Cinquième semaine de Libertadores et si certaines équipes sont déjà hors course pour les huitièmes, d’autres n’en finissent plus d’impressionner. Pendant ce temps, certains favoris avancent tranquillement quand d’autres tremblent.

Alors que l’aventure est d’ores et déjà terminée pour Melgar et Cobresal, la cinquième semaine a vu les choses se compliquer grandement pour Trujillanos et pour les uruguayens de River Plate et de Peñarol, quasi hors course. Fort heureusement pour le peuple celeste, le Nacional n’en finit pas de briller. Après s’être imposé au Brésil, il s’offre une deuxième fois le scalp de Palmeiras et prend les commandes de son groupe, gardant ainsi son destin en main. Son destin, Grêmio en garde aussi le contrôle après son nul ramené d’Argentine (voir notre inside dans la suite de l’article) de même que le Corinthians, qui prend les commandes du groupe 8, queRiver Plate, qui aurait même pu prendre la tête du groupe 1, et que le Racing qui sauve un point en Colombie. Reste les impressions laissées par l’Atlético Nacional, qui n’en finit plus de marcher sur son groupe en s’imposant 4-0 au Centenario. Les Verdolagas n’ont pas encore encaissé le moindre but et sont déjà qualifiés. Ils devraient être rapidement rejoints par Mineiro et les Pumas, en démonstration également cette semaine.

 

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Independiente Santa Fe 3 – 0 Cobresal

Independiente del Valle 2 – 0 Melgar

Peñarol 0 – 4 Atlético Nacional

San Lorenzo 1 – 1Grêmio

Trujillanos 1 – 1 São Paulo

The Strongest 1 – 1 River Plate

Atlético Mineiro 3 – 0 Colo Colo

Corinthians 2 – 0 Cerro Porteño

River Plate 1 – 3 Rosario Central

Olimpia 4 – 2 Emelec

Nacional 1 – 0 Palmeiras

Deportivo Cali 2 – 2Racing

Pumas UNAM 4 – 1Deportivo Táchira

par Bastien Poupat à Buenos Aires pour Lucarne Opposée

Match couperet oblige, le rendez-vous est pris cinq heures avant le coup d'envoi de la rencontre à l'angle des rues Treinta y Tres Orientales et Mexico en plein cœur de Boedo, le quartier où réside San Lorenzo. Sur la rue Mexico, nous retrouvons Matias et Lucas, deux membres de la Peña Oeste de San Lorenzo, qui seront nos hôtes du soir. « Tu te doutes pourquoi nous t'avons amenés ici ! » s'exclame Matias. En effet, ce qui est aujourd'hui la Casa Salesiana San Antonio regroupe désormais et une église où il y a 108 ans le père Lorenzo Massa fondé le club de San Lorenzo de Almagro. « A l'époque, l'arrivée au Quartier du Père Salesiano Lorenzo Bartolomé Martin Massa a été déterminante à l'heure de la fondation de San Lorenzo de Almagro. Sa vision sociale pour tirer les jeunes des dangers de la rue a été fondamentale. Ces ados ont pu croiser ce prêtre, noble et jeune, qui ouvrait son cœur et les portes de l'Oratorio San Antonio pour qu'ils puissent notamment pratiquer le football » nous confie Lucas.

Petit retour en arrière, en janvier 1907, Federico Monti et Antonio Scaramusso découvrent et pratiquent un nouveau jeu à l'angle des rues Mexico et Treinta y Tres Orientales, le football. La première assemblée extraordinaire a été réunie le 1 avril 1908, une date établie comme le jour de la fondation du club. A ce moment, les deux jeunes hommes et membres de l'assemblée devaient choisir le nom du nouveau club flambant neuf. Le premier venu à l'idée de ces membres, "Los forzosos de Almagro", reçut un avis négative du père Lorenzo Massa, le nom de San Lorenzo a alors été choisi, en hommage au père Lorenzo Massa et à la Bataille de San Lorenzo, commandé par un certain… Federico Monti. Les membres ont ensuite décidé d'ajouter la mention « Almagro », pour le quartier de Buenos Aires (même si à l'époque on ne pouvait pas encore parler de quartier), auxquels étaient rattachée la majorité des membres. Après une période sans stade propre, San Lorenzo réussit à trouver son terrain, connu sous le nom du Gasómetro, qui sera l'antre du Ciclón jusqu'en 1979. Au moment de sa construction et durant les décennies suivantes, la zone où le vieux stade était placé était toujours considérée dans le quartier d'Almagro. Mais le 11 juin 1968, la municipalité a créé le quartier de Boedo par l'Ordonnance N ° 23.698. San Lorenzo maintient toujours actuellement son siège au même endroit où le Viejo Gasómetro se trouvait à Boedo,  ce quartier meurtri la dictature, notamment au moment où elle lui a retiré son stade. Aujourd'hui, La “Terre Sainte”, comme elle est appelée à Boedo, est officiellement restituée aux Cuervos, les dirigeants de Carrefour et de San Lorenzo ayant signé le 04 Avril 2014 l’accord historique. Mais en attendant, l'équipe emmenée par Pablo Guedo évolue toujours dans le difficile quartier de Bajo Flores.

L'heure du match commence à approcher, et après cette petite balade dans Boedo, nous suivons la Peña Oeste pour la classique « Previa ». Fernet-Coca dans des bouteilles de Coca coupées en deux en guise de verres pour certains, bières et pour d'autres accompagnés de Paty (Hamburgers locaux) et Choripan l'ambiance commence à monter alors que les chants résonnent déjà et l'attente est immense. Pères de familles, oncles, cousins, cousines et amis, tout le monde est réuni autour des Quinchos (Barbecues) mis à disposition par le club, élément central à la cohésion sociale dans les quartiers (lire l’exemple de la Nueva Chicago). Il faut savoir qu'à San Lorenzo des colonies de vacances pour les enfants de socios sont organisées. « Le football argentin n'est pas que violence, c'est aussi la famille, les amis et ces moments conviviaux que l'on passe ensemble comme ce soir. En parlant de ce soir, je suis stressé on se doit de gagner pour obtenir notre première victoire dans la compétition sous peine d'une grosse désillusion » explique Federico, 54 ans venu avec ses deux fils. Tickets déjà en main, nous pénétrons dans notre tribune une demi-heure avant le coup d'envoi alors que le Nuevo Gasometro continue de se remplir.

« Pire qu'un coup de poignard en plein cœur »

Quelques minutes avant la rencontre la Butteler, Barra-Brava de San Lorenzo, fait son entrée accompagnée d'une multitude de drapeaux français en hommage aux couleurs du club mais aussi de parapluies et tambours alors que toute la popular reprend « Soy de Boedo » (Je suis de Boedo en référence à son histoire et son stade) dans une énorme ambiance. Le match peut démarrer.

Dès le coup d'envoi, San Lorenzo part à l'attaque emmené par deux de ses joueurs fondamentaux : Ezequiel Cerutti et Belluschi. Ce dernier obtient un pénalty après une grossière faute de Marcelo Oliveira. La popular explose et les « olé olé olé olé Gordo Gordo » résonnent désormais. Le magicien Ortigoza, fidèle à son style, transforme le penalty. 1-0, le Nuevo Gasometro explose. Au moment, où l'on pensait que San Lorenzo pouvait mettre un coup d’accélérateur à profit et faire souffrir le Grêmio, c'est tout l'inverse qui se produit. San Lorenzo a perdu la possession du ballon et il est bien connu que sous le style Pablo Guede, il n'a pas l'habitude de défendre sans lui... Mais de son côté, Grêmio n'est que très peu inspiré et malgré les espaces, ne se procure qu'une seule occasion. En revanche, l'équipe Azulgrana manquera de faire le break sur un énorme contre mené par Blanco avant de servir Martin Cauteruccio qui verra sa frappe détournée par Marcelo Grohe. Dans le dernier quart d'heure de la première mi-temps, San Lorenzo reprend la possession du ballon grâce à sa doublette du milieu de terrain, Belluschi-Ortigoza, et un Cerutti qui affole Marcelo Olivera sur le côté droit. De plus, le Ciclón commence à projeter ses latéraux Buffarini et Mas apportant une supériorité numérique et se crée plusieurs occasions. Quatre au total, mais l'efficacité manque cruellement. 1-0 à la pause, la tension l'ambiance ne retombe pas et San Lorenzo paraît plus ordonné défensivement que lors de ses premières rencontres tout en gardant son agressivité et son intensité qui le définit.

La deuxième période repart sur le même rythme et malgré les changements effectués par Roger Machado côté brésilien, Grêmio ne trouve pas la profondeur suffisante pour mettre en danger l'équipe de Boedo. Quant à lui, San Lorenzo est beaucoup plus pensant et calculateur dans ce deuxième acte et beaucoup moins frénétique, au point que la seule occasion claire est à mettre à l'actif des locaux quand Belluschi et Mas, encore eux, mènent un superbe contre que ne peut conclure l'idole du club, Pipi Romagonoli. Les minutes passent et la tension se fait de plus en plus ressentir dans le stade Pedro Bidegain mais c'est désormais le « Desde el cielo te voy a seguir cuando me muera » (Depuis le ciel je te suivrais quand je mourrais) qui retentit dans cette enceinte, les supporters de San Lorenzo nous régalent une fois de plus par leur magnifique répertoire de chant et poussent les leurs. Alors que nous entrons dans le temps additionnel, et quand tout laissait penser que San Lorenzo allait enfin remporter sa première victoire dans cette Copa Libertadores, nous assistons à une mauvaise remise d'Emanuel Mas que Lincoln ne pardonnera pas...  Un partout à la 91ème minute, les supporters de San Lorenzo sont abattus. Pour avoir couvert de nombreuses fois San Lorenzo sur LO, c'est la première fois que nous pouvons observer le Pedro Bidegain ainsi, sans aucun bruits dans un silence qui en dit long, silence seulement brisé par les chants du parcage brésilien désormais en folie. Avec ce scenario, Guede envoie Nicolas Blandi sur le terrain pour les deux dernières minutes, mais le sort n'a pas été de son côté : A la 93ème minute de jeu, Matos dévie un ballon dans les airs qui retombent dans les pieds de Caruzzo seul face au but, mais Marcelo Grohe réalise l'exploit de sauver les siens. 1-1 score final, les mines sont tristes. En sortant du stade nous saluons et remercions la Peña Oeste pour son accueil et croisons à nouveau Federico qui nous dira « Je n'ai pas de mots, désolé. C'est pire qu'un coup de poignard en plein cœur ». Le Ciclón pointe désormais à la dernière place du groupe 6 avec 3 points accompagné de la LDU Quito, Grêmio reste deuxième avec 5 points et Toluca leader avec 7 au compteur. Autant dire que la qualification s'annonce plus que jamais compliquée.

 

Photo une : Pedro Vilela/Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.