Salaires impayés, résultats sportifs catastrophiques et changement de ville jusqu’à la fin de l’année, Cúcata traverse une crise majeure et est pointé du doigt.

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31 mai 2007, grâce à un doublé de Blas Pérez et un but de Ruben Bustos, Cúcuta s’impose 3-1 contre Boca Juniors en demi-finale aller de la Copa Libertadores. Si le retour à la Bombonera se passe mal, défaite 3-0 avec donc une élimination à la clé, l’aventure continentale reste belle. 3-0 c’est aussi sur ce score que le Motilón s’est incliné lors de son dernier match de championnat. À des années lumières de son glorieux passé.

Il faut dire que le cadre n’est plus le même. En conflit avec la mairie pour des paiements non effectués et des travaux de rénovation, impossible d’utiliser le stade General Santander. Direction Armenia jusqu’à la fin de l’année, ville située à presque 800 kilomètres au sud-ouest et un passage d’une altitude nulle à 1500 au-dessus du niveau de la mer. Impossible dans ces conditions de faire venir les familles des joueurs, en tout cas pour certains. Et surtout certains joueurs sont forcés de vivre dans des conditions qu’on peut qualifier au mieux de précaires. ACOLFUTPRO, le syndicat des joueurs professionnels parle de certains joueurs logés dans une ferme à quatre par chambre, et donc pour qui il est impossible de respecter les conditions sanitaires en temps de pandémie.

À cela s’ajoute le problème des salaires. Une situation qui n’est malheureusement pas nouvelle. Dès juillet et alors que les joueurs avaient déjà négocié une baisse de 50% de leur salaire, certains souffraient de retard de paiement de trois à quatre mois. ACOLFUTPRO dénonçait déjà des difficultés de paiement de loyer ou même plus simplement pour assister à l’entrainement. Des difficultés qui, si l’on en croit le syndicat, ne dateraient pas de cette année. Dimanche dernier un point de non-retour a été franchi. En conférence de presse après le match, Gilberto « Alcatraz » García, expulsé lors de la rencontre, a cartonné ses dirigeants : « On a les limites qu’on a, mercredi on aura quinze joueurs disponibles, c’est quelque chose qui ne peut pas se passer dans un club professionnel, c’est quelque chose d’inédit, qu’on prévoyait depuis qu’on a repris après la pandémie, mais à aucun moment ils (NDLR : les dirigeants) n’ont pris les mesures. On paye désormais les pots cassés parce qu’il y aura toujours des blessés et des suspendus et que si on n’a pas un effectif suffisant, on ne peut pas y faire face. »

Alors qui dirige le club ? José Augusto Cadena n’en est pas à son premier club colombien puisqu’avant il est passé par Bucaramanga et Patriotas. Le moins que l’on puisse dire est que les expériences sont loin d’avoir laissé des regrets dans la mémoire des supports. Dans le premier, si l’on en croit le journaliste local Felipe Zarruk, les problèmes administratifs étaient tellement importants que le club a perdu la propriété du centre d’entrainement, des terrains et du bus. En 2008, le club est logiquement descendu (et n’est remonté qu’en 2015). En 2012, Cadena a donc posé ses valises à Tunja pour prendre les commandes d’une équipe récemment promue. Fin 2013, le club est au bord de descendre et l’entraineur de l’époque, Julio Comesaña (celui qui a fait neuf passages à Junior) envoie un message demandant le départ de la direction. Pourquoi est-il autant contesté ? Dans un entretien au grand quotidien colombien El Tiempo, il avait donné sa vision du football : « le football est et doit être un business. On achète des actions. On regarde quelles décisions doivent être prises. Bonnes ou mauvaises, mais nous sommes les personnes affectées ou les bénéficiaires ». Interrogé au sujet des salaires, sa défense consiste à dire que « Cúcuta a des dettes pas José Cadena ». Certains de ses joueurs apprécieront.

La fin 2020 devrait être un calvaire alors que l’existence même du club pourrait être menacée à court terme. Une chose est sûre, les joueurs ne lâcheront pas. Gilberto García a terminé sa conférence en expliquant qu’il ne savait pas ce qui allait se passer maintenant (NDLR : il risque un licenciement) mais que quoiqu’il arrive, qu’il était fier de ses coéquipiers et qu’il partirait la tête haute. Difficile de le contredire.

Pierre Gerbeaud
Pierre Gerbeaud
Rédacteur Colombie pour Lucarne Opposée