San Lorenzo n’a pas réussi son défi. Malgré une envie et une détermination manifestes, les Argentins n’ont pas pu inquiéter les hommes d’Ancelotti, qui ont géré leur match sans sourciller et remportent ainsi le premier Mondial des Clubs de l’histoire Merengue. Pour vous faire vivre cette finale historique, LO vous propose un Inside au Grand Stade de Marrakech et à Boedo, quartier d'origine de San Lorenzo.
Une ambiance fade digne d'un match amical d'une équipe nationale lambda
Le grand Stade de Marrakech s’est paré de ses plus beaux atours pour la clôture de la dernière Coupe du Monde disputée sur le sol chérifien. En apéritif, Auckland a parachevé sa semaine magnifique en glanant la troisième place aux dépens de Cruz Azul (1-1, 4-2 t.a.b) et le coach néo-zélandais a pu se payer un nouveau tour d’honneur avec sa peluche kiwi sous les vivats de la foule.
Plus de 25 mille personnes, que ce soit les locaux ou ceux venus de divers pays du monde (quelques centaines d’espagnols, libanais, égyptiens, etc.) ont choisi leur camp et arborent maillots et écharpes du Real Madrid. La police a placé des barrières un peu partout et coupé le stade en zones pour que le placement respecte un tant soit peu les numéros de sièges. Une bonne partie des supporters argentins se retrouve au niveau inférieur divisés en plusieurs petits groupes, loin du tumulte des tambours en haut. Si on excepte les quelques 600 membres de la Pena Casa Madridista (dernière pena du Réal créée au Maroc) qui ont fait une bonne animation et déployé un tifo sur la totalité du Virage Nord, le reste du public est resté dans une systématique applaudissements-sifflets et 2-3 slogans quelconques. Les milliers d’argentins disséminés aux quatre coins du stade découvrent alors les stades dans lesquels les consommateurs ont pris le pouvoir sur les supporters. Conspués à chaque tentative de chant, ils vont, à l’image de leur équipe, rapidement disparaître du paysage sonore. Ce qui a donné dans les 3 quarts du stade une ambiance fade digne d’un match amical d’une équipe nationale lambda.
On attend ce match depuis plus de quatre mois, depuis notre victoire en Copa Libertadores en fait. Ça fait 24 heures qu'on est à l'apéro, de toute façon on ne pouvait pas dormir.
Pendant ce temps-là à Boedo, des milliers d'hinchas se sont rassemblés à l'angle de San Juan et de l'avenue Boedo devant l'esquina Homero Manzi là où la légende prétend que le « tanguero » Homero Manzi aurait composé le fameux morceau “Sur” dans l’ancien “Café del Aeroplano”. Bars de caractère, épiceries anciennes, vieilles façades et rues pavées font le charme de ce quartier compris entre les avenues Independencia, Sánchez de Loria, Caseros et La Plata, c’est à dire entre Almagro (au nord), San Cristóbal et Parque Patricios (à l’est), Nueva Pompeya (au sud) et Caballito (à l’ouest). Mais Boedo est avant tout un quartier dont la vie est rythmée par la culture populaire : il respire à la fois le tango, le théâtre, la littérature et bien sûr le football qui ont fait et continuent de faire sa gloire notamment grâce aux récents exploits d’El Ciclon. « On attend ce match depuis plus de quatre mois, depuis notre victoire en Copa Libertadores en fait. Ça fait 24 heures qu'on est à l'apéro, de toute façon on ne pouvait pas dormir. C'est le match le plus important de notre histoire, je suis comme un gosse bordel ! » explique Alejandro, 35 ans qui d'entrée annonce la couleur.
Le prince héritier Moulay Hassan vient saluer les joueurs avec Sepp Blatter. 50 secondes à peine après le coup d’envoi le Real manque de peu l’ouverture du score mais Benzema, les crampons plantés sur la ligne des 6 mètres, rate le centre croisé de Ronaldo après une erreur du capitaine Mercier.
« Pas aujourd'hui Pichi putain! Une minute de jeu et j'en peux déjà plus » s'exclame un hincha du Ciclon bière à la main à la porte du bar Esquina Sur de Boedo.
San Lorenzo, remonté et prêt au combat, sort la boite à tacles pour bien signifier au Real qu’il vendra chèrement sa peau. Le Real Madrid maîtrise le jeu et ne laisse pas d’autre alternative au Ciclon que de se recroqueviller dans son camp.
« On touche pas le ballon mais on est là, prêt au combat et c'est ce qu'il faut pour inquiéter cette bande de guignols surpayés… On va les faire douter si on tient un maximum de temps... » balance un type, bob de San Lorenzo sur la tête, un peu alcoolisé, mimant sur la télé coup de poing et coup de tête sur les joueurs du Real a chaque échauffourées que l'arbitre guatémaltèque du jour a du mal a faire cesser. « Guignols, guignols… C'est quand même l'un des plus beaux Real Madrid de l'histoire. Ce sont de vrais machines les mecs, 21 victoires consécutives tu imagines ce que ça représente ? » Rétorque un papy tranquillement assis au fond du bar entre les mots d'amour adressés à Sergio Ramos et à Ronaldo entres autres.
37ème minute, les offensives lancées par Kroos et James se cassent les dents sur l’arrière-garde argentine. Kannemann et ses coéquipiers craquent alors sur un coup de tête de celui qui aura débloqué nombre de situations en 2014 : Sergio Ramos, qui comme face à Cruz Azul s’impose sur corner et ouvre la marque.
Coup de froid à Boedo où tout le monde entrevoyait un score de 0-0 à la pause. Seul un « La concha de tu madre Ramos, tu aurais déjà du être dehors ! » de la part d'un hincha plein d'objectivité vient alors briser le silence. 1-0 pour le Real Madrid à la pause et tout le monde le sait, malgré la tournée de bière ou de Fernet pour les plus gourmands, ça va être très dur de revenir au score.
Les choses se compliquent dés le retour des vestiaires pour le vainqueur de la Libertadores : la frappe en bout de course de Bale finit sa course dans les filets sur une faute de main de Torrico.
« San Torrico… Pas maintenant, pas maintenant bordel... » s'exclame un fan du club si cher au Pape François au bord des larmes… C'est le coup de trop sur la tête des hinchas qui restent prostrés devant le téléviseur, les larmes coulent et tout le monde a bien compris que ce rêve de Coupe du Monde des clubs était en train de leur échapper.
Obligé de monter d’un cran, le bloc de San Lorenzo fait ce qu’il peut : Kalinsky loupe le cadre sur une bonne opportunité à l'entrée de la surface, et l’entrée en jeu de Romagnoli permet d’aller jouer un peu plus dans la moitié de terrain madrilène. Mais hormis 2 frappes lointaines du même Kalinsky et Mercier boxées par Casillas, les argentins n’arriveront pas à inquiéter les blancs. Le Real, à l’économie, finit sans forcer et manque même à deux reprises de corser l’addition.
On est déçus, même si on savait que ce serait extrêmement compliqué. L’essentiel est d’avoir montré à notre club qu’on le soutient jusqu’au bout du monde
Alors que le Real reçoit le trophée, que les joueurs se fendent la poire devant la Toyota offerte à Ramos en guise de trophée du meilleur joueur (en mode « tu vas garer ça ou ? Entre ta Maserati et la Ferrari ? ») et que le feu d’artifice clôt la compétition, le peuple Azulgrana quitte le stade. En chantant même si le cœur n’y est plus. Fernando résume bien le sentiment général : « On est déçus, même si on savait que ce serait extrêmement compliqué. L’essentiel est d’avoir montré à notre club qu’on le soutient jusqu’au bout du monde, et ca a été une expérience de vie très enrichissante pour nous. Dans l’ensemble, ca restera un très grand souvenir. »
Pendant ce temps à Boedo, tout le monde décide de se réunir là où tout a commencé, au croisement San Juan et Avenue Boedo. Comme un baroud d'honneur pour montrer que la hinchada de San Lorenzo est unique, drapeaux et fumigènes à la main, tout le monde entonne ce chant devenu mythique et qui inspire aujourd'hui des milliers de supporters dans le monde : « Vengo del barrio de Boedo », qui a accompagné en 2011 l’équipe qui luttait pour ne pas descendre en seconde division. Ce chant est devenu mythique un soir d’été 2011 à Buenos Aires, où la hinchada était restée plus d’une heure à chanter malgré la défaite face à Independiente : « Même dans les mauvais moments, je t’accompagnerai toujours »… Ce samedi ce n'était pas le même contexte, mais comme à l'accoutumée, le cœur et la passion était toujours présents…
Par Farouk Abdou à Marrakech et Bastien Poupat à Buenos Aires