Après une courte victoire à Avellaneda, Independiente se préparait à affronter un Maracanã bouillant comme une cocotte laissée sur le feu pour aller chercher un titre continental après 7 années d’attente. Et pour prouver qu’il restait le Rey de Copas du continent.

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On attendait une ligne de cinq en défense, Ariel Holan en avait finalement décidé autrement. Afin de préserver son but d’avance, le technicien du Rojo optait plutôt pour un duo à la récupération Nicolás Domingo - Diego Rodríguez, sacrifiant ainsi Juan Sánchez Miño, et préférait la taille et l’assise défensive d’un Fernando Amorebieta à l’esprit souvent plus offensif de Gastón Silva. L’objectif était clair, il s’agissait d’abord d’isoler Diego, le magicien du Mengão étant même serré en individuelle par Nico Domingo, puis d’aller exploiter les espaces adverses en s'appuyant sur la vitesse du duo Barco – Benítez et la vista de Meza. Côté Rueda, un seul changement par rapport à l’aller avec l’entrée d’Everton à la place d’Everton Ribeiro. Pour le reste, le 4-2-3-1 habituel avec le héros de la demie Felipe Vizeu en pointe, Arão dans le rôle du perforateur, Diego celui du créateur.

Le début de match est un combat, conserver la balle demande bien des efforts. Plutôt que de véritablement chercher à construire, ce qui colle à ses habitudes, Independiente tente donc surtout de bloquer son adversaire et de sortir vite en contre. Flamengo joue plus direct mais manque alors d’idées. La première énorme situation arrive à la 12e minute sur une merveille de passe de Felipe Vizeu qui permet à Everton de se présenter seul face à Campaña, mais le gardien du Rojo sort un arrêt exceptionnel. La réplique est immédiate, par Martín Benítez dont la frappe s’envole. Le match s’anime quelque peu, des espaces se créent. Lucas Paquetá perce côté droit, repique à son tour mais manque le cadre. Independiente n’est jamais aussi fort que lorsqu’il pose le ballon mais le fait trop peu alors que Flamengo presse à outrance, vient mordre chaque porteur de balle, bien décidé à saisir le ballon le plus rapidement possible mais surtout à empêcher les hommes de Holan de prendre le temps de construire et d’user. Flamengo souffre pourtant sur les percées de Barco, sur l’intelligence de pivot d’un Gigliotti définitivement retrouvé et surtout manque de véritables cartouches pour venir menacer Campaña, seul Diego s’ouvrant le chemin du but sur un coup de pied arrêté déposé sur la tête de Juan, puis sur une action conclue par l’ancien de l’Atlético mais contrée avant d’arriver au but. Le couple Diego – Juan va pourtant débloquer les choses. Un coup franc bêtement concédé par Amorebieta dévié par le second et un ballon remis dans l’axe devant le but par Rever avant d’être poussé au fond par Lucas Paquetá. On joue alors la demi-heure, le Mengão a fait son retard. Les hommes de Rueda intensifient la pression mais ne parviennent pas à menacer Campaña alors que pour Holan, l’équation prend un degré de complexité supplémentaire avec la sortie de Martín Benítez sur blessure, alors remplacé par Lucas Albertengo. Mais, quasiment dans la foulée, Barco sert Meza qui s’écroule, Independiente obtient un penalty alors confirmé au VAR. Ezequiel Barco, du haut de ses 18 ans, ne tremble pas et ramène son Rojo au score, Independiente est alors de nouveau en position de vainqueur. Flamengo semble sonné, manque de justesse dans ses choix pour véritablement porter le danger. Les deux équipes rentrent alors aux vestiaires dos à dos, le penalty est sur toutes les lèvres des hommes de Rueda.

Reste que Flamengo n’est finalement pas loin de son but, les Brésiliens ont alors encore le temps. D’entrée de second acte, Lucas Paquetá profite d’un ballon perdu par Amorebieta pour filer en solo vers le but de Campaña mais bute encore sur le portier du Rojo. Rueda décide alors de lancer la pépite Vinicius Júnior, espérant que celui-ci pourra percer les lignes arrières des Argentins. En sortant Trauco, le Colombien expose surtout les siens aux contres ravageurs d’Independiente. Gigliotti chipe un ballon à 50 mètres du but et file droit vers Campaña. L’ancien honnis de Boca pique son ballon et Flamengo peut alors remercier Juan et son retour exceptionnel de ne pas être définitivement coulé. 

Les minutes défilent, chaque équipe se rend coup pour coup avec des Rubros-Negros qui ne parviennent quasiment plus à menacer Campaña, faute d’une muraille infranchissable et souvent de mauvaises décisions dans la zone de vérité. Independiente guette, le duo Meza – Barco cherche à exploiter le moindre espace et la tension monte alors (Meza cèdera ensuite sa place à Sanchez Miño venu tenter de conserver plus le ballon). Les derniers instants sont tendus, disputés, les fautes se succèdent à l’image du découpage en règle de Juan sur Barco, grand bonhomme de cette finale (et de cette campagne) qui engendre un début de bagarre. Ezequiel Barco, 18 ans, qui disputait son dernier match avec le Rojo avant son départ pour la MLS, homme rejeté par Boca et River et récupéré par Jorge Griffa lorsque ce dernier s’occupait d’Independiente, aura une fois encore exposé son grand talent et été le grand artisan du succès des siens. Car malgré une dernière occasion pour Rever, Flamengo devait se rendre à l’évidence, face au Rey de Copas, il n’y avait rien à faire.

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Le triomphe d’Holan

Après avoir remporté ses sept finales de Libertadores, Independiente remporte sa deuxième finale de Copa Sudamericana et, sept ans plus tard, peut de nouveau brandir un trophée continental. Ce succès est une juste récompense pour un homme, Ariel Holan, qui malgré les conditions parfois difficiles dans lesquelles il doit exercer son métier à Avellaneda (on ne reviendra pas sur les histoires de racket par les barras du club), a su imposer un style basé sur une volonté de jouer et une grande capacité à s’adapter aux situations adverses.

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Si sur LO nous n’avons eu de cesse de vanter son travail depuis Defensa y Justicia, Holan n’est certainement pas l’entraîneur argentin le plus médiatique en dehors de ses frontières. Mais 2017 restera ainsi l’année des confirmations avec Jorge Almirón enfin dans la lumière grâce au parcours du Granate et Ariel Holan qui voit ainsi son travail récompensé (Holan n’a perdu que 6 des 41 matchs qu’il a dirigés avec Independiente). Si son ADN reste le jeu, les rencontres précédentes dans la compétition l’auront suffisamment démontré, loin de l’imagerie collective souvent répandue lorsqu’il s’agit de résumer un technicien argentin, Holan fait partie de cette nouvelle caste d’entraîneurs à laquelle appartient un Marcelo Gallardo, à qui il ressemble beaucoup, qui savent se montrer pragmatiques quand la situation le requiert. Car comme le River du Muñeco, le Rojo d’Holan est une formidable machine à produire du jeu, s’appuie sur les talents offensifs symbolisés par Barco, le grand bonhomme de cette campagne. Gallardo avait fait briller un Alario, revivre un Scocco, la résurrection de Gigliotti sous Holan n’est pas un hasard, elle est le fruit de cette philosophie de jeu prônée par ces nouveaux coaches qui permet finalement à un avant-centre de reprendre confiance par les nombreuses situations qu’il obtiendra. Mais l’autre force d’Holan, comme Gallardo, est de ne jamais rester engoncé dans un schéma, une organisation, une philosophie, d’être capable de modifier ses plans d’un match à l’autre ou même au cours d’un match sans que cela ne se répercute sur ses joueurs, d’être aussi capable de sacrifier le romantique pour aller au combat (Gallardo l’avait parfaitement montré lorsqu’il s’était s’agi d’aller chercher un nul face à Boca en Sudamericana, Holan l’a parfaitement fait sur cette finale). C’est aussi cette capacité d’analyse et d’adaptation aux situations qui est ainsi récompensée avec le 19e titre international du Rey de Copas, sans doute l’un des plus aboutis.

 

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.