Une fois sa carrière arrivée à son terme, le Roi Pelé continue de marquer l’imaginaire collectif des amateurs de football. Mais s’il ne crée plus balle au pied, Pelé déborde du simple cadre du football. Quitte à envahir tous les pans de la société.

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L’artiste

Dès la fin des années 60, Pelé commence à sortir du simple cadre du foot. En 1969, il fait ses débuts au cinéma dans une telenovela « Os estranhos » dans laquelle il joue le rôle d’un extraterrestre. Sa carrière d’acteur débute alors, elle n’aura certainement pas la richesse de sa carrière de footballeur mais vient surtout mettre en évidence les multiples facettes de l’homme Edson Arantes do Nascimento. On retiendra de sa filmographie son rôle du caporal Luis Fernandez dans le film de John Huston « A nous la victoire » en 1981. Aux côtés d’un Sylvester Stallone gardien de but et de véritables joueurs de foot (Bobby Moore, Osvaldo Ardiles), il est membre d’une équipe des Alliés qui cherche notamment à utiliser un match de football pour s’échapper du camp. Le film ne restera pas dans les mémoires, la carrière d’acteur du Roi Pelé non plus, l’ancien joueur de légende se contentant de quelques apparitions dans divers films de seconde zone.

Mais au même moment où le Roi fait ses débuts devant les caméras, une autre carrière débute pour lui, une carrière dans la chanson. Aux côtés d’Elis Regina, l’une des chanteuses brésiliennes les plus populaire des années 60-70 au pays, il enregistre « Tabelinha » et fait alors officiellement ses premiers pas dans le monde de la musique. Alors que sa carrière de footballeur est derrière lui, Pelé n’oublie pas son amour pour le chant. En 1977, il participe alors à l’écriture de trois chansons et en interprète deux (« Meu mundo é um bola » et « Cidade grande ») sur l’album « Pelé », bande originale composée par Sergio Mendes pour le documentaire qui est dédié au Roi. Dans les années 80, il continue de faire quelques apparitions dans son rôle de chanteur, notamment sur l’album Clube da Criança en 1984, album d’un programme télé pour enfant célèbre au Brésil qui terminera disque de platine. Il faut cependant attendre deux décennies pour retrouver véritablement seul devant un micro, lui qui n’a jusqu’ici cessé d’écrire pour d’autres sans le faire savoir ou de prêter sa voix à quelques disques surtout destinés aux enfants. En 2006, il sort un album nommé « Pelé Ginga » composé de 12 chansons, parmi lesquelles cinq font directement référence au football. A l’occasion de la sortie du disque, il se confie pour The Guardian : « Quand j’étais footballeur à Santos, on avait beaucoup de temps libre à l’hôtel où on ne faisait rien. Je passais alors mon temps à écrire des chansons et gratter ma guitare. J’ai écrit plus de 500 chansons, parfois uniquement les paroles, parfois parole et mélodie. Encore aujourd’hui, partout où je vais, je me promène avec mon enregistreur et j’enregistre tout ce qui passe dans ma tête. Il y a des guitares dans toutes mes maisons. » L’histoire musicale de Pelé ne s’arrêtera jamais. En 2016, pour les Jeux Olympiques, il publie son dernier morceau nommé « Esperança ».

L’ambassadeur

La carrière extra sportive du Roi ne se résume pas aux simples vinyles. Elle s’étend bien au-delà.« Les héros marchent seuls mais ils deviennent mythes lorsqu’ils ennoblissent les vies et touchent le cœur de tous, » disait Henry Kissinger, l’homme qui a réussi à faire plier le Roi pour qu’il vienne s’installer aux USA (lire Pelé l'américain). Lorsque Pelé met fin à sa carrière, il va alors utiliser son image pour le sport qui l’a fait Roi, le football, mais aussi pour des causes humanitaires. Dès les tournées avec Santos, Pelé mesure l’importance de son aura, la capacité qu’à le football de toucher et de faire se braquer les projecteurs du monde sur tout type de cause. Lorsqu’il met fin à sa carrière en 1977, J.B. Pinheiro, ambassadeur du Brésil aux Nations Unies déclare : « Pelé a joué au football pendant 22 ans, durant lesquels il a fait davantage pour promouvoir l'amitié et la fraternité à l'échelle mondiale que tout autre ambassadeur. » La même année, Pelé est fait « Citoyen du Monde » par les Nations Unies et s’engage alors dans des actions liées au football et à visée humanitaire.

En 1994, il devient ainsi le premier sportif nommé ambassadeur de l’UNESCO avec une mission confiée dans l’éducation et la santé des enfants, prenant toujours sa vie comme exemple. Il s’investit alors dans toutes les causes dédiées aux enfants, appuie un Téléthon destiné à venir en aide aux enfants en difficulté organise des collectes de fonds pour les enfants et utilise toute son aura pour promouvoir les activités de l’organisation. Il étend ensuite son rôle, participant par exemple au Match du cœur, rencontre de football organisée à Rome pour promouvoir la paix dans le conflit israélo-palestinien.

La marque Pelé

Dans sa biographie sortie en 2008, Pelé écrit : « Afin d’assurer ma sécurité financière, j’ai décidé de me tourner davantage vers le sport business. En 1990, j’ai créé ma société Pelé Sports & Marketing avec Celso Grellet et Hélio Viana. L’idée de PS&M était de gérer mes contrats personnels avec les multinationales. » Il faut dire que la renommée mondiale du Roi a depuis longtemps dépassé le simple cadre du football. Si la PS&M fait naufrage dix ans plus tard, emporté par d’énormes scandales, il n’en demeure pas moins que le Roi est « chassé » par les plus grandes marques, les plus grands groupes, qui veulent profiter non seulement de son aura mais aussi et surtout de l’image positive qu’il dégage aux quatre coins du monde. 

Pelé n’est plus un simple joueur de football, il est désormais une marque qui, alors que sa carrière est inscrite sur des clichés noirs et blancs, continue de valoriser. En 2012, il devient partenaire d’une société, Sport 10 qui s’occupe notamment de gérer ses contrats avec les plus grandes sociétés du monde. L’année suivante, Forbes classe Pelé dans les 10 sportifs retraités les mieux payés au monde. En 2014, Bloomberg affirme que la marque Pelé génèrera entre 25 et 100 M$ de revenus perçus de ses apparitions, de produits dérivés et autres partenariats, ce qui en fait l’athlète le mieux payé au monde parmi les retraités, devant Michael Jordan ou David Beckham par exemple. « Mes deux identités sont séparées. J’ai deux faces. Pelé est devenu plus qu’un sportif. Le nom est devenu une marque internationale. Chaque jour, je reçois à mon bureau des propositions de compagnies qui me demandent de représenter leurs produits. On y trouve toutes sortes de choses. » Le Roi décrit sa vie de marque dans son autobiographie, une marque qui a débuté dès ses premiers exploits avec Santos et qu’il a choisi d’accepter au fil des années, se pliant à une règle simple, « pas d’alcool, de tabac ou de religion, » raconte aussi comment son nom d’artiste, jusqu’à sa signature, est devenue une marque dont l’iconographie est entrée dans l’imaginaire collectif. Car les années ont passées, mais le nom Pelé reste teinté de légendes. Au point d’être associé à tous types de produits : des « cafés Pelé » aux montres en passant par le Viagra, Pelé est partout, plus qu’un représentant d’une marque, il est un produit star. Mais qu’il soit aujourd’hui devenu une marque ne masque pas l’impact que le Roi aura eu sur son sport, les générations qu’il a marquées et continue de marquer. Conscient de cela, Edson Arantes do Nascimento cherche plus que jamais à protéger son Pelé qu’il veut conserver le plus positif possible. Car Pelé doit rester un exemple, celui d’Edson le petit garçon de Três Corações devenu légende. 

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.