sa moitié de terrain pour amorcer des attaques. Il profite des errements dans le milieu paraguayen pour avancer balle au pied ou écarter le jeu. Quand ce n’est pas lui, c’est Al-Haydos qui prend ce rôle. Les déplacements entre les lignes du capitaine qatari font du mal au Paraguay tout comme ses passes bien senties comme en témoigne celle majestueuse adressée à Abdulaziz Hatim peu avant la mi-temps (38e). L’inspiration d’Almoez, légèrement détournée (67e), et le but de Koukhi (77e) après un superbe une-deux entre Almoez et Afif au début de l’action, permettent au petit émirat du Moyen-Orient de prendre son premier point dans la compétition. Sans une défense parfois en dilettante, point principal à retravailler, le Qatar peut clairement jouer les trouble-fêtes dans ce groupe B et plus largement dans cette Copa América. Tout n’a pas été parfait mais les Maroons ont des bases solides sur lesquelles s’appuyer pour avancer.

Uruguay 4-0 Équateur

On attendait avec grande impatience l’entrée en lice d’un Uruguay qui aime être outsider mais qui ne peut nier le fait qu’il est l’un des grands favoris de l’épreuve, le premier rendez-vous brésilien de la Celeste n’a pas permis aux hommes du Maestro de pouvoir avancer cachés. On ne jouait que depuis six minutes que Nico Lodeiro signe le premier chef d’œuvre de la soirée en s’amusant d’un José Quintero dont le calvaire allait devoir être interrompu par l’arbitre de la rencontre une vingtaine de minutes plus tard, avant de fusiller Alexander Domínguez. Une façon idéale d’inscrire le 400e but de l’histoire de la Copa América. Passé devant au score, l’Uruguay ne relâchait pas la pression, continuait à appuyer dans les couloirs, un côté Nahitán Nández, un coup côté Laxalt-Lodeiro, profitant des opérations porte ouverte de la défense de la Tricolor. Alors l’addition allait s’alourdir. Nández se voyait refusé un but au VAR pour un hors-jeu de Cavani au départ de l’action, ce n’était que partie remise lorsque le Parisien s’envolait pour offrir ce qui sera probablement l’un des golazos de la compétition et doubler la mise à la demi-heure. Entre temps, José Quintero avait été exclu pour un coude dans le visage de Laxalt, la suite restait totalement bleue celeste. Luis Suárez ajoutait son but peu après la demi-heure, l’affaire était pliée, pire, on était inquiets pour la Tri.

Fort heureusement pour elle, la seconde période allait être moins « vertigineuse » côté Uruguay qui passait en mode gestion. Le Maestro Óscar Tabárez allait sortir un milieu par dizaine de minutes, l’Uruguay s’offrir un quatrième but sur un magnifique csc de Mina après une remise de la tête de Gastón Pereiro et ainsi, comme l’écrit notamment la presse paraguayenne, déposer officiellement sa candidature. De son côté, l’Équateur n’a certes pas eu la tâche facilitée par l’exclusion de son latéral droit en milieu de premier acte, avec seulement un tir (non cadré) en quatre-vingt-dix minutes, il ne pouvait pas espérer faire taire les statistiques déjà défavorables (en douze affrontements sur terrain neutre, la Tri n’avait gagné qu’une seule fois – c’était au Brésil il y a trente ans – pour dix défaites et un nul). Il lui faudra désormais trouver une idée pour ne pas se retrouver dans une situation pas seulement préoccupante mais surtout dramatique.

Le néant équatorien

Hernán Darío Bolillo Gómez l’avait annoncé, la Copa América 2019 n’est pas l’objectif de son Équateur mais cela ne peut expliquer ni excuser certains choix. Avant la compétition, dans notre guide, nous donnions la liste des points qui laissaient planer le doute concernant cette Tri : les choix de Bolillo en matière offensive mais aussi et surtout dans l’entrejeu (avec les absences de joueurs tels que Cristián Noboa, Jefferson Montero, Juan Cazares ou Fernando Gaibor, des éléments capables de tenir un ballon et de créer des mouvements offensifs. Le manque de solidité défensive qui dans un système misant tout sur le contre et la chance d’être létal, risquait d’exposer l’Équateur a bien des situations embarrassantes. L’embarras aura ainsi été total, les doutes posés au début de la compétition totalement validés. L’Équateur était content de pouvoir compter sur le retour de Jefferson Orejuela, un temps incertain, les défauts majeurs ont été exposés au grand jour. Le cœur du jeu n’a jamais vu et tenu le ballon, les couloirs n’ont été que couloirs aériens destinés aux avions uruguayens, la défense, le duo Mina- Achilier notamment, a été d’une incroyable fébrilité. Pire, le choix du technicien colombien de sortir Mena, supposé être l’enganche que la sélection n’a pas dans ses vingt-trois, pour faire entrer Velasco et tenter de fermer l’une des deux autoroutes latérales (sans succès bien évidemment), n’a pas porté ses fruits. Sans inspiration, sans idée, sans qualité, cette Tri a fait peine à voir, son unique tir n’a même pas fait frissonner Muslera, si l’Équateur pouvait espérer avoir un coup à jouer dans un groupe lui faisant croiser un Chili en proie au doute et un Japon expérimental, la sortie du Mineirão a probablement enterré tout espoir et pose bien des questions sur l’avenir du Bolillo à la tête de ce groupe.

L’œuvre du Maestro

Par Jérôme Lecigne

L'Uruguay a eu peur. Pendant la préparation (la blessure au genou de Suárez), pendant les quelques jours avant le match, à la première minute quand Godín effectue une passe quasi-décisive à Valencia sur une passe en retrait... Et puis Lodeiro a marqué à la sixième (magnifique but avec une sorte de sombrero dans la surface au-dessus de son adversaire) et tout le monde a été rassuré. Lodeiro était le joueur surprise des compositions du Maestro depuis un mois, car l'ancien du Nacional est moins « bankable » qu'un Torreira jouant à Londres ou Federico Valverde à Madrid. Sauf que voilà, le football, ce n'est pas ça. C'est un onze et dans ce onze, Lodeiro se glisse à merveille entre les trois milieux plus besogneux et l'attaque. Malgré sa coupe de cheveux, il a marqué beaucoup de points hier soir. Les Équatoriens jouaient le match assez durement, jusqu'à ce qu'à la vingt-quatrième minute, José Quinteros soit aussi logiquement que stupidement expulsé pour un coude dans le visage du pauvre Lodeiro, décidément omniprésent. Avec l'avantage numérique et au tableau d'affichage, l'Uruguay va passer en mode rouleau compresseur pendant une demi-heure. Cavani se procure trois occasions, la première sur une frappe arrêté par le gardien, la deuxième du talon repoussé sur le poteau, avant enfin de marquer sur un coup de pied arrêté, d'un magnifique ciseau. Pour son onzième match en Copa América, Cavani ne marque ici que son premier but. Sans doute pas le dernier s'il garde ce niveau dans les jours à venir. Avant la mi-temps, et après d'autres occasions notamment une frappe de Nández, c'est Suárez qui y va de son petit but sur un ballon bien joué en pivot par Cáceres. On ne voit plus l’Équateur.

Heureusement pour les andins, l'Uruguay va décider en deuxième période de jouer à l'économie, contrôlant le ballon devant une défense équatorienne repliée. Plus grand chose ne se passe, au Minerão. Muslera peut profiter de son anniversaire (33 ans), sereinement, la défense n'est plus inquiétée. Sur un débordement anodin à la soixante-dix-huitième, Suárez arrive à redresser un ballon le long de la ligne de but et suite à un centre, Mina marque contre son camp pour clôturer la marque quatre à zéro. Encore une fois, de nombreux succès sont l’œuvre du Maestro Tabárez. Parmi les meilleurs joueurs et si on omet les deux attaquants, on retrouve un excellent Lodeiro, un Laxalt très actif sur son côté, deux des postes sur lesquels l'entraîneur avait plus de doute. Pour juger d'eux, il faudra revoir le reste du milieu et la défense dans des configurations de match moins avantageuses. Pour le reste, tout baigne.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.