Le temps de souffler quelque peu et le football argentin redémarre au sprint. Avec un championnat resserré qui s’étale sur à peine plus de quatre mois, les prochaines semaines s’annoncent dense. Avec une question, celle de savoir si les gros bras de la Copa seront ceux du deuxième semestre.
Avec une élite composée de vingt-huit clubs, l’Argentine doit toujours s’arracher les cheveux pour mettre en place un calendrier cohérent. Et lorsqu’ajouté à celui, la fin d’année propose une Coupe du Monde en novembre, la conséquence est que l’agenda proposé aux clubs de l’élite se réduit davantage. Ainsi, après la Copa de la Liga remportée par Boca, le mois de juin était synonyme de coup d’envoi du championnat avec un bouquet final, la vingt-septième journée, prévu le 23 octobre prochain. En d’autres termes, l’Argentine a vingt semaines pour placer vingt-sept journées, le tout en prenant en compte les compétitions continentales qui vont également venir percuter le championnat. Autant dire que le marathon aura plutôt l’air d’un sprint.
La grande question est donc de voir comment les équipes encore engagées en Libertadores ou Sudamericana vont gérer ce championnat, tout en devant également résister à la folie du mercato européen qui ne manquera pas de les affaiblir durant les deux prochains mois. Sur le papier, au coup d’envoi du cent trente-septième tournoi national de football en terres albicelestes, ils sont ainsi assez nombreux pour nous offrir un joli suspense en haut du tableau, sans tenir compte des surprises qui ne manqueront pas de surgir. Et même s’il est toujours difficile de se lancer dans un guide du tournoi, encore plus quand on sait que les équipes ne seront plus les mêmes d’ici deux mois, on suivra quand même quelques formations avec attention.
On prend les mêmes ?
Du côté des deux géants, Boca et River, l’heure est un peu au questionnement. Boca a certes remporté la Copa de la Liga, s’est assuré une place en huitièmes de la Libertadores, mais n’a convaincu personne. Pour l’instant, en termes d’effectif, Sebastián Battaglia s’appuie sur le même groupe, le marché n’ayant pas encore fait ses ravages habituels (il en est de même pour l’ensemble des clubs de l’élite). Du côté de River, alors que l’on vit les dernières semaines de sa formidable armada offensive, Julián Álvarez quittant le club durant l’été européen, Manchester City ayant payé la clause pour qu’el Araña ne finisse pas l’année à Nuñez, une armada qui n’a finalement que trop peu brillé eu égard aux attentes qu’elle avait générées. On semble également un peu attendre de voir de quoi l’hiver argentin sera fait, les dernières rumeurs folles envoyant Luis Suárez au Monumental excitant bien des supporters alors qu’une autre perspective sombre pointe, celle de voir Enzo Fernández quitter le navire. Pour l’un comme pour l’autre, juin est une période étrange, celle d’un entredeux qui peut tout conditionner quant aux priorités des prochains mois.
Un entredeux qui pourrait profiter à d’autres. C’est le cas par exemple de Racing, auteur d’un formidable tournoi sous la direction de Fernando Gago et qui s’offre un apport d’expérience avec l’arrivée d’Emiliano Vecchio au milieu après avoir soufflé le chaud et le froid, ce dernier étant la calamiteuse élimination en Sudamericana. À voir si Gago en fera une occasion de se concentrer sur un championnat au rythme fou qui devrait voir les engagés continentaux laisser des points sur la route. Ce pourrait le cas d’Estudiantes, qui a retrouve son ADN sous Zielinski, et s’il perd Gustavo Del Prete, s’offre aussi de l’expérience, derrière avec Luciano Lollo, au milieu avec Pablo Piatti. Et qui semble surtout un candidat sérieux au titre.
Derrière, on suivra avec attention quelques belles révélations de la Copa de la Liga. À commencer par les équipes joueuses que furent Defensa y Justicia, avec notamment le retour d’Uvita Fernández ; Argentinos qui doit tout de même gérer quelques départs, essayer de retenir Fausto Vera, Gabriel Florentín ou encore Gabriel Ávalos (c’est très mal parti pour ce dernier) et lutter contre l’infirmerie qui voit en son sein des joueurs tels que Pablo Minissale, Javier Cabrer, Nicolás Reniero, Migue Ángel Torrén ou encore Federico Redondo ; Vélez où l’arrivée d’Alexander Medina sonne comme une belle idée, il pourra s’appuyer notamment sur l’expérience d’un Diego Godín qui approche. Reste enfin les géants endormis (ou plutôt à la dérive) comme Independiente où Eduardo Domínguez est pharaonique ou San Lorenzo, l’endroit où rien n’est jamais stable bien longtemps avec l’arrivée de Rubén Darío Insúa à la tête d’une équipe sans président et où la rubrique départ est pour l’instant la seule à se remplir.
Reste enfin les belles surprises du premier semestre, comme Gimnasia et Newell’s, passés à un rien d’une place en quarts de finale, le premier dirigé par Néstor Gorosito envisageant de se renforcer à base d’anciens de la maison pour viser une compétition continentale, le deuxième misant sur la stabilité et l’excellent travail de Javier Sanguinetti ; comme Tigre, finaliste surprise, qui vise d’abord à se maintenir avant d’envisager être dangereux, ou enfin Aldosivi qui va devoir surtout gérer le départ surprise du Titán Martín Palermo, faute de soutien de la part de ses dirigeants. On regardera enfin le Barracas de Chiqui Tapía afin de savoir si l’on va découvrir le nouvel Arsenal.
Premières journées
Trois journées ont déjà été disputées et si aucun n’écart n’est évidemment fait, on sent déjà cet entre-deux, qui pourrait se poursuivre avec le retour des compétitions continentales. Que retenir de ces premières deux cents soixante-dix minutes ? Qu’Estudiantes est déjà aux commandes après avoir débuté par un nul dans le clásico platense, les Pinchas ont ensuite enclenché la marche avant en remportant leurs deux matchs suivants, toujours sur le plus petit des écarts, et mènent donc la course, emmenant dans leur roue le duo Platense – Newell’s. Certains favoris ne sont pas très loin, comme Boca qui s’est repris en s’imposant face à Tigre après une contre-performance lors de la journée précédente (voir plus bas), Racing et Argentinos, à une longueur, d’autres sont bien plus loin. C’est le cas de River, incapable de marquer le moindre but en trois sorties (voir la réception de l’Atlético Tucumán ci-dessous), ou de Vélez, qui a déjà perdu deux de ses trois premiers matchs et ne doit qu’à Aldosivi le fait de ne pas être dernier.
En inside
Par Vincent Dupont
River n'avance pas
Après le nul ramené de Florencio Varela, River recevait le Decano au Monumental. L’équipe de Marcelo Gallardo pouvait compter sur le retour de Julián Álvarez et de son gardien titulaire, Franco Armani. La première mi-temps a commencé avec un gros frisson lorsque Garay tentait de surprendre le gardien millionario, très avancé. Mais peu à peu, River s’est tranquillement installé dans le camp de l’Atlético Tucumán, venu pour défendre. Bien que le duo Álvarez-Fernández ait été très actif, avec comme point d’orgue une grosse occasion à la 27e minute, ce River-là semble trop prévisible pour pouvoir surprendre un bloc bas si bien installé. À plusieurs reprises, Carlos Lampe, allègrement sifflé pour avoir porté le maillot de Boca (sans pour autant avoir joué le moindre match), montait en puissance. La bande du Muñeco n’y arrivait alors pas. Juste avant la mi-temps, le stade entier réclamait un penalty sur Barco qui s’écroulait dans la surface après avoir dribblé trois joueurs. Pour l’arbitre Fernando Espinoza, il n’en fut rien. Au retour des vestiaires, les Millionarios ont immédiatement été très offensifs, de nouveau. Dès la 48e, Gómez était à deux doigts d’inscrire un magnifique ciseau sur un excellent centre de Barco. Le Decano ne respirait plus et, même lorsque les hommes de Pusineri, avaint des situations de contrattaque, ces dernières étaient très mal exécutées, l’Atlético Tucumán ne se procurant finalement aucune occasion en seconde mi-temps. Des occasions justement, River en a eu beaucoup. Tellement que les joueurs de la Banda Roja semblaient se désespérer et ne s’appliquaient plus vraiment en tirant de manière brouillonne de l’extérieur de la surface. Lorsque c’était cadré, Carlos Lampe, homme du match, répondait présent à chaque fois avec des arrêts parfois spectaculaires. Le match s’est ainsi surtout joué au milieu de terrain, tant le Decano a verrouillé sa surface. Deuxième match nul consécutif pour les deux équipes et toujours ce souci offensif à River.
Boca alternatif
De son côté, Boca se déplaçait à Santiago del Estero pour y affronter le modeste Central Córdoba. Après la difficile victoire en Copa Argentina mercredi face à Ferro, Battaglia avait décidé de composer une équipe mixte. Non sans surprise, puisque Nicolas Orsini était aligné à droite, à la place de Villa laissé au repos. Cela ne présageait rien de bon. Les premières minutes de jeu laissaient apparaitre une défense fébrile des deux côtés. Le duo Izquierdoz - Rojo n’est absolument pas rassurant et ce dernier sera l’acteur d’une action litigieuse dès la 4e minute (le VAR ne désigne pas pénalty, en revanche certains angles de la vidéo peuvent laisser penser qu’il y avait faute). Les deux équipes ont eu quelques actions intéressantes en première mi-temps, Ramírez ayant la plus claire à la 39e lorsqu’il ratait sa frappe face au but vide suite à une excellente récupération de Benedetto. À la suite de cette décevante première mi-temps, le club de la Ribera revenait avec de meilleures intentions après la pause. D’abord Pipa Benedetto qui voyait sa tête passée au ras du poteau dès la 50e, puis la frappe de Pol Fernández qui s’écrasait sur la transversale cinq minutes plus tard. Alors que les hommes de Battaglia semblaient proches d’ouvrir le score, Metilli, attentif et opportuniste après la parade de Rossi, marquait le premier but de la rencontre pour les locaux. Quatre minutes plus tard, un léger accrochage de Weigandt dans la surface offrait l’occasion à Central Córdoba de faire le break. C’était sans compter sur Agustín Rossi. Le gardien xeneize est un redoutable adversaire dans cet exercice et il le démontrait une fois de plus grâce à un nouvel arrêt. Pour faire simple, depuis qu’il est arrivé à Boca, il a arrêté quatre des cinq penalties tirés dans le temps réglementaire (et plusieurs arrêts décisifs lors de séances de tirs au but). Soraire inscrivait bien le 2-0 suite au rebond, mais le VAR invalidait le but puisque le milieu était dans la demi-lune (donc dans la surface) avant le tir. L’entrée de Villa à la 68e a certes fait du bien aux Xeneizes, mais Central Córdoba tenait jusqu’au bout. À l’image du match de Boca, Vázquez voyait son tir raser le poteau au bout du bout du temps additionnel (90+7e). El Ferroviario s’impose donc face aux Bosteros qui n’auront pas su être efficaces dans les deux surfaces.
Argentinos s'installe
Argentinos Juniors recevait Independiente. Le Bicho comptait bien rebondir suite à sa défaite surprise à Junín face à Sarmiento. Du côté d’Independiente, l’importance n’est pas moindre : le Rojo n’a gagné qu’un seul match à l’extérieur en 2022 dans les compétitions nationales. C’était face au modeste Barracas Central. Dans un Estadio Diego Armando Maradona des grands soirs, Argentinos prend tranquillement le match à son compte. Sans être extraordinaire, notamment dans le dernier tiers du terrain où les mauvais choix/exécutions sont légion, le Bicho ouvre le score dès la 21e minute à la suite d’un centre dans la surface repoussé et une belle combinaison collective avec en conclusion, oublié par les défenseurs, Thiago Nuss qui fait mouche d’une frappe puissante. Il faut tout de même attendre une très longue vérification du VAR (sans raison apparente), pour que le but soit accordé. Une vraie plaie en Argentine. On aurait pu se dire que ce but allait réveiller Independiente, il n’en fut rien. Bien que morne, le Rojo d’Eduardo Domínguez égalise sur corner juste avant la pause (44e) par le biais de Benegas (couvert miraculeusement du hors-jeu) après une remise de Barreto.
Au retour des vestiaires, les hommes de Gabriel Milito sont bien décidés à reprendre l’avantage. De nouveau, cet Argentinos prend le jeu à son compte et il ne faut pas attendre longtemps pour que ça paye. 53e minute, à la conclusion d’une excellente contre-attaque, Fausto Vera place une frappe chirurgicale au ras du poteau depuis l’entrée de la surface de réparation pour le 2-1. Le reste du match sera tranquillement géré par Argentinos tant ce Rojo-là est sans idées. Le Bicho, sans être brillant, mais toujours bien organisé, a été bien plus proche du 3-1 qu’Independiente du 2-2. Finalement, los bichitos colorados continuent de faire sensation. Ils sont pour le moment classés cinquièmes dans le classement annuel qui définit l’accès aux coupes continentales, juste derrière River à la différence de buts. Quant à lui, le Rey de Copas n’en finit plus de décevoir à l’extérieur et doit absolument se montrer actif sur le marché des transferts tant son effectif semble limité. L’arrivée d’Ivan Marcone, hincha du club depuis sa plus tendre enfance semble un bon début. Cela ne suffira probablement pas, et il se murmure déjà du côté d’Avellaneda que Domínguez pourrait claquer la porte si on en reste là.