Finale aller du championnat 2014. Après un titre arraché sur le fil lors de la Segunda Etapa, Barcelona s’est offert le droit d’une double confrontation face à son plus grand rival Emelec. La saison 2014 se jouera sur un Clásico del Astillero, le plus grand rendez-vous du football équatorien.

banlomag

Bombillo contre Torero

Créé un 1er mai par de jeunes équatoriens du Barrio del Astillero et quelques immigrants d’origine catalane, Barcelona est le plus ancien des deux grands clubs de Guayaquil. Hommage aux racines catalanes de ses fondateurs, le club reprend le logo et le nom du grand club de Barcelone (voir L’histoire d’un nom – Episode 2 – SC Barcelona). L’année suivant la création de Barcelona, un nord-américain, George Capwell, s’installe à Guayaquil comme superintendant de la compagnie électrique d’Equateur (Empresa Eléctrica del Ecuador). Fan de sport, le 28 avril 1929, il fonde un club multisport au sein de la compagnie qui prend alors le nom d’Emelec (Empresa Eléctrica). Quelques semaines plus tard, une équipe de football se crée au sein du club, l’histoire du second club de Guayaquil va alors débuter. L’histoire de Barcelona et Emelec est celle de deux grands clubs équatoriens. Premier local à disputer une Copa Libertadores, Barcelona est le recordman du nombre de titres nationaux quand son rival Emelec, premier champion de l’ère professionnelle, est le seul club du pays à avoir conquis au moins un titre de champion par décennie. La première pierre de la rivalité entre les deux équipes est posée en 1943 lors du premier affrontement entre Bombillo et les Toreros, remporté 4-3 par ces derniers, l’appellation Clásico del Astillero arrive cinq ans plus tard pour être immédiatement adoptée.

Deux clubs parmi les plus populaires du pays

Depuis lors, la rivalité n’a jamais eu de cesse de s’intensifier à Guayaquil, chaque camp se radicalisant avec les exploits de ses protégés et va rapidement quitter le Barrio del Astillero pour s’étendre au pays. Car elle oppose deux géants nationaux. Premier club champion de l’ère professionnelle, Emelec est le troisième plus titré au pays devant la LDU mais derrière El Nacional et le rival Barcelona. Première équipe finaliste d’une Libertadores (les Toreros y parviendront à deux reprises), Barcelona est aussi le seul club de l’élite à n’avoir jamais connu la seconde division au pays.

Si les deux équipes sont souvent à la lutte sur le terrain, elles le sont aussi en tribunes et bien au-delà de Guayaquil. Si la LDU a su acquérir une large fanbase notamment grâce à ses titres continentaux, Barcelona possède la base la plus grande du pays (37% de sympathisants), Emelec arrivant en troisième position (16%). Autrement dit, chaque clásico met aux prises plus de la moitiés des fans de foot du pays.

Manuel Uquillas (à gauche) et Lupo Quinoñez (à droite), les deux plus grands buteurs de l'histoire des clásicos

“El loco de los goles olímpicos”, drames et autres anecdotes

Pour la finale de la saison 2014, Barcelona et Emelec se retrouvent ainsi la 272e fois de leur histoire et vont donc écrire une nouvelle page d’un livre d’histoire déjà chargé en anecdotes. Depuis le premier clásico resté dans l’histoire comme le Clásico de los Postes (les attaquants d’Emelec ayant alors offert un festival de tirs sur les montants des Toreros), les petites et grandes histoires ainsi que les héros ne manquent bien évidemment pas.

Ainsi peut-on citer celui de 1949 disputé alors au Modelo, l’ancien stade d’Emelec. Alors que les Canarios de Barcelona menaient 3-0, une coupure de lumière vint interrompre la rencontre (un comble pour une équipe défendant les couleurs d’une compagnie d’électricité et dont le surnom, el Bombillo, signifie l’Ampoule). Finalement, la lumière est rétablie et Emelec reviendra à 3-3. En 1991, l’Estadio George Capwell est rénové et devient l’antre du Bombillo. Ces derniers devront attendre trois ans pour enfin y célébrer une victoire. Plusieurs incidents viendront forcément émailler l’histoire de cette confrontation. Les deux plus dramatiques datent des années 2000 : la destruction de la tribune San Martin de l’Estadio George Capwell par « Sur Oscura », la barra de Barcelona en 2006 et, l’année suivante, le décès de Carlos Cedeño Veliz supporter d’Emelec de 11 ans après avoir été touché par une fusée lancée depuis la tribune de la « Sur Oscura ».

Moins tragique, les deux équipes vont bien évidemment souvent se retrouver à la lutte pour le titre et parfois même s’affronter lors de chocs continentaux. Ainsi lors de la Copa Libertadores 1990, Barcelona s’imposera chez lui face à Emelec en retour d’un quart de finale qui lui permettra d’accéder à la demi-finale (quelques jours plus tard, Emelec infligera un 6-0 à Barcelona en championnat, record historique). Les Toreros réussiront alors l’exploit de sortir River Plate pour devenir le premier club équatorien de l’histoire finaliste de l’épreuve (défaite en finale face à Olimpia).

Sur le terrain, tout clásico produit son lot de héros. José Francisco Cevallos, père de la pépite de la LDU, passe 16 ans à Barcelona : il disputera 52 clásicos avec les Toreros, établissant un record qui ne devrait jamais tomber. Lupo Quiñonez est le meilleur buteur de l’histoire du clásico avec 13 buts. Il en inscrit 10 avec Emelec et 3 avec Barcelona qu’il rejoindra pendant quatre années. Côté Toreros, le recordman reste Manuel Uquillas et ses 10 buts lors d’un clásico. Puis reste l’incroyable record d’un argentin formé à River et passé par Boca : Francisco Aníbal Cibeyra. Arrivé à Emelec en 1978, il réussit l’exploit d’inscrire trois buts sur corner direct lors de trois clásico consécutifs. Il deviendra alors “El loco de los goles olímpicos” (olimpico étant le terme employé pour décrire ces buts sur le continent sud-américain). De manière inexplicable aucune vidéo de cet exploit n’a été retrouvé (les supporters d’Emelec donnant comme explication que la télévision équatorienne était liée à Barcelona), le seul hommage restant une reconstitution sur Pro Evolution Soccer sur Playstation 2.

A l’heure du 262e de l’histoire professionnelle, le bilan est en faveur des Toreros qui ont remporté 91 clásicos contre 93 nuls et 77 victoires d’Emelec. Sur les quatre joués cette année, chaque équipe en a remporté deux. Malgré l’absence des supporters visiteurs pour la finale (raisons de sécurité), la finale 2014 permettra donc d’écrire un nouveau chapitre à l’histoire de son plus grand clásico.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.