Le conflit entre les clubs et les autres parties prenantes du football uruguayen continue. Après le refus des clubs d'adopter la nouvelle convention collective du joueur de football, le syndicat des footballeurs a décidé d'appliquer sa menace et de se mettre en grève. Commencée à bas-bruit, elle risque pourtant de durer.

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Le 6 septembre, le conseil de la ligue s'est réuni et a décidé de ne pas voter le nouveau « statut du joueur professionnel », nouvelle convention collective négociée entre des représentants de club et le syndicat des joueurs. Dès le lendemain, ce dernier mettait sa menace à exécution et déclarait la grève jusqu'à l'adoption dudit statut. Tout cela pourrait paraître simple, mais le conseil de la ligue est utilisé par les clubs pour s'opposer à l'AUF, cette dernière refusant la mise en place d'une ligue indépendante. Pendant longtemps, la fédération uruguayenne de football a été gérée par les clubs professionnels uniquement, ces derniers étant les seuls à y avoir un droit de vote. Depuis l'intervention de la FIFA de 2018, les clubs ont perdu leur poids prépondérant et cherchent donc, dans la logique européenne, à créer une ligue professionnelle qui gérerait les championnats professionnels d'une manière plus indépendante de l'AUF qu'aujourd'hui. Ce conflit sous-jacent risque d'entraîner une grève longue, qui va bousculer la fin de la saison 2023. Une grève de trois semaines serait en effet résorbée via des matchs en semaine (les compétitions continentales ne seront pas un problème). Une grève de plusieurs mois et le football uruguayen entrerait dans une nouvelle crise plus profonde.

Le véritable point d'achoppement n'est pas tant le statut du joueur ou le poids des clubs que la présence d'un éléphant invisible dans la pièce : Paco Casal. L'agent a pendant longtemps fait la pluie et le mauvais temps en Uruguay, en étant représentant de nombreux joueurs, diffuseur des matchs du championnat et de la sélection, équipementier de la Celeste... Las, depuis l'intervention des joueurs de la sélection puis celle de la FIFA, il a perdu de son poids et cherche à tout prix à ne pas perdre la diffusion du championnat qu'il possède depuis plus de vingt ans (et dont il possède les droits jusqu’en 2025) et qu'il utilise comme sa voix en Uruguay. Casal est un fervent défenseur de la création d'une ligue, qui déciderait de qui diffusera le championnat. Sachant que Casal a ses entrées dans de nombreux clubs, ce conflit, dont le point de départ est le salaire des joueurs de deuxième division, porte sa marque. Il pourrait ainsi avoir été provoqué en faisant en sorte que les clubs sur lesquels il influe grandement ne votent pas ce nouveau statut. Autant dire que la bataille ne fait que commencer.

 

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba