Pendant que la sélection a connu toutes les peines du monde pour se qualifier pour la Russie, les différents clubs du pays ont parfois lutté contre la dette, le football local contre son chaos, mais au final, auront réalisé une année 2017 plus que satisfaisante. Retour sur l’année 2017 des clubs argentins.

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(encore) Une année agitée

80 jours sans football, une menace d’exclusion de la FIFA, une gestion des plus chaotiques, impossible de ne pas revenir sur 2017 en Argentine sans débuter par la mascarade qui aura animé le début d’année. De l’affaire de la mise à mort de Fútbol para Todos qui aura emmené dans les filets de la dette provoquée quelques petits clubs (la bise à Sarmiento), de l’élection du pantin Claudio Tapia symbole du retour d’une présidence à la Grondona à laquelle viennent prendre part des Angelici et autres Moyano (en même temps, Tapia – Moyano, c’est la famille comme on dit), à la grève des joueurs, le premier trimestre aura été perdu, l’Argentine a ensuite cherché à rattraper le retard pris.

Aller plus loin : Fin de Fútbol para Todos : quand économie et politique plongent l’Argentine dans le chaos   

Du 20 décembre 2016 au 10 mars 2017, seuls Lanús et River ont ainsi proposé un match national en Argentine, la Supercopa Argentina, remportée par le Granate, les seuls moments de rencontres officielles du début 2017 étant les rendez-vous continentaux. 2018 sera-t-il plus calme que 2017 ? Rien n’est moins sûr car désormais, la fameuse Superliga étant déjà remise en question notamment par Nicolás Russo, président de Lanús, qui appelle au retour des tournois courts. C’est aussi cela l’Argentine, l’incapacité à rester calme, quel que soit le moment. Championnat long ou pas, le fait est qu’au milieu de ce chaos général, les géants se sont réveillés.

Le retour des géants

Au premier rang des géants qui ont signé un retour fracassant, Boca qui a écrasé l’année argentine sur le plan national. Le 4-3-3 de Barros Schelotto s’est trouvé un équilibre, une colonne vertébrale, des joueurs capables de perforer toute défense adverse et surtout un goleador, un vrai, Darío Benedetto qui a enfin mis fin à la terrible malédiction du 9 de Boca depuis la fin de l’icône Martin Palermo. Et Boca a tout écrasé. 4 défaites sur les 28 matchs de championnat disputés en 2017, un titre tranquillement acquis sur le tournoi 2016/17, une première place plus partagée depuis la 3e journée du tournoi 2017/18, un record historique de victoires consécutives en ouverture de saison tutoyé, Boca, meilleure attaque, meilleure défense sur l’année (cette dernière statistique partagée avec Independiente qui a disputé un match de moins en championnat), règne sans partage sur l’élite argentine et va profiter de l’intersaison pour muscler davantage son effectif avec l’arrivée d’échéances continentales qui lui ont certes manqué mais qui finalement l’ont également bien aidé à écraser le championnat et gagner en sérénité durant tout 2017.

Si on évoque Boca, il est naturel d’enchaîner avec River Plate. Dauphin des Xeneizes sur le tournoi 2016/17, River s’était montré ambitieux notamment en Copa Libertadores après une première phase tranquillement gérée. Mais le mercato d’été européen aura coûté cher aux Millonarios qui ont également enchainé les mauvais choix, à l’image de la gestion désastreuse du poste de gardien de but qui aura vu Marcelo Gallardo aligner 4 portiers différents en six mois, un vétéran prendre la place du jeune espoir sacrifié suite à quelques prestations manquées, pour au final se retrouver à arpenter le marché des transferts pour trouver la perle rare (chose qui semble désormais faite avec l’arrivée de Franco Armani, déjà pisté il y a 2 ans). Il n’y aura pas eu que les mauvaises gestions qui auront plombé la deuxième moitié d’année de River. D’abord les affaires de dopage de deux joueurs clés, Lucas Martínez Quarta et le couteau suisse (enfin uruguayen) Camilo Mayada, les blessures des autres (Jorge Moreira par exemple) puis évidemment les départs non compensés (la perte du duo Alario – Driussi notamment). Et enfin, il y a eu les montagnes russes de l’émotion : de l’exceptionnelle remontada face à Jorge Wilstermann à celle subie à coups de défense totalement dépassée le tout caché sous l’ombre de la polémique face à Lanús. Au final, River se console avec une Copa Argentina qui lui permet de retrouver la Libertadores dès 2018 et surtout conserve Marcelo Gallardo, l’homme aux sept titres en trois ans qui termine tout de même son année sur son deuxième meilleur bilan au club (63.8% de victoires) mais avec une certaine amertume.

L’amertume, il n’y en aura pas du côté d’Independiente. Troisième géant à redorer son blason en 2017, le Rojo est probablement celui qui a proposé le jeu le plus chatoyant de tous, la philosophie Ariel Holan basée sur une fluidité collective associée à la présence de véritables talents dans le groupe, le plus scintillant restant sans aucun doute Ezequiel Barco (merci Jorge Griffa), ayant contribué à la belle saison du club si cher à Agüero. Au pays, derrière Boca, Independiente est l’équipe qui a le moins perdu. Sur le continent, elle a retrouvé son ADN en remportant sa deuxième Sudamericana. Mais la sérénité est un vœu pieux en Argentine. À peine le titre célébré, Ariel Holan rappelait la dure réalité de la vie d’un personnage du football local argentin et l’omniprésence du cancer que sont les barras en annonçant son départ faute de garantie de sécurité envers sa personne et sa famille. L’annonce faisait écho à l’agression qu’il avait subi de la part de responsables de la barra d’Independiente quelques semaines auparavant et le climat de terreur dans lequel il a dû évoluer ces derniers mois. Depuis, le club et l’entraîneur ont trouvé un accord, celui-ci a annoncé sa prolongation. Si on ne sait pas encore (et on ne saura sans doute jamais) quelles sont les compromis (financiers) trouvés par les dirigeants avec la barra pour qu’elle laisse Holan bosser tranquillement, les amoureux de football et du club auront passé de belles fêtes de fin d’année, le maintien de l’ancien sélectionneur de l’équipe féminine de Hockey uruguayenne garantissant au Rojo d’être encore une valeur sûre en 2018.

Autre géant de retour, San Lorenzo. De retour ? Encore eût-il fallu qu’il disparaisse. Car statistiquement, le Ciclón est la deuxième meilleure équipe d’Argentine depuis 2015. De quoi jouer la stabilité ? Pas vraiment. Après l’épisode Guede en 2016, Diego Aguirre est arrivé et a payé la contre-performance de la Copa Argentina face à Morón et l’élimination en quarts de la Libertadores pour laisser place à une période de transition qui n’en est plus une finalement, celle de Claudio Biaggio. Reste que sur le terrain, San Lorenzo continue de gratter des points, s’accroche à Boca et, sous la conduite del Pampa, montre de nets progrès dans le jeu. De quoi se montrer ambitieux en 2018.

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Nouveaux cycles et belles promesses

Dans l’ombre des cinq grands d’Argentine, ils sont plusieurs à se tailler une part du gâteau, plus ou moins grande, mais avec souvent quelques honneurs. C’est évidemment le cas de Lanús. Meilleure équipe d’Argentine en 2016, le Granate a ouvert 2017 par un carton face à River et l’a terminée par une finale historique de Libertadores, perdue face à un adversaire bien supérieur. Reste que ces belles certitudes acquises seront désormais des souvenirs sur lesquels s’appuyer après le départ de Jorge Almirón. Une tâche bien délicate qui s’annonce pour Ezequiel Carboni qui a débuté son histoire avec le club par un lourd 0-3 reçu face à la Chacarita. Ce nouveau cycle n’est pas le seul au pays pour 2018. Il y a ceux qui vont poursuivre le travail début mi-2017 comme Estudiantes où Lucas Bernardi tentera de remettre le club dans le bon sens après des débuts plutôt moyens (4 victoires, 1 nul, 3 défaites en huit matchs de championnat dirigés par l’ancien monégasque), ou Newell’s au sein duquel l’ancien élément clé de la Lepra version Bielsa, Juan Manuel Llop essaie de renouer avec la tradition. Il y a aussi ceux qui repartent de zéro. C’est le cas du Racing qui avait longtemps misé sa deuxième partie d’année 2017 sur un parcours en Sudamericana avant de s’apercevoir que le retour à la maison de Diego Cocca aura été un échec. La Academia repart donc à zéro et s’appuiera sur un duo Eduardo Coudet entraîneur – Diego Milito manager pour relancer la machine ou de Rosario Central qui donne officiellement les clés de la maison Canallas à Leonardo Fernández après le spectaculaire redressement de fin d’année (3 victoires en trois matchs dont une lors du Clásico). Même son de cloche du côté de Vélez qui nomme le très attendu Gabriel Heinze, l’homme qui avait fait revivre Argentinos et qui va devoir désormais sauver un Fortín en grand danger (premier non relégable).

Pour tous ces aspirants à devenir le sixième grand d’Argentine (à l’exception du Racing, qui fait déjà partie du club des cinq), l’objectif est le même, faire de 2017 une transition vers des promesses pour 2018. On aura donc l’occasion d’en reparler la saison prochaine, le bilan de l’année n’étant finalement pas le lieu le plus approprié. Alors, s’il faut se pencher sur 2017, il faut absolument citer Banfield, Colón, l’Atlético Tucumán et Defensa y Justicia. Du côté du Taladro, la recette concoctée par Julio César Falcioni, un assemblage d’anciens (Civelli, Bertolo, Cvitanich, Datolo, Sperduitti, Mouche) et de jeunes pousses locales (Spörle, Remedi) fonctionne à merveille. Le Taladro a terminé le tournoi 2016/17 en trombe, à la cinquième place, s’offrant un ticket pour la Libertadores 2018 et avait parfaitement débuté 2017/18 (un temps sur le podium) avant de céder du terrain. L’intelligence collective, c’est aussi la signature maison du côté du Decano. Déjà auteur d’un joli parcours en Libertadores pour sa première dans l’épreuve sous la direction de Pablo Lavallén, le Decano n’a même pas vacillé lorsque son coach est parti et a choisi l’intelligence de Ricardo Zielinski pour continuer à avancer. Et ce qui est fou c’est que la continuité fonctionne. l’Atlético Tucumán sera de retour en Libertadores après avoir perdu sur le fil la finale de Copa Argentina et est confortablement calé en milieu de tableau, reste invincible dans son Monumental, à portée des accessits. La continuité c’est aussi le choix de Colón qui conserve Eduardo Domínguez à sa tête pour 2018 et peut raisonnablement envisager continuer de jouer les trouble-fêtes en championnat et un beau parcours en Sudamericana. La dernière attraction de 2017 en Argentine reste bien évidemment Defensa y Justicia. Et là encore, il est question de continuité et d’intelligence collective. El Halcón est désormais le laboratoire des coaches les plus ambitieux du pays. Du Bielsista Darío Franco en passant par le vainqueur de la Sudamericana, Ariel Holan, au finaliste de la dernière Libertadores, Jorge Almirón, les exemples sont nombreux, le dernier en date, qui avait totalement redressé le club par son jeu et par les résultats n’étant que Sebastián Beccacece, actuel adjoint de Sampa et qui avait notamment laissé le club après un exploit en Sudamericana, l'élimination du grand São Paulo au Morumbi. Désormais, c’est sous la houlette de Juan Pablo Vojvoda, encore un ancien de la maison Newell’s, que la tradition de jeu se perpétue et fait de DyJ l’une des équipes à regarder en championnat mais aussi un solide prétendant aux accessits (El Halcón, deuxième meilleure attaque du championnat, n’est finalement qu’à trois petits points d’une place en Libertadores). Autant dire qu’au pays où tout change du jour au lendemain, ces certitudes acquises en 2017 seront là pour nous offrir quelques garanties en 2018 tout en sachant que l’on comptera sur les belles surprises du deuxième semestre, Unión, Talleres, Huracán voire Belgrano, pour venir nous rappeler le scandale qu’aura été le fait de ne pas plus abondamment les citer dans ce bilan.

L’équipe type de l’année argentine

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Nombreux sont les candidats, peu sont les élus. À l’heure de faire un choix sur le onze type de l’année 2017 en Argentine, celui qui aura animé la deuxième partie du tournoi 2016/17 et la première du tournoi 2017/18 (vous suivez encore ?), les candidats ne manquaient pas. C’est plus particulièrement le cas sur le poste de gardien où finalement personne n’a cassé la barraque. On aurait pu citer Martín Campaña toujours efficace dans les cages du Rojo ou encore Alexis Martín Arias, l’un des grands artisans à la troisième place des défenses du Gimnasia lors du tournoi précédent. Mais le choix se portera sur Agustín Rossi. Tout simplement car du haut de ses 22 ans, le gamin venu de Defensa y Justicia pour palier la blessure de Sara s’est tout simplement installé dans les cages d’un Boca invincible et qui a signé 10 clean sheets sur ses 15 derniers matchs. Devant lui, une ligne de quatre composée du meilleur latéral gauche du pays, Nicolás Tagliafico, Lisandro Magallán dont l’association avec Paolo Goltz est la plus sûre du pays mais à qui nous associerons le pitbull de San Lorenzo, capable de jouer dans l’axe ou dans le couloir, Paulo Díaz afin de placer José Luis Gómez essentiel dans la conquête du titre 2016 et dans le parcours en Libertadores de Lanús. Devant eux, un seul homme, élément clé du Granate sauce Almirón, Iván Marcone, cinco essentiel à l’équilibre de sa formation. On aura pu lui préférer Wilmar Barrios, qui s’est imposé et a rééquilibré le 4-3-3 de Boca mais nul doute que le Colombien trouvera sa place dans ce onze la saison prochaine. Il permet ainsi de poser deux joueurs plus offensifs à ses côtés. Le premier sera Enzo Pérez qui a redonné un temps de l’allant à un River qui semblait en perte de vitesse en masquant notamment le piètre rendement d’un Nacho Fernández, et le maître à jouer du Ciclón, Fernando Belluschi, dont on voulait saluer l’excellent rendement depuis son retour. Devant eux, une ligne de trois, deux machines à perforer, la pépite du Rojo Ezequiel Barco d’un côté, celle de Boca, Cristian Pavón de l’autre. Les deux pour servir l’homme qui a empilé les buts au pays en 2017, Darío Benedetto (9 buts en 9 matchs de championnat, 12 buts en 12 matchs toutes compétitions confondues depuis août, 35 en 42 matchs depuis son arrivée à Boca). Pour chapeauter le tout, les possibilités ne manquaient pas au pays avec deux entraîneurs ayant emmené leurs équipes en finale continentale, un qui continue de décrocher des titres, d’autres qui émergent mais la priorité sera donnée au champion, à celui qui aura fait de son équipe celle de l’année 2017 : Guillermo Barros Schelotto.

Qui dit onze, dit énormément de joueurs sur la touche. L’heure est donc venue de remettre des bons points à l’excellent Germán Conti, 23 ans et déjà un cadre à Colón, au duo de River appelé à prendre la relève dans l’axe Lucas Martínez Quarta – Alexander Barboza (auxquels on peut associer Gonzalo Montiel), à la promesse Ian Escobar, plus qu’intéressant avec Talleres, et à la pile du couloir droit d’Independiente Fabricio Bustos. Mentions spéciales aussi à la belle révélation Gabriel Gudiño dont on attend beaucoup à San Lorenzo où brille déjà Bautista Merlini, au toujours très bon David Barbona, l’un des symboles du Decano, Lautaro Acosta, toujours essentiel au Granate, Lautaro Martínez qui a fait le taf (parfois bien trop seul) au Racing et enfin à la légende José Sand dont le départ de Lanús scelle définitivement la fin d’une époque.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.