Quatre Coupes du Monde disputées, deux titres, premier joueur à avoir atteint les cent matchs avec la Seleção, Djalma Santos a marqué le football brésilien, en sélection, mais aussi dans les clubs où il est passé, notamment la Portuguesa et Palmeiras.

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Djalma Santos naît le 27 février 1929 sous le nom de Dejalma, à São Paulo. Il est le dernier enfant de la famille, et son père participe comme soldat à la Révolution de 1932, année où Djalma est proche de mourir d’une pneumonie. Après la guerre, son père ne retourne pas au domicile familial et fonde une nouvelle famille. Djalma vit alors avec sa mère et ses deux sœurs dans le quartier de Parada Inglesa, à São Paulo. Sa sœur Rosa s’enfonce dans l’alcool et sa mère a des problèmes respiratoires, forçant son admission à l’hôpital. En septembre 1941, Djalma se rend au chevet de sa mère, mais il apprend qu’elle est morte deux jours plus tôt et a été enterrée dans une fosse commune. Djalma apprend la nouvelle à sa sœur Anésea, il retrouve également son père, qui les menace de les emmener à l’orphelinat. Djalma Santos s’habitue alors à fuir la police, comme il l’explique dans sa biographie Djalma Santos : do porão ao palácio de Buckingham, écrite par Flávio Prado, Adriana Mendes et Norian Segatto : « Mon cœur s’accélérait quand j’entendais les sirènes des voitures de police passant dans la rue. Comme on était en dessous du niveau de la rue, on pouvait voir. Je me cachais sous la table, car je pensais qu’ils allaient nous emmener. Je ne voulais pas me séparer de ma sœur ».

djalmalusaLe football comme échappatoire

Dans la biographie de Djalma Santos, Flávio Prado poursuit : « Depuis très tôt, le petit Djalma a dû faire face à la brutalité de la vie, qui l’a obligé à devenir adulte avant d’être adolescent. Pour être fort, il a appris à utiliser l’ironie comme moyen de défense. Pour avoir connu si jeune l’abandon du père et perdu si précocement sa mère tant aimée, il savait ce qu’était la douleur et donc, ne souffrait pas pour peu de choses. Il répondait toujours aux provocations de façon comique et intelligente. Il a encaissé les insultes et humiliations avec sérénité, il n’avait pas d’ennemis et a toujours laissé de très bons souvenirs et de l’admiration partout où il passait ». Djalma joue dans le football várzeano et fait des tests dans les grands clubs, mais doit travailler très tôt dans une fabrique de chaussures, cultivant le rêve de devenir pilote d’avion. Un jour, il a un accident de travail et est opéré en urgence, risquant une amputation de la main. Un tendon est rompu et Djalma ne peut plus serrer complètement le poing. Son rêve d’être pilote s’envole, mais comme toujours, Djalma Santos fait preuve de résilience. Il transforme son handicap en une arme, s’entraînant de longues heures à faire des longues touches, chose inhabituelle dans le football à cette époque.

Djalma fait des essais au Corinthians et Ypiranga, sans succès, sans que l’on sache si c’est à cause du nombre trop important de joueurs ou si la fabrique de chaussures refuse de le libérer. Lorsqu’il est accepté à la Portuguesa, il travaille de nuit afin de compenser les heures perdues à s’entraîner. En raison de la présence d’un autre Djalma dans l’effectif, il débute sa carrière sous le nom de Santos. Il joue son premier match avec les jeunes de la Portuguesa au Pacaembu, en lever de rideau d’un match entre Palmeiras et la redoutable équipe italienne du Torino. « Je suis resté dans le stade après pour voir ces cracks lors du match principal. Encore aujourd’hui, je suis ému d’avoir été là. Un gamin sans argent, qui peut voir ce spectacle, ça n’a pas de prix », expliquait Djalma Santos. Quelques mois plus tard, l’équipe du Torino, base de la sélection italienne, est décimée lors d’un crash aérien, où trente-et-une personnes, dont dix-huit joueurs, trouvent la mort. Djalma Santos débute en équipe principale en août 1948, où il évolue en tant que milieu de terrain lors d’une défaite face à Santos au Vila Belmiro. Pendant le trajet du retour, Djalma Santos doit une nouvelle fois affronter la faim, ses coéquipiers lui faisant croire que la nourriture dans l’avion est payante. Mais dès ses premiers salaires touchés, il propose à sa sœur de quitter son travail pour s’occuper de lui lorsqu’il en a besoin.

En 1949, la Portuguesa recrute le milieu de terrain Brandãozinho pour un transfert record, Djalma Santos glisse alors latéral droit. « C’était ça ou je devenais remplaçant. Devinez si je n’ai pas accepté immédiatement » expliquait Djalma Santos à Jorge Nicola dans le livre Os dez mais da Portuguesa. Djalma Santos participe à la tournée européenne en 1951. En Suède, il surprend par sa couleur de peau, mais aussi par ses longues touches, qui inspirent bientôt toute une région de l’Europe. « Djalma Santos met dans ses touches toute la passion d’un Christ noir » écrit dans l’une de ses chroniques Nelson Rodrigues. La Lusa recrute Julinho, peut-être le meilleur partenaire de Djalma Santos en carrière. « Dès que Djalma passait le milieu de terrain, j’attendais derrière, pour faire la couverture. Sur l’aile, il était aussi bon qu’en défense centrale. Il savait placer le ballon au bon endroit, sur la tête de l’attaquant ou mettre le ballon sur le pied du joueur le mieux placé » rendait hommage Julinho en 1970 pour Jornal da Tarde. La Portuguesa initie la page la plus glorieuse de son histoire et remporte la Fita Azul, offerte aux clubs brésiliens qui reviennent invaincus d’une tournée. La Portuguesa remporte la Taça San Isidoro, qui n’avait jamais été perdu par l’Atlético de Madrid ou le Real Madrid, et les joueurs sont accueillis comme des héros à São Paulo. « L’avion a dû atterrir sur une piste du fond à cause de la foule qui circulait » expliquait Djalma Santos. La Lusa décroche également le tournoi Rio – São Paulo en 1952 et 1955 et place quatre joueurs parmi les titulaires de la Seleção à la Coupe du Monde 1954.

Débuts en Seleção

Djalma Santos débute en Seleção en 1952 pour le championnat panaméricain au Chili. Le Brésil n’a plus joué depuis le dramatique 16 juillet 1950 et la défaite en « finale » de la Coupe du Monde, face à l’Uruguay. Tout le pays reste traumatisé, mais le Brésil bat l’Uruguay, puis le pays hôte, le Chili, et remporte le tournoi. Un an plus tard, Djalma Santos est à nouveau convoqué pour le championnat sud-américain, où le Brésil perd le match décisif face au Paraguay. Djalma Santos est l’un des leaders du Brésil qui dispute la Coupe du Monde 1954, aux côtés de Bauer et Brandãozinho. La défaite de 1950 reste dans toutes les têtes et les dirigeants naviguent entre le manque de préparation et la peur des adversaires. « Lors du match contre la Yougoslavie, nous ne savions pas que le match nul nous qualifiait avec les Yougoslaves. À la mi-temps, les Yougoslaves ont essayé de nous avertir, mais on ne comprenait pas. […] Le match s’est terminé, on est allés au vestiaire en pleurant et seulement là, on a su qu’on était qualifiés » se souvenait Djalma Santos pour Folha de S. Paulo. En quarts de finale, le Brésil affronte la redoutable Hongrie, favorite pour le titre final. Djalma Santos poursuit : « La veille du match contre la Hongrie, le dîner s’est terminé à 19 heures et on est restés à écouter les dirigeants parler jusqu’à 23 heures. Ils ont fait de Puskás un monstre et il n’a même pas joué ce match ! Ils nous ont dit qu’il fallait honorer notre drapeau, ci et ça… Il y a des joueurs qui n’ont même pas dormi après tout ce qu’ils ont dit ». Le Brésil encaisse deux buts dès le début du match et lorsqu’un penalty est sifflé pour le Brésil, personne n’ose s’approcher du ballon. Djalma Santos le transforme en force et marque le premier but de la Seleção sur penalty de l’histoire de la Coupe du Monde. Insuffisant pour le Brésil, qui quitte le tournoi sur une défaite 4-2 et une bagarre générale.

Quatre ans plus tard, Djalma Santos est à nouveau convoqué pour une Coupe du Monde et, comme en Suisse, il commence celle-ci dans un rôle de remplaçant. Djalma Santos ne dispute qu’un seul match lors de cette Coupe du Monde, mais le plus important, puisqu’il remplace De Sordi, blessé, pour la finale contre la Suède. Djalma Santos doit défendre sur l’un des meilleurs joueurs de la Coupe du Monde, Lennart Skoglund, l’ailier de l’Inter Milan. Djalma défend parfaitement sur Skoglund et réalise son geste spécial, une jongle pour lancer le ballon en profondeur vers un certain Garrincha. Il impressionne aussi par ses longues touches et est élu dans l’équipe-type du tournoi avec un seul match disputé ! Avec malice, Djalma Santos dira à propos de cette nomination : « Les mecs étaient mes amis », puis en parlera plus sérieusement dans le livre Os dez mais do Palmeiras de Mauro Beting : « Pour dire la vérité, j’ai été surpris quand j’ai su qu’ils m’avaient élu. Je suis d’accord pour dire que j’étais bon, mais j’avais besoin de quatre matchs de plus pour gagner ce prix ». Le retour est épuisant, entre escales en Europe et dans des villes du Brésil, avec à chaque fois des réceptions, notamment par le Président du Brésil, Juscelino Kubitscheck. « Ça a été plus facile de gagner la Coupe du Monde que d’arriver à la maison. Il y avait tellement de monde qui nous attendait, d’abord à Rio de Janeiro, puis à São Paulo. Le plus appréciable était cette sensation du devoir accompli » expliquera Djalma Santos.

djalmapalmeirasDe la Portuguesa à Palmeiras

En 1959, Djalma Santos quitte la Portuguesa après 453 matchs au club, deuxième total de l’histoire de la Lusa derrière les 496 rencontres de Capitão. Djalma Santos reste à São Paulo et choisit Palmeiras, malgré les avertissements de nombreuses personnes. « Beaucoup me disaient de ne pas aller à Palmeiras, que le club n’aimait pas les Noirs. Mais j’avais des amis comme Oswaldo Brandão et, principalement, Julinho. Grâce à cette amitié que j’avais avec lui depuis la Portuguesa, j’ai accepté d’aller à Palmeiras et non au Corinthians ou Fluminense. Et j’ai très bien fait » expliquait Djalma Santos dans le livre Os dez mais do Palmeiras. Palmeiras le recrute pour 2,7 millions de cruzeiros, une fortune pour un joueur de trente ans, mais n’aura jamais à le regretter. Le Verdão signe de nombreux joueurs et devient le seul club de São Paulo à pouvoir rivaliser avec le grand Santos de Pelé, remportant notamment le supercampeonato paulista 1959, rivalité que l’on vous expliquait dans le treizième numéro de notre magazine. Palmeiras enchaîne avec la Taça Brasil 1960, avec notamment une victoire 8-2 face à Fortaleza, plus large victoire dans une finale du championnat brésilien, et se qualifie pour la Copa Libertadores 1961.

Palmeiras devient le premier club brésilien à atteindre la finale de la Copa Libertadores et retrouve le tenant du titre, Peñarol. Lors du match aller, alors que le coup de sifflet final approche et que le score est toujours de 0-0, Djalma Santos fait sa spéciale en levant le ballon du sol pour dégager. Sur le terrain humide du Centenario, Djalma rate son geste, le ballon lui échappe, Alberto Spencer en profite et ouvre le score. « C’était la première fois que Djalma faisait une erreur et la première fois que je l’ai vu triste. Après le match, on est sortis prendre une bière et il n’a pas parlé du tout » explique Valdir, le gardien de Palmeiras. « Encore aujourd’hui ils parlent de ce but… C’est comme le but contre Barbosa à la Coupe du Monde 1950… Cette histoire reste, j’ai fait une erreur et le mec a marqué… Le match suivant, je ne voulais pas répondre. J’ai joué comme à chaque fois, en essayant de répondre avec de l’envie et du cœur. Ce que j’ai toujours fait » se souvenait Djalma Santos, qui vit là le pire moment de sa carrière. Palmeiras fait 1-1 au retour et perd la finale de Copa Libertadores, Djalma Santos est accusé de la défaite et la « djalmada » devient une action pour décrire une grossière erreur d’un défenseur.

Titré en club et en Seleção

Djalma Santos se console avec une nouvelle Coupe du Monde remportée en 1962 avec la Seleção. Djalma effectue le centre pour le troisième et dernier but brésilien marqué en finale, face à la Tchécoslovaquie, même si Djalma Santos est moins offensif qu’avec Palmeiras où il profite de son entente avec Julinho pour attaquer. « L’ordre aussi bien de Feola que d’Aymoré était de laisser le champ libre à Garrincha pour qu’il puisse jouer. Mané n’aimait pas beaucoup les latéraux qui attaquaient et prenaient son espace. C’est pour cela que Djalma Santos ne dépassait quasiment jamais la ligne médiane. Il s’occupait de bloquer les attaques sur son côté droit, de prendre le ballon et de le donner à Didi pour qu’il fasse les actions. Après, il suffisait de laisser Garrincha libre pour qu’il mette la pagaille dans la défense adverse » explique Pepe dans le livre Os 11 maiores laterais do futebol brasileiro de Paulo Guilherme. Djalma Santos est pour la troisième fois élu dans l’équipe-type de la Coupe du Monde, seul joueur avec Franz Beckenbauer entre 1966 et 1974 à avoir accompli cet exploit. Un an plus tard, l’équipe d’Angleterre affronte une sélection mondiale pour célébrer le centenaire des « Lois du jeu ». Djalma Santos est le seul Brésilien à participer à ce match de légende (Pelé est appelé mais doit déclarer forfait), avec des joueurs comme Bobby Moore et Bobby Charlton côté anglais, et Lev Yashin, Raymond Kopa, Denis Law, Alfredo Di Stéfano, Eusébio, Gento ou encore Ferenc Puskás pour la sélection mondiale. À Wembley, l’Angleterre s’impose 2-1 alors que Djalma Santos cède sa place en seconde période au Chilien Luis Eyzaguirre.

Palmeiras recrute de son côté de nombreux joueurs et devient l’Academia, terme inventé en 1963 par le journaliste Roberto Petri, fan du football argentin et de l’Academia du Racing. « C’était une équipe de bons joueurs, unie, courageuse, sans stars. Tout le monde perdait, tout le monde gagnait. Cela fonctionnait comme ça, et c’est pour ça que ça fonctionnait » explique Djalma Santos. Sous la houlette de l’entraîneur argentin Filpo Núñez, qui impose un jeu rapide et collectif, Palmeiras remporte le championnat paulista 1963, empêchant Santos de réaliser le tetracampeonato. À près de trente-cinq ans, Djalma Santos impose toujours sa classe sur et en dehors du terrain. Lors d’un match contre Santos dans le championnat paulista 1964, un supporter l’insulte violemment et à de nombreuses reprises. À force de s’agiter, l’alliance du supporter tombe sur le terrain. Djalma la récupère et lui redonne, lui disant simplement : « Tu l’as laissée tomber. Prends-la et mets-la à ton doigt, sinon tu vas avoir un problème avec ta dame ». Le supporter se tait, tout le stade applaudit. En 1965, Palmeiras représente la Seleção pour un match d’inauguration du Mineirão face à l’Uruguay. Djalma Santos, qui avait déjà participé aux matchs d’inauguration du Maracanã et du Morumbi, est titulaire et Palmeiras/Brésil s’impose 3-0.

Fin de carrière

En 1966, Djalma Santos est convoqué pour une quatrième Coupe du Monde. « J’avais trente-sept ans, je ne pensais pas être convoqué. Je l’ai été car ils voulaient des champions du monde, João Havelange commandait la sélection » explique Djalma Santos à Maurício Noriega pour le livre Os 11 maiores tecnicos do futebol brasileiro. Gilmar, Bellini et Garrincha sont également convoqués, mais ils ne sont plus au niveau. Les joueurs sont fatigués et le Brésil est éliminé dès le premier tour. Djalma Santos est cependant remarqué par Tostão, convoqué malgré ses dix-neuf ans, pour sa façon correcte de traiter les serveurs et employés d’hôtel, tout comme Pelé, mais au contraire de deux autres joueurs, pour qui Tostão nomme seulement leur ville d’appartenance, l’un venant de Rio de Janeiro et l’autre de São Paulo. « Dans ma carrière, j’ai connu beaucoup de Djalmas Santos et Pelés, mais aussi beaucoup de joueurs comme ces deux-là qui m’ont cependant bien traité. Avec le temps, je me suis aperçu que les joueurs prétentieux n’étaient jamais des cracks » écrit Tostão dans son livre Tempos vividos, sonhados e perdidos: Um olhar sobre o futebol.djalmafifa

En fin d’année 1966, Palmeiras songe à Mário Travaglini pour le poste d’entraîneur. Le futur entraîneur du Corinthians de l’époque Democracia Corintiana accepte seulement si les joueurs Carabina, Djalma Santos et Julinho Botelho l’aident dans ses fonctions. « Il demandait notre aide pour les entraînements, pour définir notre posture tactique, ces choses-là. Carabina était plus expérimenté, il parlait plus et menait la marche à suivre. Mais le dernier mot était toujours pour Mário. Cela a été bref, mais très bien. Je crois que personne n’avait fait quelque chose de semblable auparavant. Ça valait le coup, on a été champions » se souvenait Djalma Santos dans le livre Os dez mais do Palmeiras. Le Verdão remporte en effet un nouveau championnat devant le Corinthians de Garrincha, le Santos de Pelé et le São Paulo de Didi. En 1967, lorsque Julinho Botelho prend sa retraite après une carrière sensationnelle, parcours également à retrouver dans le treizième numéro de notre magazine, c’est Djalma Santos, son partenaire de douze années entre la Portuguesa et Palmeiras, qui lui retire ses chaussures en signe de respect. Djalma quitte pour sa part Palmeiras en 1968 après 498 matchs sous le maillot du Verdão (huitième total de l’histoire du club) pour 285 victoires, 105 matchs nuls, 108 défaites et dix buts. Cette même année, il dispute également son 114e et dernier match avec la Seleção. Sous le maillot jaune (ou blanc, le Brésil porte encore le maillot maudit lors du championnat panaméricain 1952 auquel Djalma Santos participe), le latéral ne connaît que dix-sept défaites, mais quatre Coupes du Monde, et est le premier joueur du Brésil à atteindre les cent sélections.

Djalma Santos prend une retraite bien méritée mais signe finalement à l’Atlético-PR – qui n’a plus gagné le championnat d’État depuis 1958, lui permettant de retrouver son ami Bellini. Djalma Santos devait rester trois mois au club, il y restera finalement trois ans, devenant même chroniqueur pour O Estado do Paraná, où il s’attire les foudres des supporters du Grêmio Oeste. Lors du match suivant, des banderoles racistes sont exhibés à son encontre. « Mais Djalma est passé devant tout le monde tranquillement, comme si ce n’était pas pour lui » se souvenait Sicupira, son coéquipier et toujours meilleur buteur de l’histoire de l’Atlético-PR. En 1970, le Furacão décroche enfin le championnat paranaense après douze ans de disette, Djalma Santos peut alors prendre sa retraite à l’âge de quarante-deux ans. En plus de 1 600 matchs en carrière, Djalma Santos n’est jamais expulsé, de quoi lui permettre de recevoir le prix Belfort Duarte, qu’il ne recevra finalement jamais, pas plus que le terrain promis par la CBD après le sacre de 1958.

Tourné vers la jeunesse

Djalma Santos se dirige vers une carrière d’entraîneur entre le Brésil, le Pérou, la Bolivie ou l’Arabie saoudite, où il retrouve des entraîneurs comme Telê Santana et Wanderley Luxemburgo. Il joue également dans l’équipe de vétérans du Millionarios, avec des champions du monde comme Bellini, Nílton Santos, Vavá et Garrincha, mais Djalma Santos trouve son plaisir dans l’enseignement du football aux enfants, notamment à Uberaba, dans le Minas Gerais. « Le plus important dans le sport n’est pas de lancer des stars, des talents rares, mais des personnes qui se respectent et vivent avec discipline » éclaire Djalma dans sa biographie Djalma Santos : do porão ao palácio de Buckingham, écrite par Flávio Prado, Adriana Mendes et Norian Segatto. Lorsque l’un de ses jeunes élèves s’aperçoit du talent du professeur et lui demande pourquoi il n’a pas tenté une carrière professionnelle, le double champion du monde répond avec sa modestie et malice habituelles : « Quand j’ai eu ton âge, j’y ai pensé. Je pense que j’aurais eu du succès ».

Il reste à Djalma Santos les souvenirs, il place parmi ses adversaires les plus redoutables Canhoteiro et Pepe, ce dernier rendant également hommage à Djalma Santos : « C’était un latéral incroyable, il ne donnait pas de coups. Je blaguais en lui disant où il pensait aller avec ce nez hideux, il me répondait en se moquant de ma calvitie. On parlait tout le match, je lui disais : “une action pour moi et une action pour toi”. Mais il n’acceptait pas et rigolait ». Djalma Santos se souvenait également de ses prestigieux coéquipiers et de leurs différences : « Parfois, Julinho m’aidait et revenait en défense. Garrincha, non. Il était le Charles Chaplin du football, un génie, un bonheur. Quand on me demande qui je préfère entre Mané et Pelé, je réponds que je veux Garrincha quand mon équipe gagne, et je veux Pelé quand on perd ». Djalma Santos offre ici peut-être la plus belle explication concernant le talent des deux plus grands joueurs de l’histoire du football brésilien.

Djalma Santos garde d’ailleurs précieusement jusqu’à sa mort, en 2013 à l’âge de quatre-ving-quatre ans, une photo des trois joueurs, prise juste après la fin du match entre le Brésil et la Suède en finale de la Coupe du Monde 1958, comme l’écrit Mauro Beting dans son livre Os dez mais do Palmeiras : « L’humilité propre aux géants. Celle de ce gamin qui travaillait dans une fabrique de chaussures en 1948, qui rêvait d’être pilote et qui, dix ans plus tard, a été champion du monde en Suède. Dans la célèbre photo qu’il garde encore aujourd’hui, à Uberaba, où il habite : Djalma Santos entouré de Pelé et Garrincha, encore sur la pelouse de Rasunda ; le premier pleurant comme un gamin qui ne savait pas exactement ce qu’il avait fait dans le monde et pour le Brésil, du haut de ses dix-sept ans ; le deuxième riant comme un enfant qu’il sera jusqu’à sa mort, en 1983. Au milieu, pour l’éternité, Djalma Santos. Dans un reportage d’ESPN Brasil, il raconta pourquoi il gardait cette image depuis cinquante ans : “Je garde cette photo pour plus tard, mais plus tard, c’est déjà maintenant” ». Les souvenirs, les images, les personnes peuvent s’effacer, mais la carrière et le caractère de Djalma Santos restent à jamais gravés dans la grande histoire du football brésilien.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.