En 1999, Ronaldinho signe à dix-neuf ans l’un de ses premiers chefs-d’œuvre en carrière en humiliant l’Internacional de Dunga, match qui lui ouvre les portes de la Seleção.

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La vie de Ronaldinho bascule une première fois le 25 janvier 1989. Ce jour-là, Ronaldinho a huit ans et ses parents célèbrent leur dix-neuvième année de mariage avec une fête dans la nouvelle maison familiale, au bord de la piscine. La modeste vie de la famille s’est améliorée quelques années plus tôt lorsque Roberto Assis, le grand frère de Ronaldinho, a rejoint Grêmio. À la signature de Roberto Assis, le père de Ronaldinho dit aux dirigeants gremistas : « Vous avez Assis, mais le joueur d’exception est resté à la maison. Il s’appelle Ronaldo et il fait des choses incroyables avec le ballon ». Roberto Assis s’impose avec les professionnels de Grêmio et attire l’œil des dirigeants italiens du Torino. Afin de garder leur crack, la direction de Grêmio offre à la famille une spacieuse maison, avec piscine. Début 1989, Roberto s’apprête à disputer le Mondial U20 en Arabie saoudite, mais revient à Porto Alegre pour la fête familiale, qui vire au drame. Le père de Ronaldinho est retrouvé inconscient dans la piscine et est tiré de l’eau par Assis. Seu João reste trois jours dans le coma avant de mourir, à quarante-deux ans. Roberto devient alors le chef de la famille, s’occupant de Ronaldinho et de sa sœur Deise. « Je n’ai jamais cherché à remplacer notre père, j’ai seulement voulu être un ami qui pouvait leur faire partager mon expérience », explique Assis dans le livre O sorriso do futebol, Ronaldinho o último rômantico, écrit par Luca Caioli.

Un prodige au Grêmio

Déjà joueur chez les jeunes du Grêmio, Ronaldinho brille sur les terrains de football et de futsal, suivant le chemin de son grand frère. « Mon idole habitait chez moi », explique Ronaldinho à propos de Roberto Assis. Lors d’un même match, Ronaldinho marque vingt-trois buts, dont quatre corners directs. Convoqué avec la Seleção U15, Ronaldinho permet ensuite à la Seleção U17 de remporter son premier Mondial de la catégorie, en Égypte en 1997. Quelques mois plus tard, Ronaldinho débute en 1998 en équipe première du Grêmio à l’âge de dix-sept ans. Il est lancé officiellement par Sebastião Lazaroni lors d’un match du premier tour de la Copa Libertadores, remporté 1-0 contre Vasco. Au cours de la compétition, Ronaldinho marque un but de l’extérieur de la surface contre Chivas avant d’être éliminé en quarts de finale par le futur vainqueur, Vasco. Le Grêmio vit une phase difficile depuis 1996, un an après son titre en Copa Libertadores. L’équipe manque cruellement de joueurs de qualité, hormis son prometteur Ronaldo de Assis Moreira, qui joue pourtant peu, aussi bien avec Lazaroni qu’avec Edinho. « Cela a été la seule période de ma vie où j’ai perdu confiance en moi. Je pensais que j’allais finir dans un petit club au fin fond du Brésil. Je suis donc revenu aux terrains de terre battue, avec les amis, et j’ai retrouvé le plaisir du football », se souvient Ronaldinho dans le livre O sorriso do futebol, Ronaldinho o último rômantico de Luca Caioli. Grêmio n’a plus remporté le championnat gaúcho depuis 1996, décrochant seulement l’obscure Copa Sul en 1999, avec comme entraîneur Celso Roth, qui relance Ronaldinho.

L’Internacional, le rival de toujours de Grêmio, n’est pas non plus au mieux. Malgré le retour de l’idole Dunga, vainqueur du tricampeonato gaúcho entre 1982 et 1984, le club colorado a été humilié 4-0 à domicile en demi-finale de la coupe du Brésil 1999 par un autre club gaúcho, Juventude. L’Internacional, qui compte également dans ses rangs un jeune défenseur, un certain Lúcio, prend sa revanche sur le Juventude deux jours plus tard en demi-finale du championnat gaúcho et se qualifie donc pour la finale, face au Grêmio. Cette année-là, la finale se joue au meilleur des trois matchs. Avec un meilleur bilan, Grêmio a l’avantage de recevoir à l’Olímpico les deux derniers matchs. Lors de la finale aller, le défenseur de l’Internacional, Gonçalves, marque le seul but de la partie. Pour la deuxième rencontre, Ronaldinho, qui a fraîchement soufflé ses dix-neuf bougies, est déjà l’homme du match et ouvre le score sur un magnifique coup franc en pleine lucarne. Agnaldo, d’une jolie frappe enroulée du gauche permet au Grêmio de l’emporter 2-0, une victoire qui initie une série de treize matchs sans défaite contre l’ennemi colorado. Un match nul lors du troisième match est suffisant pour offrir le titre au Grêmio. Mais Ronaldinho en veut plus.

L’humiliation sur Dunga

Avec 40 238 spectateurs, « l’Olímpico allait vivre une après-midi sans égal pour les fanatiques du Tricolor, inoubliable pour ceux qui ont assisté au match », selon Luca Caioli. Dès le début du match, Ronnie alerte une première fois la défense de l’Internacional sur un coup franc qui passe de peu à côté. Juste avant le retour aux vestiaires, il réalise un petit pont sur Anderson et sollicite le une-deux avec Capitão avant de conclure du pied gauche dans un but plein de sang-froid. L’Internacional pousse en seconde période et Dunga, trente-cinq ans, est proche d’égaliser sur une frappe enroulée. Le capitaine brésilien lors des Coupes du monde 1994 et 1998 est ensuite la victime principale du show Ronnie. Sur le côté droit à l’entrée de la surface, Ronaldinho réalise un incroyable double contact derrière la jambe d’appui, qui laisse Dunga sur place. Le ballon revient vers Ronaldinho, qui attend le rebond au sol pour effectuer une somptueuse talonnade. 

En fin de match, Ronaldinho réalise un superbe enchaînement, contrôle de la poitrine, coup du sombrero sur Dunga puis nouveau contrôle de la poitrine. Grêmio s’impose finalement 1-0 et remporte le trente-deuxième championnat gaúcho de son histoire. Ronaldinho termine meilleur buteur avec quinze buts en seulement quatorze matchs. En conférence de presse après le match, le jeune prodige déclare, toutes dents dehors, qu’il jouerait même gratuitement pour son club de cœur.

Les images des dribbles de Ronaldinho passent en boucle à la télévision alors que le même jour, Edílson déclenche une bagarre générale entre le Corinthians et Palmeiras en finale du championnat paulista. Le sélectionneur Vanderlei Luxemburgo choisit alors de couper Edílson du groupe convoqué pour la Copa América et appelle à sa place Ronaldinho. Dans un rôle de joker derrière les stars Rivaldo et Ronaldo, Ronaldinho entre quatre fois en jeu, marquant un but d’exception dès son premier match du tournoi, remporté 7-0 face au Venezuela. Ronnie ne participe pas à la finale, remportée 3-0 contre l’Uruguay, mais seulement une semaine plus tard, il est l’une des stars de la Seleção au sein d’une équipe bis, qui dispute la Coupe des Confédérations. Malgré la défaite en finale contre le Mexique, seul match où Ronaldinho ne marque pas, le futur joueur du Barça termine meilleur joueur de la compétition et meilleur buteur avec six buts en cinq matchs.

Ronaldinho se rappelle au bon souvenir de l’Internacional un an plus tard, en marquant le seul but du GreNal sur un coup franc qu’il avait lui-même provoqué à la quatre-vingt-neuvième minute, éliminant du même coup l’Inter du tournoi. Grêmio s’inclinera cependant en finale face à Caxias et Ronaldinho finit à deux buts du meilleur buteur, Felipe. Quelques mois plus tard, le futur Ballon d’Or force son transfert vers la France et le Paris SG.

En 2013, pour Globoesporte, Ronaldinho revient sur le traitement infligé au capitaine Dunga : « Je voulais en faire plus, il s’est échappé. Je me suis entraîné à faire ses dribbles, ils étaient réservés pour lui. » Dunga prend sa revanche en 2010. Alors sélectionneur du Brésil, il ignore Ronaldinho dans sa liste pour la Coupe du Monde, pourtant meilleur passeur du championnat italien cette année-là avec l’AC Milan.

 

 

Article initialement publié le 21/03/19, dernière mise à jour le 21/03/23

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.