Après l'Interview de l'unique Alberto Raimundi (voir Alberto Raimundi « La Plata, c'est le Gimnasia »), LO assistait au Clásico Platense entre le Gimnasia La Plata et Estudiantes La Plata. Si dans toutes les autres grandes métropoles d'Argentine, on trouve un clivage River Plate - Boca Juniors, à La Plata, seuls Estudiantes et Gimnasia divisent les hinchas…

La Plata est une ville réputée en Argentine. Capitale de la Province de Buenos Aires, elle est souvent considérée comme un exemple de planification urbaine du XIXème siècle. La cité est connue sous le nom de Ciudad de las Diagonales (ville des diagonales) ou plus rarement la ville des tilleuls. En revanche, souvent dans l’ombre de Buenos Aires, elle est beaucoup moins connue pour son football. A tort.

Quand nous arrivons à La Plata, après une petite heure de bus depuis l'Obélisque de Buenos Aires, nous nous apercevons très rapidement qu'ici le football occupe une place très importante. Tags à tous les coins de rue sur les murs, des maillots rouge et blanc d'un côté, bleu et blanc de l'autre et les quotidiens de la ville focalisés sur le match de ce dimanche entre le Gimnasia La Plata qui reçoit dans son stade Juan Carmelo Zerillo (plus connu sous le nom d'El Bosque) son plus grand rival, Estudiantes La Plata. Dès notre arrivée nous avons déjà notre petite idée en tête, rejoindre Alberto Raimundi pour honorer son invitation et passer la journée avec le MIG (Movimiento Identidad Gimnasia) à discuter avec les hinchas du Gimnasia et ainsi découvrir et vivre ce Clásico de l'intérieur.

« Putain les gars, votre interview c'est bien beau mais je comprends pas un putain de mot en français. Encore anglais ça passe mais là en français faut oublier ». Ce fut notre premier contact avec le fameux personnage qu'est Alberto Raimundi, que nous retrouvons en fin de matinée, maillot du Gimnasia sur le dos, au studio de Radio Revolucion. Le tour du propriétaire effectué, maté à la main, nous entamons une discussion avec Nacho, qui nous présente le MIG « Nous avons fêté notre 4ème anniversaire le 05 Octobre 2013. On a créé ce mouvement pour dire stop à ce football de merde, aux autorités et aux dirigeants qui sont en train de tuer notre football. Nous sommes tous des passionnés du Gimnasia, nous sommes amoureux de ces couleurs bleu et blanche mais nous avons une vision du foot totalement différente. La radio n'est pas là pour faire la promotion du club mais au contraire pour dénoncer ce qui se passe au sein de l'entité avec les socios et sympathisants du Gimnasia. D'où le nom de Radio Revolucion d'ailleurs », le ton est donné.

On est loin de tous les titres de notre rival, on est loin des stars comme Veron mais on est loin devant au niveau de la popularité et de la passion et n’est-ce pas cela le plus important au final ?

Tout au long de la Previa, les hinchas d'El Lobo se succèdent, venues des quatre coins du pays et même pour certains du Maroc ou encore d'Angleterre ! « Tu sais, ce match est vraiment à part et tu peux t'en apercevoir aujourd'hui. Après bien malin celui qui pourra pronostiquer le résultat de cet après-midi. Pour moi un Clásico ça se gagne en posant les couilles sur le terrain, rien de plus » lâche Alberto Raimundi qui ne prononcera pas une fois le nom d’Estudiantes à l'antenne préférant prostituée ou le rival…« Je les taquine mais tu sais que cet interdiction de déplacement pour les supporters visiteurs dans tout le pays me fais vraiment chier. C'est une honte. Un Clásico ça se joue avec les deux hinchadas. Où sont le folklore et la passion qui représentent si bien notre football ici ? Je me le demande » ajoute Alberto.

Il est temps pour tout ce petit monde de rejoindre le stade. Les alentours d’el Bosque sont noirs de monde et il est quasi – impossible de stationner. Après une assez longue marche au milieu des bombes agricoles, pétards, artifices nous entendons les premiers chants et les doux mots d'amour pour Estudiantes. Avec un phénomène comme Alberto, difficile de ne pas être repéré « Putain, vous venez de France pour notre Clásico ? Tu me diras, on a un point un commun avec votre pays c'est Delio Onnis » s'exclame Mariano, la soixantaine cheveux grisonnant. Le nom du meilleur buteur de l’histoire du Championnat de France reviendra à plusieurs reprises comme un sentiment de fierté pour ces supporters qui s'identifient beaucoup plus par la passion du Gimnasia que pour une galerie des trophées très clairsemée. Mais comme dans tous ces clubs omnisports argentin qui jouent très souvent un rôle social important au sein d'une ville ou d'un quartier cela a quelque chose de très attachant. « C'est clair que l'on est loin de tous les titres de notre rival, on est loin des stars comme Veron mais on est loin devant au niveau de la popularité et de la passion et n’est-ce pas cela le plus important au final ? » s'interroge Pablo entre deux gorgées de Fernet-Cola, le Whisky-Coca façon argentine pour l'apéro. Cette passion dont se vante la plupart des fans d'El Lobo, l’entraîneur actuel et idole éternelle du club, Pedro Troglio l'avait résumé de cette manière « Tu nais de quelqu’un, ton père et ta mère, mais après tu tombes amoureux de quelqu’un et tu pars avec. Je suis né à River, mais je suis tombé amoureux de Gimnasia ». Amour, passion des mots qui reviennent sans cesse comme pour contrer la rigidité d'un Estudiantes école des , Bilardo, Sabella ou encore Zubeldia, lui qui déclarait « On n’arrive pas à la gloire par un chemin de roses ». Belle façon de dire « Seule la victoire est belle ».

Nous entrons dans l'antre du Gimnasia une petite demi-heure avant le match. El Bosque est déjà plein à craquer et sans la tribune latérale en travaux, nul doute que le nombre de supporters aurait été bien plus conséquent. C'est d'ailleurs le problème. A l'extérieur de nombreux hinchas du Lobo tentent d'entrer sans billet. Conséquence : un gros mouvement de foule et des forces de police qui interviennent de manière ferme, coups de feu dans les airs, gaz lacrymogène c'est un chaos total pendant quelques minutes avant le coup d'envoi de la rencontre. Fort heureusement aucun blessé n'est à déclarer et après un terrible recibimiento accompagné d'un voile sur toute la Popular par les fans du Gimnasia, le match peut commencer.

Durant la première demi-heure, le jeu est très haché. On assiste, comme dans beaucoup de Clásico, à un combat physique de tous les instants. Pendant ce temps-là, la 22, Barra du Gimnasia, nous fait profiter de son riche et ingénieux répertoire avec des chants comme « Basurero sos mi enfermedad » (éboueur tu es ma maladie, éboueur étant un surnom du club) repris du tube « Donde estas corazon » de Enrique Iglesias. Le premier éclair viendra à la 31ème de la part de Vegetti qui d'un magnifique retourné acrobatique viendra trouver le poteau après une intervention du portier d'Estudiantes, Hilario Navarro. Ça y est, le match est lancé. A la 39ème minute, Estudiantes obtient un corner qui, frappé par Cerruti, trouve la tête de Schunke, 0-1. Sur sa première occasion Estudiantes ouvre le score et conservera cet avantage jusqu'à la pause.

Dès le retour des vestiaires c'est Guido Carillo, auteur d'un début de saison remarquable, qui vient crucifier le portier d'El Lobo. Deux occasions, deux buts, comme si cela était ancré dans l'ADN des Pinchas, froid mais efficace. Quatre minutes plus tard suite à un corner, Vegetti, toujours lui, réduit la marque dans un stade qui ne demandait que cela pour y croire et s'enflammer. S'enflammer c'est ce qu'il fera encore plus quand Jara récoltera un carton rouge suite à un tacle non maîtrisé. L'ambiance devient alors complètement folle, tout El Bosque saute comme un seul homme et les chants sont détonants. Mais il manque quelque chose sur le terrain, cette grinta qu'il faut pour remporter un Clásico les joueurs du Gimnasia ne l'a trouveront jamais. En fin de match Cerutti transformera un pénalty qui viendra définitivement sceller le sort de cette rencontre… 1-3 score final, « Vous êtes une honte, qui saluez-vous ? Vous gagnez des millions de pesos pour jouer un Clásico de cette manière bande de fils de putes ? » lâche Alberto Raimundi très remonté envers les joueurs de son équipe avant d'ajouter une phrase qui prend tout son sens dans un football moderne pourri par le fric « Nous on est prêt à mourir pour ce maillot et nos couleurs et vous ? ».

Nous saluons donc chaleureusement Alberto Raimundi pour cette journée passée aux côtés des siens et repartons au milieu des fans du Gimnasia marqués par la tristesse d'un Clásico au goût d'inachevé pour les uns, au goût amer pour les autres, un nouveau Clásico remporté par le froid et efficace Estudiantes

Le résumé avec les commentaires d'Alberto

par Bastien Poupat à Buenos Aires pour Lucarne Opposée

Bastien Poupat